Nouvelle étape dans la réforme du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale après la loi J21 et l’ordonnance du 16 mai 2018 (sur lesquelles, v. Dalloz actualité, 25 mai 2018, obs. C. Bléry et E. Tamion isset(node/190727) ? node/190727 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190727, et les références), le décret du 29 octobre « fixe [notamment] les dispositions procédurales applicables aux contestations des décisions des organismes de sécurité sociale, des maisons départementales des personnes handicapées et des autorités administratives intervenant dans le domaine de l’aide sociale, tant dans le cadre du recours préalable que dans celui du recours juridictionnel. Il modifie également le code de l’organisation judiciaire pour préciser le fonctionnement des formations échevinées des tribunaux de grande instance précités et le code de justice administrative pour tenir compte de la suppression de la commission centrale d’aide sociale » (v. notice du décret). Ces recours seront portés, selon les cas, devant les tribunaux de grande instance spécialement désignés en application de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, les cours d’appel spécialement désignées en application de l’article L. 311-15 (pour le contentieux général et technique – hors tarification de l’assurance des accidents du travail – de la sécurité sociale et le contentieux de l’aide sociale relevant du juge judiciaire ; v. Dalloz actualité, 24 juill. 2018, art. T. Coustet isset(node/191872) ? node/191872 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>191872 ; L. Garnerie, Pôles sociaux : la machine est lancée, Gaz. Pal. 31 juill. 2018, p. 5) ou de l’article L. 311-16 (cour d’appel d’Amiens pour le contentieux technique de la tarification, en premier et dernier ressort), les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, pour le contentieux relevant de l’ordre administratif (que nous ne traiterons pas ici). Ajoutons que l’article R. 142-15 du code de la sécurité sociale reconduit en substance les règles en vigueur posées à l’article R. 144-7 et dispose que « le pourvoi contre les décisions rendues en dernier ressort et les arrêts de cours d’appel est formé par ministère d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il est instruit et jugé conformément aux règles de la procédure ordinaire dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent chapitre ».
L’entrée en vigueur du décret est prévue au 1er janvier 2019, date à laquelle la loi J21 a prévu « au plus tard » la suppression des actuelles juridictions judiciaires et administratives connaissant du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale. Ceci sous quelques réserves, dont le maintien de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT) pendant au moins deux ans pour continuer de connaître des affaires en cours (v. Dalloz actualité, 25 mai 2018, obs. préc. ; v. décr. n° 2018-928, art. 16 et 17, qui organisent le transfert des affaires en cours et le suivi des dossiers).
Le chapitre 2 du titre IV du livre Ier (partie réglementaire) du code de la sécurité sociale, auquel renvoient l’article 1441-4 du code de procédure civile et l’article R. 134-1 du code de l’action sociale et des familles, met en œuvre une procédure orale particulière devant les juridictions judiciaires spécialisées (CSS, art. R. 142-10-4, R. 142-11 et R. 142-13-3). Bien que relevant désormais du tribunal de grande instance, où la procédure est – sauf exception (référé, JAF, JEX, etc.) – écrite, la procédure en matière de sécurité sociale garde donc sa nature, sans doute en grande partie parce que la représentation par avocat n’est pas obligatoire – là aussi par dérogation à la règle devant ce tribunal. Malgré des hésitations – et un retour au choix initial du pouvoir réglementaire (L. Garnerie, Pôles sociaux : la machine est lancée, Gaz. Pal. 31 juill. 2018, p. 5 ; v. infra) –, la procédure d’appel ne sera pas alignée sur celle des appels prud’homaux qui relèvent depuis 2016 de la procédure avec représentation obligatoire – avec la particularité que les justiciables peuvent être représentés également par un défenseur syndical. Les avocats ne vont sûrement pas apprécier… Il nous semble même que, plus largement, le pouvoir réglementaire aurait pu profiter de la réforme pour étendre la représentation obligatoire par avocat au contentieux de la sécurité sociale non seulement en appel mais aussi en première instance – extension souhaitée par le rapport Molfessis/Agostini (p. 68 s.).
Le chapitre 2, désormais intitulé « Contentieux général et technique de la sécurité sociale et contentieux de l’admission à l’aide sociale », remplace les actuels chapitres 2, 3 et 4 (décr., art. 2) – les deux derniers étant abrogés, sous réserve des dispositions transitoires prévues aux articles 16 et 17 (art. 11, 2°), sur le modèle de la réorganisation opérée par la loi J21 (C. Bléry, J21 : à propos de la réforme du contentieux de la Sécurité sociale et de l’action sociale, Gaz. Pal. 31 janv. 2017, p. 72 s., n° 6 et Dalloz actualité, 25 mai 2018, obs. préc.).
