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Dossier 

Un an d’audiences de règlement amiable et des pratiques en réflexion

Entre ré-enchantement des fonctions civiles, qui souffrent d’un manque d’attractivité, selon un rapport de l’Inspection générale de la justice d’avril 2021, et suspicions d’une déjudiciarisation de la justice civile, l’audience de règlement amiable (ARA) propose aux juges et aux avocats d’investir différemment leurs missions judiciaires respectives. La confrontation à la pratique de l’ARA ouvre de nouvelles réflexions sur l’office de chacun.

Introduction

L’office de concilier les parties, érigé sobrement à l’article 21 du code de procédure civile – « il entre dans la mission du juge de concilier les parties » –, n’a pas été institué dans le nouveau code de procédure civile comme une mission essentielle du juge en miroir de celle de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que la loi ne prévoit que de rares espaces de conciliation par le juge ; et les saisines juridictionnelles aux fins de tentative préalable de conciliation sont ouvertes avec parcimonie. Pour le surplus, la conciliation menée par le juge qui profite de la comparution personnelle des parties lors d’une audience de plaidoiries à cinquante affaires appelées ne peut qu’être embryonnaire (même si elle n’est pas superflue, bien au contraire !).

De ce constant, on peut d’ailleurs se demander s’il est pertinent de confier au juge la mission de concilier les parties alors même que celles-ci l’ont saisi pour obtenir un jugement, soit l’antinomie d’un accord ? Questionner l’office conciliateur du juge revient à s’interroger, d’une part, sur la formation en la matière du magistrat et, d’autre part, sur sa légitimité à concilier lui-même.

La formation ne se limite pas à convaincre les professionnels de la justice de l’opportunité d’une résolution amiable des différends ; conviction que de nombreux acteurs judiciaires partagent depuis le développement des modes alternatifs de règlement des différends (MARD) dans les années 1990. L’objet est sensiblement différent puisque le juge est invité à se former sur la pratique et les techniques de conciliation et de médiation. Or, par plusieurs points, ces techniques s’éloignent des principes directeurs du procès civil. Ainsi, l’usage de l’aparté peut heurter le principe de la contradiction, la confidentialité des échanges exclut la publicité des débats, etc. L’expérience des premières audiences de règlement amiable peut légitimement désorienter un juge civil habitué à la procédure écrite accusatoire.

Toutefois, cette dernière conclusion doit être relativisée puisque les magistrats sont formés aux techniques d’entretien judiciaire supposant une écoute active, une communication efficace et adaptée aux comparants, un sens de la situation, une autorité naturelle… Il s’agit en revanche aux juges de l’ARA de s’approprier les règles de la conciliation et de la médiation, telle la position d’humilité1 du juge conciliateur, la gestion des émotions dans les conflits civils, l’usage des suspensions et des apartés…

Par ailleurs, la légitimité de l’audience de règlement amiable se trouve renforcée dès lors qu’elle ne tend pas à déjudiciariser un contentieux ou une affaire. En effet, il ne s’agit pas d’éviter la saisine d’un tribunal ou de limiter l’intervention judiciaire. Au contraire, l’ARA tend à faire intervenir le juge dans le processus de résolution amiable du litige (processus dont il peut être à l’initiative2). Ce type d’audience s’inscrit alors dans un mouvement d’incitation à la résolution amiable mais refuse la déjudiciarisation.

Après l’adhésion et la formation des juges et avocats, s’ouvre la mission de mise en place de l’ARA, tant au sein d’une organisation judiciaire que de l’audience elle-même. Ensuite, la mise en pratique interroge constamment ce nouveau positionnement du juge civil.

La mise en place délicate des audiences de règlement amiable

L’entrée en vigueur des articles 774-1 du code de procédure civile et suivants s’est accompagnée d’une réflexion sur l’organisation des chambres civiles pour la mise en...

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