La révolution attendue depuis des années en matière d’asile n’aura pas lieu. « C’est une réformette, un aménagement à la marge pour mettre à niveau les dispositions les plus caractéristiques du droit européen », commente Christophe Pouly, avocat spécialiste du droit d’asile. Quelques avancées ont été annoncées, certaines plus optimistes que réalistes comme la création de suffisamment de places d’hébergement en centre d’accueil pour demandeur d’asile (CADA) sachant qu’au cours de ces dix dernières années, le nombre de places a été multiplié par cinq ce qui permet actuellement d’accueillir moins d’un tiers de la population. L’une des idées est d’organiser une répartition des intéressés sur le territoire français en fonction des places disponibles.
Parmi les améliorations : les demandeurs d’asile pourront être assistés par un avocat ou par le représentant d’une association habilitée lors de l’entretien devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ceux placés en procédure accélérée bénéficieront désormais d’un recours suspensif devant Cour national du droit d’asile (CNDA). On peut également noter, la prise en compte de la vulnérabilité à tous les stades du parcours, la possibilité pour l’OFPRA, dans tous les cas, de reclasser en procédure normale des demandes examinées initialement en procédure accélérées, un raccourcicement des délais de traitement des dossiers avec un objectif de neuf mois en moyenne par dossier d’ici 2017. Pour cela, des moyens supplémentaires devraient être octroyés à l’OFPRA et la CNDA avec la création d’une cinquantaine de postes.
Parallèlement, le projet de loi ne prévoit ni réintroduction du droit au travail pour les demandeurs d’asile, ni rassemblement en une seule autorité des compétences en matière de droit d’asile aujourd’hui réparties entre la Préfecture et l’OFPRA, ni annulation des procédures à juge unique comme c’est déjà le cas avec les ordonnances dites nouvelles (par opposition aux « classiques »). Des mesures moins favorables au demandeur d’asile ou plus floues et susceptibles de difficultés ont même été introduites : juge unique pour la procédure accélérée ou création d’une « nouvelle catégorie d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) », soit « à juge unique, sans rapporteur public, avec un délai de recours réduit à sept jours et un temps d’instruction à un mois » comme l’explique le syndicat de la magistrature dans un communiqué du 23 juillet.
« La mesure la plus emblématique de ce texte est le cantonnement des demandeurs d’asile dans leur lieu d’hébergement n’importe où en France. Et s’ils quittent leur hébergement pendant plus de 48 heures sans autorisation du préfet, l’OFPRA peut purement et simplement clore leur demande d’asile », dénonce la Cimade (service oecuménique d’entraide qui intervient notamment dans l’accueil des étrangers). « L’articulation de ces dispositions avec celles contenues dans le projet de loi Immigration laisse présager la création de centres dédiés « semi-fermés » et le développement des interpellations policières au domicile des demandeurs et/ou des personnes et des établissements qui les hébergent » ajoute le groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), reprenant ici une préconisation du groupe de travail formé par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine à la demande du ministre de l’intérieur fin 2013.