
La gestation pour autrui heurte les principes essentiels du droit français
Le refus de la transcription d’une décision étrangère sur les actes d’état civil, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français, suppose que celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français. Il en est ainsi de la décision qui faisant produire effet à une convention de gestation pour autrui même licite et reconnue dans le pays étranger, est contraire au principe essentiel de l’indisponibilité de l’état des personnes. Ce même principe fait aussi obstacle aux effets en France d’une possession d’état invoquée pour l’établissement de la filiation, dès lors qu’elle est la conséquence d’une telle convention.

Après plus d’une décennie de débats sur la question des effets juridiques, en France, d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, la Cour de cassation a, par trois arrêts de principe du 6 avril 2011, statué sur les effets pouvant être reconnus sur le sol français, de conventions de mère porteuse, interdites en France, mais licites dans le pays où elles sont intervenues.
Dans les trois cas soumis à l’examen de la Cour, des époux français qui ne pouvaient pas avoir d’enfant, ont conclu conformément au droit américain, une convention de gestation pour autrui, homologuée par le juge étranger, prévoyant qu’après la naissance de l’enfant, ils seraient déclarés dans les actes d’état civil étrangers être les parents de cet enfant (père et mère). Dans le premier dossier (pourvoi n° 09-66.486), le parquet a limité, dès l’origine, sa demande d’annulation de la transcription à la seule mention relative à la filiation maternelle de l’enfant ; en revanche, dans le deuxième dossier (pourvoi n° 10-19.053), le ministère public a demandé l’annulation de la transcription de l’acte d’état civil français en son entier ; enfin, le troisième dossier (pourvoi n° 09-17.130), est un peu différent, la transcription de l’acte d’état civil américain de l’enfant sur les registres français ayant été refusée par le consulat, à leur retour en France, les époux ont obtenu du juge des tutelles un acte de notoriété constatant la possession d’état d’enfant légitime à leur égard, dont ils ont demandé en justice la transcription sur les registres des actes d’état civil. Dans ces trois cas, les cours d’appel ont annulé ces transcriptions ou en ont refusé la transcription en France en considérant que l’ordre public français s’y opposait. Ainsi deux questions essentielles étaient posées à la Cour. La reconnaissance, en France, d’actes d’état civil d’enfants issus d’une gestation pour autrui régulièrement mise en œuvre à l’étranger est-elle contraire à la conception française de l’ordre public international ? Dans l’affirmative, l’intérêt supérieur de l’enfant (Conv. de New York, art. 3, § 1er ) ou le droit à une vie de famille (Conv. EDH, art. 8) permettent-ils d’écarter les effets de cette contrariété à l’ordre public ?
Sur l’ordre public international français, la Cour de cassation a considéré qu’était « justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ». Elle poursuit en affirmant « qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil » (V. Civ. 1re, 6 avr. 2011, 1re et 2e espèce). Enfin, elle juge que le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, fait aussi obstacle aux effets en France d’une possession d’état invoquée pour l’établissement de la filiation, dès lors qu’elle est la conséquence d’une telle convention...
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