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Accès au droit : incursion dans les permanences des MJD (partie II)

C’était hier la journée nationale de l’accès au droit. Suite de nos pérégrinations dans trois maisons de la justice et du droit (MJD), au contact d’une douzaine d’intervenants, et d’une centaine de requérants.

par Antoine Bloch, Journalistele 25 mai 2022

V. la première partie de cet article.

 

En Champagne, permanence de l’association locale de soutien aux tuteurs familiaux, qui accompagne de près ou de loin un millier d’entre eux, entre l’Aube et la Marne voisine. « Ma sœur a mis un peu le grappin sur mon père… », entame Jean*, la soixantaine, en reprenant son souffle, « et elle s’est portée tutelle sans qu’on en soit averti ». L’intervenant est surpris : « En théorie, quand on fait une demande de mesure de protection, on est censé communiquer les identités de tous les membres de la famille », en plus de joindre le livret du même nom. Faute d’avoir été consulté, Jean a fait un courrier à la juge, « en l’informant comme quoi on n’avait pas été informé ». Dans la foulée, il a demandé à « avoir de la visibilité sur les comptes en banque », en vain : « Elle n’a de comptes à rendre qu’à votre père et à la juge », objecte l’intervenant. À l’écoute du portrait que Jean brosse de sa fameuse frangine, on se dit que les dîners de famille doivent être animés : « Depuis son mariage avec un agriculteur qui a beaucoup de terres, du jour au lendemain, elle s’est vue grande dame. Elle est prête à tout, elle est pas humaine. » En fait, aucun risque : des dîners de famille, ils n’en font plus depuis un bail, et d’ailleurs, « la dernière fois que j’ai vu mon père, qui est Alzheimer, il m’a pas reconnu ». Après de longues secondes de réflexion, Jean parvient à situer dans le temps cette dernière rencontre : « C’était il y a quinze ans. » Dégainant un Cerfa de requête, l’intervenant en arrive à la conclusion suivante : « Peut-être qu’elle vous a mentionné, mais qu’elle a précisé que ça faisait une vingtaine d’années que vous n’aviez plus de contact avec votre père, ce qui a pu conduire la juge à ne pas vous convoquer. » « C’est parce que c’est elle qui a mis des barrières ! », proteste énergiquement Jean. « Bon, au moins, j’ai un avis », poursuit-il une fois calmé, « parce qu’entendre tous les sons de cloche de partout… »

« Ne faites surtout pas de recours tout seul »

Porte de Saint-Ouen, permanence d’une avocate en droit des étrangers. « Comment vous avez entendu parler de la maison ? Par bouche-à-bouche ou… ? », lance l’avocate, avant de se reprendre dans un grand éclat de rire. Tariq a été régularisé par le travail en 2016, et sa demande de naturalisation vient d’être « refusée ». En fait, elle est ajournée à deux ans : « L’ajournement, ce n’est pas un refus, mais une chance », estime l’avocate. Ce qui chagrine Tariq, c’est la lapalissade qui tient lieu de motivation : on lui reproche d’avoir « séjourné de manière irrégulière » sur le territoire antérieurement à sa régularisation. Lui croit comprendre « de manière intermittente ». Or il le jure, il n’est jamais ressorti de France. « Alors oui, sauf que là, ça ne veut pas du tout dire ça », corrige l’avocate, « ça veut dire “de manière illégale”… »

— En plus, j’ai des récépissés avant 2016, et toutes mes feuilles d’impôt, et tout.

— Et pourquoi vous ne les avez pas données dès le début ?

— Ils ne demandent que les trois dernières années.

— Mais la liste, elle n’est pas limitative, il faut leur donner le maximum.

