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Absence de renvoi à l’annexe dans la déclaration d’appel : pas de sanction !

La circonstance que la déclaration d’appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l’acte en application de l’article 114 du code de procédure civile ; elle ne saurait davantage priver la déclaration d’appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.

Le 7 mars 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu quatre arrêts, dont deux publiés, relatifs à la sanction en l’absence d’un renvoi exprès à une annexe mentionnant les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel. La question se posait en effet après l’adoption du décret n° 2022-245 du 25 févier 2022, modifiant l’article 901 code de procédure civile. La réponse est claire : il n’y a pas de sanction, ni de forme, ni de fond. En effet, la Haute juridiction affirme, d’une part que la circonstance que la déclaration d’appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs du jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de forme de l’acte, d’autre part qu’elle ne saurait priver la déclaration d’appel de son effet dévolutif.

Enfin, la deuxième chambre rappelle que la déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du jugement critiqués constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, même en l’absence d’empêchement technique.

Dans les deux affaires ayant donné lieu aux arrêts publiés, il s’agit de l’appel d’un jugement rendu par un conseil de prud’hommes, selon la procédure avec représentation obligatoire donc (c’est le même cas de figure dans un des arrêts inédits, dans l’autre l’appel est celui d’un jugement de tribunal de commerce). L’appel est interjeté par un avocat (et non un défenseur syndical). La déclaration d’appel est effectuée par voie électronique, conformément à l’article 930-1 du code de procédure civile, via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) ; une annexe – sous forme de fichier PDF – est jointe à la déclaration d’appel, sans que la première ne renvoie à la seconde.

Dans les deux cas, la cour d’appel constate que la déclaration d’appel n’emporte pas d’effet dévolutif et que, en conséquence, la cour n’est saisie d’aucune demande : elle se fonde sur l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 tel que modifié par arrêté du 25 février 2022 disposant que « lorsqu’un fichier PDF contenant une annexe est joint à la déclaration d’appel, celle-ci doit renvoyer expressément à ce fichier ». En outre, dans l’affaire n° 22-20.035, la cour d’appel considère « qu’en l’absence de démonstration d’un empêchement technique ayant justifié le recours à ce procédé, “l’annexe à la déclaration d’appel, qui énonce les chefs de jugement critiqués, n’est pas susceptible de valoir déclaration d’appel” ».

Chacun des appelants forme un pourvoi en cassation par lequel il reproche à la cour d’appel diverses violations de la loi (celles de l’art. 901 c. pr. civ.,…) :

  • l’auteur du pourvoi n° 22-23.522 estime que « le fait que la déclaration d’appel mentionne ou non l’existence d’une annexe était indifférent, selon l’avis de la Cour de cassation du 8 juillet 2022, nonobstant l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020, tel que modifié par arrêté du 25 février 2022 » ;
  • l’auteur du pourvoi n° 22-20.035 considère, lui, 1° que la mention des chefs du jugement expressément critiqués peut figurer dans une annexe à la déclaration d’appel même en l’absence de démonstration d’un empêchement technique ayant justifié le recours à ce procédé, 2° « que le renvoi exprès de la déclaration d’appel à son annexe n’est pas prévu à peine de nullité ». 

La deuxième chambre civile casse les deux arrêts d’appel au visa – identique – de « l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, modifié par l’article 2 de l’arrêté du 25 février 2022 ». Elle rappelle la teneur de ces textes avant de reprocher aux cours d’appel de les avoir violés par fausse application.

Dans les deux arrêts, elle affirme que :

« 9. Il en découle que si, en application de l’article 4 de l’arrêté précité, lorsqu’un document doit être joint à l’acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public, au sens de l’article 114 du code de procédure civile, dont l’inobservation affecterait l’acte en lui-même.
10. Aussi, la circonstance que la déclaration d’appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l’acte en application de l’article 114 précité.
11. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d’appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.
12. Pour retenir que la cour d’appel n’était saisie d’aucun chef de jugement critiqué, l’arrêt relève que la déclaration d’appel mentionne pour seul objet : "appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués" tandis que l’annexe qui lui est jointe, contenant les chefs de la décision critiqués, n’y est pas expressément visée ».

En outre dans l’arrêt n° 22-20.035, elle rappelle que « la Cour de cassation a jugé qu’une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, et ce, même en l’absence d’empêchement technique (Civ. 2e, avis, 8 juill. 2022, n° 22-70.005, Dalloz actualité, 30 août 2022, obs. R. Laffly ;D. 2022. 1498 , note M. Barba ; AJ fam. 2022. 496, obs. D. D’Ambra ; Gaz. Pal. 25 oct. 2022, p. 34, note C. Bléry ; ibid. 13 sept. 2022, p. 17, note M. Bencimon ; JCP 2022. 898, note S. Amrani-Mekki ; Civ. 2e, 26 oct. 2023, n° 22-16.185 P, Dalloz actualité, 27 nov. 2023, obs. C. Lhermitte ; D. 2023. 1952 ) ».

Le feuilleton de l’annexe à la déclaration d’appel

Avec les arrêts rendus le 7 mars 2024, le feuilleton de l’annexe (v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile – Droit interne et européen, S. Guinchard [dir.],...

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