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Article
Abus du droit d’agir du liquidateur judiciaire et responsabilité pour insuffisance d’actif
Abus du droit d’agir du liquidateur judiciaire et responsabilité pour insuffisance d’actif
L’abus du droit d’agir en responsabilité pour insuffisance d’actif qui suppose la démonstration d’une faute n’est pas suffisamment caractérisé par les juges du fond qui relèvent que la demande du liquidateur judiciaire n’était pas fondée ni adaptée aux conséquences des manquements imputés au dirigeant.
par Romain Azevedo, Maître de conférences à l'Université de Montpellierle 6 octobre 2022
En l’espèce, le liquidateur judiciaire a recherché la responsabilité du directeur général afin qu’il soit condamné à supporter la totalité de l’insuffisance d’actif de la société. La cour d’appel saisie de l’affaire a non seulement confirmé le jugement de première instance ayant rejeté la demande du liquidateur, mais également condamné ce dernier à payer au dirigeant la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive (Rennes, 3e ch. com., 2 févr. 2021, n° 20/03497).
Deux éléments ont emporté la conviction des juges du second degré. Ils ont retenu « qu’outre le fait que les demandes ne sont pas fondées, elles ont été formulées sans ménagement ni prudence, le liquidateur demandant la condamnation de M. [N] à payer la totalité du passif (en réalité de l’insuffisance d’actif), sans prendre la peine d’adapter sa demande aux conséquences des manquements qu’il lui imputait, tandis que lorsqu’elle consiste à demander une somme de dix millions d’euros à une personne physique en raison de fautes que cette personne aurait commises, elle doit être envisagée avec une prudence particulière et s’appuyer sur des éléments de droit et fait incontestables ou à tout le moins raisonnables ».
Les juges du droit amenés à s’interroger sur la pertinence de ces éléments approuvent l’argumentation du pourvoi formé par le liquidateur. Ils cassent l’arrêt d’appel au visa de l’article 1240 du code civil. Selon eux, « en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l’abus qu’elle retenait, alors que la faute de gestion reprochée devait simplement avoir contribué à l’insuffisance d’actif sans que le liquidateur n’ait à établir dans quelle proportion ni à limiter sa demande et que l’exercice de l’action ne pouvait dégénérer en abus du seul fait que les demandes n’étaient pas fondées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Dans cet arrêt non publié, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle, en premier lieu, ce que devrait être l’abus du droit d’agir en responsabilité pour insuffisance d’actif, et précise, en second lieu, ce qu’il n’est pas en l’espèce.
Le rappel de ce que devrait être l’abus du droit d’agir
Il est admis aujourd’hui que la mise en œuvre de tout droit est susceptible d’abus. Il en est ainsi notamment du droit d’agir en justice, dont la sanction de l’abus a été consacrée par le législateur. Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ». C’est à cette seconde sanction que le liquidateur judiciaire a été condamné dans l’arrêt d’appel, cassé et annulé au visa de l’article 1240 du code civil. Ce fondement de la responsabilité civile extracontractuelle pour faute met en exergue l’équilibre qui doit systématiquement être recherché entre...
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