Depuis le début du confinement, mardi 17 mars 2020, la question de la protection des forces de l’ordre et notamment du stock de masques ne cesse de contaminer les échanges entre place Beauvau et les syndicats de police. Mercredi 25 mars, le ministère de l’intérieur enjoignait aux forces de l’ordre de faire don de leur stock de masques de protection respiratoire individuelle FFP2 au personnel soignant, soit 1,4 million de ces outils préconisés, selon le site du gouvernement, pour « les personnes à risque majeur d’exposition ». « Donner une partie de ce stock aux soignants (une autre ayant été conservée pour la police technique et scientifique notamment, ndlr) nous semble assez compréhensible, reconnaissait Thierry Clair, l’un des secrétaires nationaux du syndicat UNSA Police, le vendredi 27 mars. Le tout, c’est que nous recevions nous aussi le matériel dont nous avons besoin, essentiellement des masques classiques FFP1, et en quantité suffisante, puisque, même avec un usage raisonné, il faut les changer régulièrement et nous travaillons en flux tendu. Pour l’instant, il n’y a aucune transparence sur le volume. »
Depuis, La Poste a donné 300 000 masques au ministère de l’intérieur, qui en disposerait déjà de 380 000. La veille, sur France 2, Christophe Castaner déclarait avoir passé commande d’un million d’autres, reçus ce week-end de Chine, précisant que 800 000 avaient déjà été livrés « ces derniers jours » selon l’AFP. « Les masques sont bien arrivés, confirme le service d’information et de communication de la police nationale (Sicop). Mais ce n’est pas nous qui organisons la répartition. Nous n’avons pas d’information sur le nombre qui sera attribué à la police nationale. »
Après la pénurie annoncée, le flot de chiffres. La gestion de crise, une pure question comptable ? Pas seulement. Le secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), David Le Bars, déplorait « des injonctions hallucinantes » lancées les premiers jours par le ministère de l’intérieur, « qui nous invitait à ne porter le masque qu’en présence de malades, alors qu’on sait que la plupart des porteurs du virus sont asymptomatiques ». Depuis, il a été décidé que les policiers jugeraient eux-mêmes de l’opportunité du port du masque selon les conditions de leurs interventions. Et les fonctionnaires disposent désormais de matériel (gel hydroalcoolique, gants, bientôt masques).
Par ailleurs, les petits commissariats et ceux qui n’avaient pas de police secours ont été fermés, et les activités recentrées sur les missions essentielles que sont le respect des mesures de confinement, l’assistance sur la voie publique, le renseignement, les affaires d’investigation prioritaires et l’accueil dans les commissariats et au 17. Les gestes barrière, eux, sont censés être acquis. Toutefois, des questions demeurent du fait des contacts quotidiens avec la population. « En cas de verbalisation, le geste barrière peut être brisé d’autant que les personnes verbalisées ne sont pas celles qui prendront le plus de précautions. Le risque est dans les deux sens, pour le policier et pour la personne contrôlée », souligne Thierry Clair, d’UNSA Police.
Le 23 mars, lors d’une visioconférence entre le secrétaire d’État à l’Intérieur Laurent Nuñez, le DGPN Frédéric Veaux, et le directeur général de la santé, le professeur Jérôme Salomon, ce dernier recommandait la pose de vitres en plexiglas pour l’accueil dans les commissariats et les auditions. « C’est un matériel peu onéreux, environ 70 € la plaque, qui nous protège et qui s’installe vite. Ça pourrait même rester après le confinement », relève le secrétaire national de l’UNSA Police, qui assure que « le déploiement du matériel est en cours ». Une information confirmée par le Sicop. Lors de cette réunion, Jérôme Salomon aurait également suggéré de réduire les effectifs dans les voitures de trois à deux fonctionnaires, l’un au volant, l’autre à l’arrière, en quinconce.
Problème : il est recommandé pour la sécurité des policiers de patrouiller à trois, notamment dans les quartiers dits difficiles. « La sécurité sanitaire des policiers, c’est aussi leur sécurité dans l’intervention, souligne le responsable syndical. Il y a des secteurs où ce n’est pas possible d’avoir un équipage à deux. D’autant que, dans les véhicules, la radio est devant, et le conducteur ne peut pas tout gérer. » Par ailleurs, celui-ci pointe l’absence de matériel pour désinfecter les voitures. Pour l’heure, aucune des recommandations du professeur Salomon n’a fait l’objet d’une note adressée aux services de police.