L’article R. 142-1-A-II nouveau précise que, « sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les demandes portées devant les juridictions spécialement désignées en application des articles L. 211-16, L. 311-15 et L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire sont formées, instruites et jugées, au fond comme en référé, selon les dispositions du code de procédure civile ». Cette règle s’étend désormais à l’ensemble du contentieux de l’aide sociale qui relève du juge judiciaire. Cela réalise une unification du traitement procédural des contentieux, celui de la tarification conservant une spécificité plus marquée. On peut penser que les articles 484 et suivants et 808 et suivants du code de procédure civile seront applicables au référé même dans le silence de l’article R. 142-1-A-II, y compris l’article 811, prévoyant une passerelle vers le juge du fond. Alors qu’il n’y avait pas de référé devant le tribunal du contentieux de l’incapacité, le contentieux technique dont connaîtra le tribunal de grande instance (TGI) spécialisé en bénéficiera, puisqu’il n’est pas exclu. Autant dire que le président du TGI spécialisé statuera dans les limites de sa compétence qui englobe désormais le contentieux général, le contentieux technique et une partie du contentieux de l’action sociale.
Cette procédure orale méritera d’être détaillée tant pour le contentieux hors tarification que pour celui de la tarification, en même temps que le recours préalable obligatoire et le régime des mesures d’instruction (v. partie suivantes).
Au-delà, le texte précise plusieurs questionstribunal de grande instance:
Régime commun des décisions contestées
Avec l’introduction par le décret n° 2018-928 d’un article R. 142-1-A, dans la section 1 « Dispositions générales », qui jusque-là n’en comprenait pas, le régime des décisions prises par les autorités administratives et les organismes sociaux, à l’égard des assurés, des cotisants ou des bénéficiaires de prestations, se trouve mieux défini dans le code de la sécurité sociale. Ces décisions concernent pour la plupart des actes émanant de personnes de droit privé (organismes sociaux) chargées de missions de service public. Ce texte englobe les décisions rendues dans le cadre des recours amiables, généralement par la commission qui est une émanation du conseil d’administration de l’organisme social. En prévoyant que toutes ces décisions sont par principe régies par les dispositions du code des relations du public avec l’administration (CRPA), le décret du 29 octobre 2018 participe à un meilleur encadrement du régime de ces nombreuses décisions, en posant leurs principes essentiels, ceux d’une motivation, d’une notification par tout moyen conférant date certaine et d’une information sur les délais et voies de recours préalable et contentieux lors de la notification. En cas de manquement à ces informations, les délais de recours préalable et contentieux, qui sont de deux mois chacun, ne seront pas opposables, donc susceptibles de rendre le recours irrecevable.
Jusqu’à présent, l’accent était insuffisamment mis dans le code de la sécurité sociale sur l’obligation de motiver, seul l’article L. 115-3, qui est maintenu, apparaissait comme noyé dans des dispositions diverses en se limitant à un renvoi au CRPA, lequel s’applique très clairement aux organismes sociaux (v. CRPA, art. L. 100-3). À cet égard, rappelons que les principes concernant la motivation des décisions des organismes de sécurité sociale sont précisément posés par les articles L. 211-7 et L. 211-8 du CRPA, qui visent les décisions individuelles de refus relatives à l’attribution d’un droit, d’une aide ou d’une subvention ou prévoyant le reversement de prestations sociales indûment perçues, ou par l’article L. 211-2 du même code en ce qui concerne les décisions des autorités administratives en matière d’aide sociale.
