En matière de terrorisme, la prise en charge des victimes demeure une question complexe qui, au cours des dernières années, a été repensée, améliorée après avoir évolué lentement pendant plusieurs décennies. La question même du statut de victimes pose question. Qu’est-ce qu’une victime d’acte de terrorisme ? En 1986, après une vague d’attentats en France et sous la pression d’associations, notamment SOS Attentats, l’État créé le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI). Celui-ci est financé par une contribution nationale de solidarité prélevée sur les contrats d’assurance de biens (multirisques d’habitation, de voiture, de résidence secondaire, etc.). « Il en existe 80 millions en France. Et les assureurs versent 5,9 € sur chaque contrat pour le FGTI ce qui fait beaucoup d’argent (472 millions d’euros, ndlr). Jusqu’aux attentats de 2015, la proportion versée spécifiquement aux victimes d’actes de terrorisme correspondait à 2,5 %. Aujourd’hui, c’est 20 % du budget du FGTI, les 80 % restants étant attribués aux victimes d’infractions pénales de droit commun », explique Françoise Rudetzki, victime de l’attentat du Grand Véfour en 1983, et qui, en tant que citoyenne, a œuvré pour la création du fonds et de plusieurs lois à destination des victimes du terrorisme. Mais qui peut être indemnisé ? « Les victimes d’acte de terrorisme, blessées ou choquées, dès lors qu’elles se trouvaient au moment de l’attentat dans la zone de danger, et les proches des victimes décédées peuvent être indemnisées », décrit le fonds de garantie. La notion de « zone de danger » est apparue en septembre 2016. Pour les attentats de Nice du 14 juillet 2016, elle correspond à « toute la surface, le trottoir et la voie de circulation empruntés par le camion meurtrier », expliquait au micro d’Europe 1 Juliette Méadel, l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes sous Hollande. Suivant cette logique, le nombre d’indemnisés s’élève aujourd’hui à 3 000 personnes.
Cette définition exclut de manière générale les personnes présentes à l’extérieur de cette zone stricte et qui auraient notamment porté secours aux blessés. Les « primo-arrivants », comme les décrit Caroline Langlade, ex-présidente de l’association Life for Paris créée après les attentats du 13 novembre 2015. « Nous voudrions créer un statut pour ceux-là car ils n’ont actuellement droit à aucune indemnisation du fonds de garantie alors qu’ils développent eux aussi des maladies », explique celle-ci. Elle-même victime de ces attaques, elle a participé à la rédaction d’un rapport remis en mars 2017 qui analyse les droits européens des victimes de terrorisme et émet des préconisations. « Nous avons beaucoup travaillé sur la reconnaissance de la blessure psychique comme une blessure physique et souhaitions un statut unique pour que les familles des victimes soient indemnisées de manière égale, que celles-ci soient décédées ou non », dit-elle. Cela n’a pas été entendu à l’heure actuelle. D’un point de vue psychologique, elle constate, plus de deux ans après le Bataclan, une meilleure évolution des blessés pris en charge immédiatement que des autres victimes présentes sur les lieux. « Nous sommes rentrés chez nous après les faits et avons dû ensuite prouver notre statut de victime », précise-t-elle, comme le veut la procédure française d’indemnisation où la charge de la preuve incombe à la victime. Un processus différent donc, moins « automatique ».