Tariq ne veut pas attendre les deux ans, et tient à faire un recours hiérarchique, parce que « je connais plein de gens qui l’ont eue après une contestation ». « Ne le faites surtout pas tout seul », explique l’avocate, « vous devez au moins être assisté d’un juriste, qui va vous aider à rectifier des petites choses dans votre courrier ». À l’accueil, la greffière objecte que « mes juristes ne perdront pas de temps à faire un courrier qui ne servira à rien, parce que vous contestez une chose qui n’est pas contestable. Ce sera même encore pire, parce qu’on vous reproche d’avoir été illégalement sur le territoire, et vous voulez expliquer qu’en plus, vous avez travaillé illégalement. » Finalement, c’est un écrivain public qui aide Tariq à rédiger son recours.

Dans le bureau de la « permanence notaire », Louise, invalide, explique d’une toute petite voix que son père lui a légué le droit d’usage et d’habitation d’un petit appartement du nord parisien. Dans son testament, le patriarche avait couché que, « au cas où ce legs serait contesté » par un cohéritier, elle en aurait à la place la pleine propriété. Une contestation plus tard, la délivrance de son legs ne porte pourtant que sur la moitié indivise, car un remploi n’avait pas été correctement pris en compte. Depuis, elle est donc en indivision avec sa mère. « Je ne saisis pas bien où vous voulez en venir… », l’interrompt la notaire. « Dans l’intervalle », précise donc Louise, « ma mère a fait plusieurs donations, hors part successorale, à mes frères et sœurs. Et rien à moi, parce que c’est un peu tendu dans ma famille. Du coup, je me demande si j’ai une chance de pouvoir racheter l’autre moitié un jour, parce que… j’en peux plus ». Or on ne peut pas dire que les planètes de Louise soient bien alignées : « Je suis malheureusement obligée d’attendre que ma mère décède, parce qu’elle est sous curatelle renforcée. Sauf que, maintenant, ma sœur veut me mettre à la porte, elle dit que je suis occupant sans titre. Et les autres me disent que j’aurais dû payer un demi-loyer pendant tout ce temps, ils me terrorisent avec ça depuis des années… » On commence à cerner le problème, mais l’entretien a déjà largement dépassé le temps imparti : « Il faut que vous alliez voir un avocat en droit de la famille, parce que vous n’allez pas pouvoir rester dans cette situation, ça c’est sûr. »

« Mais moi, je veux que ça passe par la justice ! »

En Champagne, la permanence de la juriste du CDAD se poursuit avec Corinne, qui a « 59, euh… 69 ans, excusez-moi ». Elle vient « par rapport à ma fille, qui m’a volée. Elle me doit 8 000 €, parce qu’elle m’a volé des chèques sur plusieurs années. C’était après la mort de mon autre fille, j’étais en dépression ». Dans un premier temps, elle a tenté une médiation : « Le médiateur lui a fait une leçon de morale, et il lui a dit de s’excuser, mais elle ne voulait pas. » Puis, devant une commission de surendettement, en 2008, sa créance a été inscrite au plan (au troisième palier), à hauteur de… 10 € par mois. Corinne pouvait ainsi espérer un remboursement au bout de soixante-dix-sept ans, soit autour de ses 110 printemps. « Mais elle n’a jamais payé », précise Corinne, « et, en plus, elle déménage tout le temps, et je n’ai pas son numéro ». Sans compter que, dans l’intervalle, « ma fille m’a demandé de lui avancer de l’argent. Je lui ai prêté 4 000 €, puis 3 000, puis 1 000. Donc on en est à seize mille en tout. Traverser tout ça, ç’a été une descente aux enfers pour moi ». Récemment, elle a fini par se décider à aller voir un huissier de justice, qui n’a bien sûr rien pu faire, pour cause de forclusion : « Le temps joue contre moi, forcément. Il m’a dit de voir avec un avocat. » « Effectivement », répond la juriste, « la seule solution, ce sera peut-être de lancer une procédure. Mais il faudra voir si ce n’est pas prescrit ».