Principales modifications au CASF
Les principales modifications du code de l’action sociale et des familles (CASF) relatives au contentieux de l’admission à l’aide sociale ont été mises en œuvre par la loi J21 modifiée. Le décret du 29 octobre 2018 opère quelques adaptations textuelles nécessaires pour la cohérence de la partie réglementaire. On retiendra cependant deux modifications. La première concerne le tribunal administratif de Paris reconnu compétent au plan national pour statuer en lieu et place de la commission centrale d’aide sociale, d’une part sur le désaccord entre un président de conseil départemental et un préfet de département lorsque l’un et l’autre estiment que la demande d’admission à l’aide sociale (dont l’un d’eux a été saisi en premier) ne relève pas de leur compétence, mais de l’État pour le département collectivité territoriale ou inversement, et d’autre part pour trancher le désaccord entre deux présidents de conseils départementaux, lorsque pour un demandeur à une aide sociale chacun estime qu’il a son domicile de secours dans l’autre département (v. CASF, art. R. 131-8). La seconde modification notable du CASF concerne la création d’un recours préalable obligatoire à l’encontre des décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (v. art. R. 241-35 à R. 241-41). Ce recours doit être adressé à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et sera examiné par la même commission, qui est caractérisée par une composition pluridisciplinaire difficile à remplacer. Par ailleurs, il n’est pas illogique que le même organe de décision se prononce à nouveau, étant donné que le recours préalable obligatoire, fondé sur une exigence de procédure, se substitue au recours gracieux. Il a été retenu que l’examen du recours devait être fait selon les mêmes modalités que lors de la décision initiale, mais surtout que la commission pourra tenir compte de l’évolution de la situation du requérant par une nouvelle évaluation de l’équipe pluridisciplinaire, ce qui est donc réaliste et efficace.
Fin de la gratuité
Jusqu’à présent, la procédure devant les juridictions de premier degré de la sécurité sociale et de l’aide sociale (TASS, TCI et CDAS) était gratuite selon le principe affirmé en particulier à l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale (CSS) qui est abrogé. En application de ce principe, les juridictions n’avaient pas à statuer sur les dépens, ce qui n’empêchait pas pour autant l’octroi d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Toutes les dépenses contentieuses entrant normalement dans les dépens (C. pr. civ., art. 695) étaient prises en charge par les organismes sociaux selon les prescriptions de l’article L. 144-5 du CSS (devant être abrogé par la loi J21) et n’étaient pas réclamées en raison du principe de gratuité de la procédure, dont l’origine est à rechercher dans l’histoire des juridictions de sécurité sociale et de son financement par la sécurité sociale. La Cour de cassation avait elle-même opté pour une définition large de la gratuité (v. par ex. Civ. 2e, 17 avr. 2008, n° 06-21.859, D. 2008. 1354 ; ibid. 2373, chron. J.-M. Sommer et C. Nicoletis ). Dorénavant, les juridictions devront statuer sur les dépens en fonction des règles de droit commun (C. pr. civ., art. 696).
De quelques évolutions de l’échevinage
Les tribunaux de grande instance spécialement désignés pour connaître du contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale bénéficient d’une composition échevinale calquée sur les juridictions de sécurité sociale, en particulier le tribunal des affaires de sécurité sociale. La loi J21 a défini les principales règles de cette composition, ainsi que les conditions et obligations des assesseurs (COJ, art. L. 218-1 à L. 218-12). On notera que le fonctionnement collégial de la juridiction est renforcé en ce sens qu’il n’est pas prévu, comme devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) (CSS, art. L. 142-7 contenu au 1er janvier 2019) que le président puisse statuer seul avec l’accord des parties lorsque la juridiction ne peut pas siéger dans sa formation complète. Cela étant, les dispositions finales et transitoires du décret prévoient que le président du TGI pourra, jusqu’au 1er septembre 2019, statuer seul avec l’accord des parties, en cas d’absence d’assesseurs mais aussi de vacance ou de récusation (art. 17 VIII).
Le cadre légal de l’échevinage a été complété par le décret du 29 octobre 2018 qui a introduit un nouveau chapitre à la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire (COJ, art. R. 218-1 à R. 218-12). L’apport essentiel de ces dispositions concerne les précisions apportées quant aux autorités qui interviennent dans le processus de désignation des assesseurs. Le premier président de la cour d’appel est à la fois compétent pour fixer le nombre d’assesseurs (titulaires et suppléants) des TGI désignés de son ressort, et les désigner en dernier lieu. Entre ces deux prérogatives, il appartient désormais au préfet du département siège du tribunal de grande instance de transmettre au premier président la liste des candidatures aux fonctions d’assesseurs, à partir de laquelle il pourra désigner pour une durée de trois ans renouvelable les assesseurs, après avoir recueilli l’avis du président du TGI. Le préfet établit cette liste après avoir demandé au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi pour les professions non agricoles et du directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt pour les professions agricoles, de déterminer les organisations professionnelles les plus représentatives dans le ressort du tribunal, ainsi que le nombre de personnes devant être présentées par chaque organisation, ce qui semble de nature à parer à certaines difficultés de représentativité, en particulier des organisations pouvant se présenter pour la circonstance et sans réel ancrage dans l’environnement économique et social.
C. B. et E. T.