Les commissions d’enquête parlementaires (CEP) ont fait leur apparition aux prémices du régime parlementaire au moment de la Restauration1. Elles s’inscrivent dans le cadre de la mission de contrôle du gouvernement, l’une des deux fonctions essentielles du Parlement aux côtés de l’élaboration de la loi. Grâce à de solides moyens d’enquête, elles visent à faire la lumière sur un événement précis ou une politique publique déterminée de façon approfondie, afin d’en tirer les conséquences politiques et juridiques et de proposer, si nécessaire, les ajustements législatifs permettant de remédier aux dysfonctionnements identifiés. Compte tenu de leur nature fortement « évènementielle »2, les CEP sont par ailleurs à même de rencontrer un certain écho médiatique et de susciter l’intérêt du public, favorisé par la publicité de leurs auditions et leur formalisme, qui empruntent pour beaucoup au procès judiciaire.
Si les règles les encadrant ont d’abord été élaborées par la pratique parlementaire et leurs missions d’enquête surtout liées à des scandales politiques ou financiers, les CEP se sont vues doter d’un cadre juridique contraignant au moment de la Ve République par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (l’Ordonnance de 1958). Parallèlement, le champ des sujets faisant l’objet de leurs investigations s’est élargi et l’article 6.I de l’ordonnance de 1958 précise désormais qu’elles peuvent recueillir des éléments d’information sur (i) la gestion d’un service public (ex. : l’état des prisons, les dysfonctionnements de la justice, la rénovation du RER…) ; (ii) la gestion d’entreprises privées et publiques d’intérêt national (ex. : la gestion d’Air France, l’industrie textile, etc.) ; (iii) des faits déterminés, notion interprétée de façon large et permettant un champ d’investigation vaste, englobant de nombreux sujets sociétaux (ex. : les sectes, la crise de la vache folle ou plus récemment l’affaire Benalla, etc.).
Tous les faits ou secteurs susceptibles d’intéresser la société peuvent donc faire l’objet d’une enquête parlementaire, tout particulièrement lorsque ces éléments ont attiré l’attention des médias. Les CEP doivent ensuite transmettre les conclusions de leur enquête à la chambre parlementaire à laquelle elles se rattachent. Chaque assemblée crée en moyenne une quinzaine de commissions d’enquête pendant les cinq années que dure une législature, l’Assemblée nationale en créant plus que le Sénat, la tendance était par ailleurs à leur multiplication. Ces dernières années, les CEP semblent par ailleurs s’emparer davantage de sujets économiques, dont la gestion de grandes entreprises, à l’instar des CEP récentes sur les pratiques de la grande distribution, l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables ou encore l’affaire Lactalis3.
Dans ce cadre, diverses personnes peuvent être auditionnées : dirigeants ou salariés d’entreprises, personnalités publiques, responsables politiques, etc. Outre le fait qu’il est obligatoire de déférer à la convocation d’une CEP, l’audition n’est pas dénuée de risques légaux pour les personnes physiques qui sont convoquées et pour les structures que ces dernières représentent. En effet, des informations sensibles peuvent y être discutées tandis que plusieurs hypothèses de refus de se conformer aux demandes d’une CEP sont sanctionnées pénalement. La responsabilité pénale des personnes peut en outre être recherchée pour les propos tenus lors des auditions et ceux-ci peuvent être utilisés dans le cadre de procédures judiciaires ultérieures.
La personne qui doit comparaître – que ce soit en son nom propre ou au nom d’une personne morale qu’elle représente – se doit d’être préparée et de mesurer les conséquences juridiques liées à ses déclarations. En effet, les règles régissant la tenue des CEP et leurs pouvoirs résultent en grande partie de la pratique parlementaire. Or, force est de constater que l’information relative aux questions que peut légitimement se poser la personne convoquée est parcellaire. Le présent vademecum, qui s’adresse aux personnes susceptibles d’être auditionnées par une CEP, mais aussi plus largement à toute personne intéressée par le fonctionnement de ces dernières, a pour objectif d’identifier les principales interrogations liées à la comparution devant une CEP et d’y apporter des éléments de réponse.