Christine a une toute petite voix, et s’efforce manifestement d’occuper le moins possible d’espace dans la pièce : « Ben voilà, je suis mariée, et… Comment expliquer ça ? Je n’ai plus les mots. » Elle les trouve tout de même : « Mon mari, petit à petit, s’est éclipsé. Il travaille à Paris, il a emmené de plus en plus d’affaires, et maintenant, il ne vient plus du tout. Et il veut me forcer à faire un divorce à l’amiable, parce qu’il ne veut pas aller en justice. » « Effectivement, si vous êtes d’accord… », entame la juriste : « Mais moi, je veux que ça passe par la justice ! », s’indigne Christine. Elle estime s’être fait rouler dans la farine depuis le départ : « Il a tout planifié petit à petit, […] alors que moi, je me suis mariée par amour. » « C’est pour ça qu’on parle de mariage gris », rebondit son interlocutrice : « Parce qu’il n’est blanc que d’un côté. Par contre, si vous demandez, non pas un divorce, mais une annulation du mariage, il faudra apporter des éléments au juge. Là, je ne suis pas certaine que ça tienne la route, mais il faudra voir avec un avocat » « Il me dit qu’il veut se marier avec une autre femme, parce qu’il veut des enfants », explique Christine : « Moi aussi, j’en voulais, sauf que maintenant, je suis trop vieille… » La juriste poursuit : « Si l’avocat vous dit que l’annulation n’est pas possible et que vous ne voulez pas divorcer, vous n’êtes pas obligée. Mais il saisira le juge qui, à un moment ou un autre, le prononcera. Donc vous pouvez reculer l’échéance, mais c’est tout. » Christine est bien décidée à rendre à son futur ex la monnaie de sa pièce, en l’empêchant d’acquérir la nationalité française par le mariage : « Si vous ne faites que divorcer, a priori, ça ne devrait pas avoir d’incidence », lui répond la juriste, « sauf que, normalement, il faut une cohabitation, donc parlez-en à l’avocat, ça vaut le coup ! »

« Mais qu’est-ce que vous voulez que j’écrive, moi ? »

Dans le Loir-et-Cher, place au conciliateur, qui accomplit son sacerdoce depuis qu’il a pris sa retraite… il y a maintenant plus de trente ans. Il reçoit aujourd’hui Jean et Madeleine, qui ont fait démousser leur toit (6 000 €) et installer une nouvelle douche (11 000 €), sans voir la couleur de la « PrimeRénov’ » qu’on leur avait promise. Surtout, ils considèrent que le chantier n’est pas terminé, mais ils n’ont plus de nouvelles de l’entrepreneur : « C’est un menteur ! Un magouilleur ! », éructe Jean. Pourtant, l’organisme de crédit vient de commencer les prélèvements sur leur compte. Quant au chef d’entreprise, il dit ne pas comprendre ce qu’il fait là : « On a un PV de réception de chantier. Ce qui veut dire que, pour nous, le chantier, il est ter-mi-né. Je n’ai rien à me reprocher. » « Y a rien qui va dans votre truc », le coupe Jean : « Pour moi, vous êtes en train de nous baiser. » « On n’a absolument rien signé », s’insurge Madeleine, « d’ailleurs, j’étais à l’hôpital à ce moment-là ». Les regards convergent vers Jean, qui baisse d’un ton : « Enfin, euh… peu importe, hein… Une entreprise consciencieuse, même si on a signé, elle sait bien qu’elle n’a pas fini son travail, et elle revient. » « Pour moi, c’est terminé pour aujourd’hui », lance le conciliateur à l’artisan, « vous pouvez y aller ». « Je vais vous envoyer vers un avocat », explique-t-il au couple, « parce qu’à mon sens, il va falloir entamer une procédure. » Il ajoute : « Mais bon, c’est mal parti, là… »

