Confrontation droit pénal et véhicule autonome
Si, comme le disent les spécialistes, la majorité des accidents de la circulation résulte d’une défaillance humaine, les véhicules autonomes sont censés accroître la sécurité routière. Les accidents ne disparaîtront pas pour autant et d’autres inquiétudes naissent, pour la sécurité des données1 ou pour identifier un responsable en cas d’infractions. Pour le pénaliste, deux problématiques majeures apparaissent.
Responsable pénal
La première interrogation est celle du « qui » : qui est pénalement responsable des infractions au code de la route et, en cas d’accident, des blessures ou homicides involontaires ? L’interrogation s’avère fondamentale car l’imputation d’une infraction est normalement guidée par le principe de responsabilité du fait personnel prévu à l’article 121-1 du code pénal. Or le véhicule autonome a précisément pour finalité d’agir à la place de l’individu, voire sans personne dans l’habitacle. Une responsabilité du fait des choses paraîtrait plus naturelle, mais elle n’existe pas en droit pénal français.
Au contraire, la responsabilité civile s’adapte aisément aux véhicules autonomes. En effet, la loi Badinter n° 85-677 du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation offre des réponses en l’état actuel de ses dispositions : d’une part, quant à son domaine, la notion de véhicule terrestre à moteur inclut d’ores et déjà le véhicule autonome ; d’autre part, quant au débiteur de l’indemnité, en désignant non seulement le conducteur mais encore le gardien2, la loi ne fait pas obstacle à son application aux véhicules autonomes.
Le droit pénal semble plus réfractaire à une telle évolution en raison de sa fonction de rétribution/punition, qui justifie de vérifier que le responsable a participé matériellement à la réalisation de l’infraction pour entrer en voie de condamnation. D’emblée, un problème de philosophie pénale se pose, celui de savoir qui assume l’intelligence artificielle.
Risque pénal de l’expérimentation
Puis, une nouvelle problématique a vu le jour pour les pénalistes, dans la mesure où l’expérimentation des véhicules autonomes ne cesse d’être élargie. Les essais étant désormais envisageables sur la voie publique, des sanctions administratives et pénales3 ont été créées pour réprimer les expérimentations débordant du cadre. Un examen rapide montre que le droit pénal joue ici un rôle purement sanctionnateur car il est mis au service du respect de normes techniques. Mais, au-delà, l’expérimentation des véhicules autonomes – avec les dangers qu’elle comporte naturellement – pourrait entraîner l’application d’infractions de droit commun et engendrer ainsi des contentieux pénaux dès à présent. C’est le risque pénal de l’expérimentation. Sur ce point, le projet de loi PACTE, qui devrait être très bientôt définitivement adopté, contient de nouvelles dispositions sur la responsabilité pénale encourue dans le cadre de l’expérimentation.