Cet ouvrage réalisé par l’historien Mathias Gardet et Véronique Blanchard, la responsable du centre d’exposition « Enfants en justice » à Savigny-sur-Orge (qui dépend de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse) reprend l’organisation de ce lieu singulier, peu connu, en banlieue parisienne. De 1945 à 1972, il fût la ferme de Champagne de Savigny-sur-Orge, l’unique Centre d’observation public de l’éducation surveillée destiné aux garçons mineurs (COPES) du tribunal pour enfants de la Seine. Ces établissements voient le jour dans l’entre-deux-guerres et se généralisent à partir de la loi du 27 juillet 1942 sur l’enfance délinquante instaurée par le régime de Vichy. Ils correspondent à l’intervention nouvelle des experts de l’enfance que sont les médecins, psychiatres et psychologues.
Désormais, l’enfant délinquant est pris en considération non plus uniquement par le prisme des faits qu’il a commis mais dans sa globalité, en étudiant sa personnalité, son comportement, son ressenti. Un nouveau paradigme, celui de la nécessaire expertise médico-psychologique préalable au jugement, imposé par un groupe de médecins spécialistes de la psychiatrie infantile dont le professeur Georges Heuyer comme l’expliquent les auteurs du livre. « L’objectif est alors de découvrir (…) les symptômes biologiques, morphologiques, psychiques et héréditaires qui permettraient de dépister dès le plus jeune âge le futur délinquant et ainsi de l’empêcher de commettre des délits », précisent-ils.
Avec l’ordonnance du 2 février 1945 qui institue le principe de la primauté de l’éducatif sur le répressif, la prison devient l’exception. Toutefois, les juges ont recours à ces dispositifs qui leur permettent d’observer et cerner la personnalité des jeunes qui ont ici entre treize et vingt ans pendant généralement trois mois pour décider ensuite des mesures à prendre (prison, retour à la maison, placement en foyer…). « Dans les années 1965-1970, le centre accueillait 200-250 garçons au quotidien. C’était très important », explique Véronique Blanchard dans la première salle d’exposition du site devenu musée en décembre 2001. De fait, seules 120 places étaient initialement prévues. En 1976, il devient un service d’hébergement (ISES) où les jeunes sont accueillis plus longuement. Toujours en activité, il a « accueilli successivement les dernières innovations des politiques judiciaires : centre de placement immédiat (1998) et tout dernièrement centre éducatif fermé (2009) », précise-t-on sur le site internet qui a instauré en 2010 une visite virtuelle des lieux d’exposition.
« Le musée est né de la volonté des acteurs de terrain qui dans les années 1970 se sont rendus compte de la difficulté à appliquer les principes d’individualisation de la prise en charge de l’enfant délinquant et ont voulu comprendre pourquoi en remontant dans l’histoire », souligne la responsable. Financé et inauguré par la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), cet espace est constitué de 14 chambrettes aux airs de cellules et de plusieurs salles où sont exposés des archives sous forme de dessins et lettres d’enfants, notes d’observations, photos, affiches, objets conservés. Ouvert à tous, il est essentiellement visité par des professionnels du secteur de la protection de l’enfance, des élèves, jeunes faisant l’objet d’une mesure judiciaire, universitaires, journalistes, politiques, soit 2 000 à 2 500 visiteurs par an à raison d’une à deux visites guidées (de 2h à 6h) par jour. L’enjeu demeure d’interpeller, sortir des idées reçues, redonner sa place à l’histoire réelle de la justice et du traitement des mineurs en France.
Commentaires
Intéressant pour ma profession