D’autres fois, les conciliations marchent sans marcher. Comme pour cet autre couple d’octogénaires, flanqué du gendre. Jacques et Geneviève se sont offert sept volets roulants électriques en alu, pour 13 000 €, mais sont mécontents du résultat. Ils ont envoyé plusieurs recommandés, puis ont laissé passer la période covid, mais sont toujours aussi remontés. L’installateur arrive à son tour, essoufflé : « Je suis navré, je m’étais trompé… Je viens d’aller… ben… chez vous, en fait. » On en vient au cœur du problème. Certains volets sont trop larges, et accrochent ; d’autres sont trop étroits, et laissent passer le jour : « C’est normal qu’il y ait quelques millimètres de chaque côté », objecte l’entrepreneur. « Oui m’enfin là, on passe la main, quand même… », réplique Geneviève. Au bout d’une trentaine de minutes d’invectives, ils en arrivent à la conclusion que l’explication la plus plausible est que des volets aient été intervertis, et donc montés sur les mauvaises fenêtres. « Mais qu’est-ce que vous voulez que j’écrive, moi ? », tente ponctuellement le conciliateur lorsqu’il parvient à en placer une. Parce qu’ils discutent entre eux, et finissent même par convenir d’un rendez-vous sur place. « Bon, ben on y va comme ça, alors », conclut le gendre. « Bon, ben alors, je ferme le dossier », boude le conciliateur : « Je vais vous adresser une attestation comme quoi il n’y a pas eu de conciliation aujourd’hui. » « Comment ça ? », sursaute l’entrepreneur : « On vient de se concilier ! » « Mais… il n’y a rien à signer ? », s’interrogent les autres en chœur. « Non non », répond le conciliateur, en refermant son dossier : « Allez, je vais vous mettre dehors. »

« Ils vont se prendre votre plainte en boomerang »

Retour avec l’avocate. Philippe, nimbé de légers effluves de cigare, raconte ainsi de sa voix de stentor que « j’ai eu il y a des années un contrôle fiscal, qui a occasionné un recalcul d’URSSAF. Il y en avait pour 30 000 €, mais j’ai passé un accord avec l’huissier, et depuis, plus de nouvelles ». Jusqu’au début de cette année, où l’organisme a finalement réclamé le (gros) solde : « L’huissier était étonné, parce qu’il m’a dit qu’il y avait une prescription de trois ans. » Il n’a pas le souvenir d’avoir véritablement contesté les contraintes successives : « Honnêtement, j’ai dû écrire. Et puis, quand je n’ai plus eu de nouvelles d’eux, j’ai tout jeté. » À plusieurs reprises, L’URSSAF a ensuite interrompu la prescription (ici par trois ans) de justesse : « Cette prescription, elle est acquise s’il ne se passe rien, mais s’ils vous font une mise en demeure, par exemple, ça repousse. » Les négociations n’ont pas donné grand-chose : « Ils me laissent trente-six mois maxi. » « Vous n’aurez pas plus en justice », explique l’avocate, « vous aurez même moins, puisque les délais de paiement, c’est vingt-quatre mois au maximum ». Elle lui conseille de convenir amiablement d’un échéancier: « Vous ne pouvez pas étaler sur vingt ans non plus, il faut leur proposer un truc raisonnable… » En remballant sa pochette, il ajoute : « J’ai eu plusieurs contrôles fiscaux, en plus. À chaque fois, ça m’a coûté un appartement… »

