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67 lois publiées, 91 ordonnances, 1 843 décrets, 83 570 pages au Journal officiel, etc. Selon les chiffres officiels publiés la semaine dernière, malgré les promesses de lutte contre le flux de nouvelles normes, l’année 2021 aura battu de nombreux records.
par Pierre Januel, Journalistele 19 avril 2022
Depuis 2018, le secrétariat général du gouvernement publie annuellement des indicateurs de suivi de l’activité normative. Les chiffres 2021 ont été publiés cette semaine. Soixante-sept lois ont été publiées l’an dernier (hors textes visant à ratifier des traités internationaux). C’est un record depuis vingt ans que les statistiques sont tenues. En 2020, la crise sanitaire avait mis à l’arrêt le Parlement pour plusieurs mois. Celui-ci a pu rattraper le temps perdu en 2021. Pour réduire le volume des lois, le Conseil constitutionnel avait initié une chasse aux cavaliers législatifs, pour censurer les articles sans lien avec le texte initial. Un mouvement qui ne se perçoit pas dans les chiffres, puisqu’en cours de navette, les textes continuent à plus que doubler : en 2021, les textes sont passés de 814 articles au dépôt à 1 720 à l’arrivée. Le fait que les textes d’aujourd’hui soient plus bavards se perçoit également dans les statistiques : il y a vingt ans, un article de loi adopté faisait en moyenne 246 mots. Aujourd’hui c’est 344.
Avec 91 ordonnances publiées, le gouvernement est également proche du record de 2020 (125 ordonnances), une année qui avait été bien plus marquée par la gestion de la crise sanitaire. L’augmentation du poids des ordonnances est là aussi bien mesurée par les indicateurs. Il y a dix ans, il y en avait en moyenne une quarantaine. À cela s’ajoutent 1 843 décrets pris en 2021 (un chiffre dans la moyenne de ces vingt dernières années) et 8 748 arrêtés. Le taux d’application des lois reste très bon, puisque 92 % des mesures d’application appelées par les lois ont été prises.
Un record pour le Journal officiel
Au total, le 25 janvier 2022, notre droit comprenait 92 424 articles législatifs et 248 343 articles réglementaires. En vingt ans, il y a donc eu 73 % d’articles législatifs et 53 % d’articles réglementaires en plus. Pour lire toutes nos lois (13,8 millions de mots), un bon lecteur (lisant 300 mots par minute) mettrait 32 jours s’il ne s’arrêtait jamais. Et plus de 102 jours si on y ajoutait les décrets.
L’an dernier, le Journal officiel comptait 83 570 pages, ce qui est là aussi un record (69 086 pages en 2020). Sur le front de l’inflation normative, le seul combat gagné aura été celui de la lutte contre les circulaires, passées de 1 300 par an jusqu’à 2018 à 123 l’an dernier. De gros ministères émetteurs de circulaire (ministères de la Défense, de l’Agriculture, de l’Éducation, du Budget) n’en font presque plus. Reste que les circulaires constituent un droit plus souple et ont parfois un objectif plus pédagogique que normatif.
Qui sont les responsables de l’inflation normative ?
Dans une récente étude, le conseiller d’État Christophe Eoche-Duval s’interroge sur les causes de cette inflation (Un « mal français » : son « é-norme » production juridique ?, RD pub., 2022) ? Elles sont multiples. Bruxelles est souvent pointé du doigt. Par rapport aux années précédentes, un peu plus de textes en 2021 ont participé à la transposition de directives : 3 lois, 19 ordonnances et 43 décrets. Un chiffre qui n’explique qu’une part marginale de l’inflation. La judiciarisation accrue ainsi que les exigences renforcées en matière d’incompétence négative sont également pointées.
Mais il y a aussi un appel de plus en plus systématique aux dirigeants pour résoudre tout type de problème. La nouvelle norme est vue comme un moyen peu coûteux d’y répondre. L’afflux d’ordonnances, le recours aux méga-projets de loi aux dispositions éclectiques (climat, ELAN, 3DS), la systématisation de la procédure accélérée ne sont que des moyens de contourner le goulot d’étranglement qu’est le Parlement, qui, malgré un nombre annuel de séances accru, ne peut faire face à la demande gouvernementale de nouvelles normes.
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