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Reportage 

Une journée avec une avocate en droit des étrangers

Au carrefour des disciplines juridiques et des ordres juridictionnels, le droit des étrangers est une activité exercée par un petit nombre d’avocats en France, et qui ne cesse pourtant d’évoluer, de se développer face à l’évolution des textes nationaux et des directives européennes. Notre rédactrice a été accueillie par l’avocate Isabelle Lendrevie, qui a fait du droit des étrangers son cœur de métier, son cheval de bataille. Elle l’a suivie avec ses clients dans les couloirs de la préfecture de l’Essonne et en rendez-vous à son cabinet du quartier de la Madeleine.

par Anaïs Coignacle 12 juin 2013

Journée type

Avocate indépendante, Isabelle Lendrevie répartit ses journées entre son domicile d’où elle traite toute la partie administrative des dossiers (recours, notes, bordereaux, mémoires complémentaires ou en répliques, etc.) ses rendez-vous au cabinet, les audiences dans les tribunaux, les déplacements en préfecture, voire en centre de rétention. À la différence de nombreux avocats en droit des étrangers, l’avocate tient à accompagner ses clients pour les démarches importantes en préfecture afin de pouvoir maîtriser du mieux possible le processus de demande de titre de séjour. Elle se rend régulièrement à celles d’Évry, de Bobigny, de Paris. Quant aux tribunaux, il s’agit en particulier du tribunal administratif de Versailles et celui de Paris situé rue de Jouy dans le quatrième arrondissement pour ce qui concerne les reconduites à la frontière, les obligations de quitter le territoire et les référés administratifs. L’avocate doit souvent intervenir en urgence pour faire annuler ou pour bloquer, suspendre une injonction administrative, notamment en cas de reconduite à la frontière. Cela exige une grande réactivité car une fois certains délais dépassés, il n’est plus possible d’utiliser de moyens de recours. Maître Lendrevie est assez flexible et travaille régulièrement le soir et les week-ends quand ses missions l’imposent.

Un droit complexe et politique

Sujet hautement politique, le droit des étrangers en France fait régulièrement l’objet de réformes, tant au niveau législatif que réglementaire, sans compter les directives européennes notamment en matière de migration, de reconduite à la frontière. Si bien qu’il arrive parfois que les dossiers préparés par les usagers des préfectures d’après les instructions transmises par leurs agents ne correspondent plus aux textes en vigueur d’une fois sur l’autre. C’est, notamment, ce qui s’est passé avec la publication de la circulaire de Manuel Valls du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Annoncée à tord comme la circulaire qui permettrait de régulariser les sans-papiers, celle-ci a suscité beaucoup d’espoir chez les étrangers en situation irrégulière en France, aussi parce qu’elle intervenait après l’arrivée de la gauche au pouvoir. En réalité, celle-ci avait pour seul but de rappeler et clarifier à l’administration les principes énoncés parfois de manière floue dans le code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Le ministère de l’intérieur a expliqué que cette circulaire n’entraînerait pas davantage de régularisations que l’année précédente. Pour autant, de nombreux d’étrangers se sont rendus dans les préfectures et devant les tribunaux depuis la publication de la circulaire : « les juges se retrouvent aujourd’hui au cœur d’un nouveau contentieux de masse que sont les obligations de quitter le territoire (OQTF) », explique Isabelle Lendrevie. Il s’agit de la principale mesure d’éloignement des étrangers qui peut être prise avec ou sans délai après un refus de séjour ou pour sanctionner un séjour illégal en France alors qu’« avant, on invitait les personnes concernées à quitter le territoire ». « Avec la nouvelle circulaire, les juges nous disent qu’ils ont dû allonger les délais puisqu’ils se retrouvent avec davantage de recours à traiter », poursuit-elle.
L’avocate rappelle qu’il y a souvent un aspect militant dans le fait de se spécialiser en droit des étrangers : « nous sommes dans la défense des droits fondamentaux des étrangers, au cœur de l’intérêt général. Nous avons tout de même face à nous l’État ». Et d’ajouter : « c’est un des derniers domaines où l’avocat ou le juriste peut encore dire qu’il défend les droits de l’homme ».
Actuellement en France, et d’après les dernières statistiques officielles présentées par le ministère en mars 2013, une chute de 16,5 % des naturalisations françaises a été observée en un an, soit 96 000 en 2012 contre 11 4000 en 2011. Par ailleurs, 193 600 personnes ont obtenu un titre de séjour l’an dernier, un chiffre comparable à la situation de 2011. La même année, 2,5 millions d’étrangers avec une carte de séjour résidaient en France, soit 70 000 personnes de plus qu’en 2011. Et parmi eux, 1,7 million bénéficiait d’une carte de dix ans, 500 000 d’une carte d’un an renouvelable et 150 000 de titres provisoires.

Un cas pratique de demande de régularisation

C’est un vendredi matin printanier à la préfecture de l’Essonne. Le soleil se reflète dans l’étang au milieu des bâtiments administratifs. Quelques mètres plus loin, c’est une cohorte d’individus qui se presse devant les grilles de la préfecture en rangées. La plupart a dormi...

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