Le conseiller référendaire organise son emploi du temps autour d’une exigence : rendre tous ses dossiers à la fin du mois et siéger aux deux audiences mensuelles de sa chambre, au Palais de Justice. Aussi, chaque mois, un volume de dossiers est déposé dans son casier par le président de la chambre. En principe, le conseiller dispose d’un bureau pour les traiter un par un ou simultanément mais il est libre de travailler depuis son domicile, à Paris, en province, tôt ou tard, le jour, la nuit ou les week end. Sa charge de travail conditionne ses horaires davantage que le nombre de dossiers qui lui sont confiés car leur importance demeure variable. Le conseiller n’a aucune obligation de participer à la vie de la Cour en dehors de ses missions; ses relations avec ses pairs et le président de sa chambre peuvent rester très ponctuelles. Il croise très peu les avocats. Il n’est pas coutume de plaider les affaires, en dehors des commissions spéciales. Le conseiller référendaire délibère parfois tard dans la soirée selon la complexité des affaires traitées.
L’exercice atypique de la magistrature à la Cour de cassation
« Austère », « déconnecté du public », « isolé », les magistrats de la Cour de cassation reconnaissent volontiers la solitude de leur profession. Une solitude choisie, qu’ils apprivoisent au quotidien pendant les dix années de leur poste. Aux affaires courantes et audiences vivantes des juridictions de première instance, ils ont préféré l’étude technique des arrêts, la gymnastique intellectuelle pure, le droit libéré des faits et de leur charge émotionnelle.
Conseiller référendaire à la troisième chambre civile, Sandrine Vérité travaille depuis trois ans dans le moderne et silencieux « carré » du boulevard Saint Germain. Chaque jour, elle y démêle des dossiers épineux de droit immobilier : construction, assurance-construction, expropriation et urbanisme. Puis elle rédige, seule, sans consultation officielle, un rapport sur l’affaire, communiqué aux parties, ainsi qu’un projet d’arrêt et un avis secrets adressés au doyen et au président de la chambre qui en discutent ensemble. A l’audience, les projets d’arrêt peuvent être repris, revus, malaxés, parfois réécrits par les membres de la section et enfin, dans certains cas, publiés. « Le dossier ne nous appartient pas », assure la conseillère. « J’approuve entièrement mon doyen lorsqu’il affirme que la Cour de cassation est une école d’humilité. Il faut donner un avis aussi solide et documenté que possible, et accepter que le dossier évolue ». Ici, les règles de procédure renversent celles qu’ont connues les magistrats jusqu’alors. Le volume d’audiences se réduit au profit de l’écrit. A la troisième chambre civile les conseillers ne participent pas aux discussions de la conférence, qui ont lieu en amont de l’audience, et ils ne retrouvent leur dossier qu’en fin de course, environ deux mois après sa constitution.
Il existe pourtant une exception à cette pratique atypique : les commissions juridictionnelles.
La commission nationale de réparation de la détention provisoire
Ce lundi 18 octobre, dans un préfabriqué situé derrière un dédale de couloirs et d’escaliers, Sandrine Vérité et Lise Leroy Guissinger siègent autour du président, Yves Breillat, conseiller à la deuxième chambre civile, à l’audience mensuelle de la commission nationale de réparation de la détention provisoire. Cette audience là ressemble davantage à celles des juridictions du fond. Elle intervient en appel de la décision rendue par les premiers présidents des cours d’appel. Les trois magistrats réunis doivent donc, exceptionnellement, juger en fait et en droit afin de réévaluer l’indemnisation des personnes ayant obtenu un non lieu, une relaxe ou un acquittement à...