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Reportage 

Une journée avec… un rapporteur du Défenseur des Droits

Après avoir pénétré dans les services de la CNIL, Dalloz actualité s’est invité dans les couloirs d’une autre grande autorité administrative indépendante : celle du Défenseur des droits. Créée voilà moins de deux ans, l’institution est chargée de diverses missions et, notamment, de veiller au respect de la déontologie dans le domaine de la sécurité. C’est dans le département en charge de cette problématique, au 7, rue Saint-Florentin, que notre rédactrice s’est rendue. Elle y a été accueillie par le rapporteur Samantha Enderlin, ancienne salariée de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).

par Anaïs Coignacle 21 décembre 2012

La journée type

Ses journées, Samantha Enderlin les démarre en répondant aux demandes internes via le traitement des emails reçus depuis la veille. Chargée de l’enregistrement de la documentation pour tout le pôle, le rapporteur du pôle Déontologie de la sécurité fait le tri entre les circulaires, les newsletters et les différents articles reçus par l’institution. Puis, elle découvre les courriers numérisés qui lui sont transmis grâce au logiciel d’instruction des saisines commun à toute la structure. L’emploi du temps de la jeune femme ressemble à celui de ses collègues, à commencer par l’étude des saisines, les réponses afférentes, les échanges internes sur les dossiers, puis les demandes de pièces, les vérifications sur place, l’envoi des convocations, la réalisation des auditions et, enfin, la rédaction du projet de décision. Les activités de la journée sont ainsi dictées par les contraintes de l’agenda, sachant qu’une audition dure en moyenne une heure et demie, que la rédaction d’une décision prend trois heures à trois jours, voire une semaine selon son importance, et qu’un déplacement peut nécessiter une pleine journée. Par ailleurs, Samantha Enderlin assume régulièrement l’intérim du chef de pôle, Benoît Narbey, quand celui-ci est en congés. Elle assure alors la coordination entre les salariés du service, la hiérarchie et les autres départements de l’institution et fait le lien avec les administrations extérieures pour les demandes précises.

La continuité dans le changement : transversalité et pluridisciplinarité
Les nostalgiques de la CNDS pourront toujours se consoler en cliquant sur la page Web, toujours en ligne, du site de l’institution. Pourtant, la structure, créée pour veiller au respect de la déontologie par les forces de l’ordre (publiques et privées) exerçant « sur le territoire de la République », a bel et bien disparue avec le vote de la loi organique n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, trois ans après celle, constitutionnelle, n° 2008-724 du 23 juillet 2008 qui portait création de celui-ci. Il réunit désormais en son sein les missions des anciennes administrations du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et celles de la CNDS. Tous les salariés de cette dernière sont ainsi passés de l’autre côté de la Seine, quittant le 62, boulevard de la Tour Maubourg pour le 7, rue Saint-Florentin. Aujourd’hui, ils ont donc, parmi leurs collègues, des juristes chargés de la défense des droits de l’enfant, d’autres compétents en matière de lutte contre les discriminations et certains chargés d’améliorer les relations entre le citoyen, l’administration et le service public notamment par la médiation. Des compétences complémentaires qui sont autant de plus-values facilitant l’exercice de leurs missions. « Ce sont les autres services du Défenseur des droits et les membres des collèges qui assurent aujourd’hui la pluridisciplinarité que nous avions hier au sein de notre collège », précise Benoît Narbey, le chef du pôle Déontologie de la sécurité, lui-même ancien secrétaire général de la CNDS. À l’époque, elle comptait parmi ses membres des sénateurs et députés, un conseiller d’État, un magistrat de la Cour de cassation, des personnalités qualifiées, etc. Parmi les agents, l’effectif est resté quasiment le même. Cinq rapporteurs exercent à temps plein, trois autres en tant que vacataires. Deux secrétaires greffières prennent les procès-verbaux d’audition et accompagnent les rapporteurs pendant les déplacements. Deux stagiaires assurent en permanence une fonction de greffe. « Nous sommes une petite équipe assez soudée », résume Samantha Enderlin qui évoque ses dossiers avec ses collègues et son chef de pôle entre chaque étape du processus. Et réciproquement.

Depuis la mise en route de la nouvelle superstructure, ni les missions des salariés ni leurs pouvoirs n’ont changé, contrairement aux suspicions émises par les anciens détracteurs du Défenseur des droits. Le rapporteur confirme : « Nous nous inscrivons dans le prolongement de la CNDS : nous travaillons avec la même liberté qu’avant, le niveau d’expertise est identique, sur le fond nous n’avons aucune censure et nous poursuivons la jurisprudence de la CNDS en étant même parfois plus fermes ». À ces éléments, il faut ajouter quelques nouveautés parmi lesquelles l’extension du pouvoir de saisine. Désormais, et en vertu de l’article 5 de la loi organique de 2011, le Défenseur des droits peut être saisi par « toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité ».

De même, le Défenseur des droits peut « se saisir d’office ». Auparavant, seules certaines entités administratives avaient ce pouvoir. Cette avancée a fait croître le nombre de saisines soumises au pôle avec 402 dossiers entre le 1er janvier et le 1er novembre 2012, contre 185 sur toute l’année 2010. La notoriété de l’institution n’est pas étrangère à ces chiffres, selon Benoît Narbey, qui précise qu’« en proportion du volume de réclamations, le nombre de manquements est plus faible qu’avant ». En cause : des déclarations incomplètes et dont l’auteur, sollicité par le pôle, ne donne pas suite, des déclarations sans preuve ou avec une insuffisance d’éléments matériels qui contraignent le pôle à se dessaisir (rappelons que le Défenseur des droits ne peut juger en son intime conviction).

L’autre grande nouveauté, c’est qu’aujourd’hui, tous les salariés de l’institution travaillent en synergie. Les services se transfèrent les saisines quand certains aspects de la plainte dépassent le champ de leurs compétences. « Avant, lorsqu’une saisine mettait en cause des surveillants pénitentiaires pour des faits de violences et que le détenu ne parvenait pas à obtenir son certificat médical auprès de l’UCSA [Unité de consultations et de soins ambulatoires], nous n’étions pas compétents pour intervenir à l’égard des médecins », explique Samantha Enderlin. « Aujourd’hui, nous pouvons saisir le pôle Santé, Sécurité des soins », et la saisine peut ainsi être traitée dans les meilleurs délais. Il est même possible de consulter directement le médecin du service dans le cadre d’un dossier. Par ailleurs, progressivement, chaque pôle se voit investir, dans son domaine, les différentes prérogatives et outils dont dispose à l’échelle globale le Défenseur des...

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