Magali a un enfant en bas âge sur les genoux, mais il l’empêche d’ouvrir sa pochette, alors elle le refile au vieil homme à béret qui les accompagne. C’est Louis, le père de Magali. Il a « acheté » la maison d’une voisine, pour 10 000 €. Plus exactement, le petit-fils de cette dernière lui a fait une promesse de vente sur papier libre. Et puis, « elle a eu des problèmes d’argent, donc elle a demandé à mon père de commencer à payer ». Ont suivi plusieurs autres versements, toujours contre signature. « Mais vous n’avez jamais rien formalisé devant un notaire ?! », sursaute l’avocate. Non, mais cela n’a pas empêché Louis de faire des travaux dans « sa » maison : par exemple, de remplacer un vieux ballon d’eau chaude. « Mais il y a un mois, la voisine m’a dit que la maison avait été vendue à quelqu’un d’autre », lance Magali, avant d’ajouter : « Les gendarmes n’ont pas voulu prendre notre plainte. Ils nous ont dit que les voisins seraient peut-être dans la merde, mais que nous aussi, et que le procureur nous condamnerait autant qu’eux. » L’avocate secoue la tête de gauche à droite, en levant les yeux au plafond : « Pour moi, c’est une escroquerie. Il vous vend une maison qui n’est pas à lui, le papier n’est pas valable pour une vente mais ça reste un acte sous seing privé, et il prend votre argent, donc bon… » Quoi qu’il en soit, elle leur conseille de chercher, dans les locaux de la gendarmerie, l’affiche « Charte de l’accueil », puis l’article cinq, et de le montrer à leur interlocuteur : « Ils sont obligés de la prendre. Sinon, vous écrivez directement au procureur, en mettant bien les copies des… trucs. Ils vont se prendre votre plainte en boomerang, avec un joli papier “soit-transmis” qui leur fait rarement plaisir. » « On va y retourner tout de suite, et puis leur dire qu’on sort de chez vous », conclut Magali.

« Tuer quelqu’un, c’est simple »

Remontons enfin à Paris. À la permanence droit du travail, c’est au tour de Nacera, qui a gardé les enfants successifs d’un couple à leur domicile, avant d’y faire un peu de ménage à mesure que ceux-ci quittaient le nid. À force de réclamer, elle a réussi à obtenir ses fiches de paie des trois dernières années, mais toujours rien pour les dix-neuf précédentes. Elle a fini par refuser de travailler, et vient de recevoir un courrier constatant son abandon de poste.

— Est-ce que vous avez toujours été déclarée ?

— Elle m’a toujours donné des chèques.

— Oui, mais est-ce qu’elle vous a déclarée aux caisses ?

— Comme elle me donne des chèques, pour moi, je suis déclarée.

— Mais vous êtes allée voir votre caisse de retraite ?

— Oui. Ils n’ont rien.

L’avocate fait la moue : « Ce que vous pourriez faire, c’est aller à l’inspection du travail, parce qu’ils pourront peut-être faire un courrier qui lui fera peur. Soit vous êtes déclarée, et le seul problème, c’est la remise des bulletins. Soit vous ne l’êtes pas, et c’est du travail dissimulé. » Nacera sursaute : « Pour elle ou pour moi ? » « Pour elle », la rassure l’avocate, « d’autant que vous, vous avez bien déclaré ces revenus. » Elle poursuit : « Vous pourrez même déposer une plainte pénale contre elle, mais vous aurez sans doute intérêt à demander des dommages-intérêts, parce que même si une régularisation était faite, je ne sais pas si la caisse en tiendrait compte. » Nacera ne semble guère convaincue, et finit par lâcher : « C’est que… son mari est avocat, et il m’a dit qu’il allait porter plainte. » « Alors non », rectifie la consœur amusée, « c’est contre lui qu’on va déposer plainte. En plus, quand il y a une procédure contre un avocat, on doit en informer notre ordre professionnel, et ça aussi, ça peut faire pression sur eux… »

Chez le Défenseur des droits, Linda est persuadée de payer trop d’impôts, et ne veut pas en démordre : c’est forcément (encore) un sale coup de son ex-mari. En fait non, c’est juste la conjonction du prélèvement à la source et d’un changement de tranche : « Elle est mal tombée, je suis fiscaliste, c’est mon métier », lâche le délégué en aparté. Norbert, lui, a une question à laquelle seul Pôle emploi serait en mesure de répondre. « Il faut que vous preniez rendez-vous avec votre conseiller, parce qu’il faut avoir accès à votre dossier pour pouvoir vous dire à quoi vous avez droit exactement », explique le DDD : « Par contre, si vous n’arrivez pas à en avoir un, revenez me voir. » Et le même d’ajouter, une fois la porte refermée : « Beaucoup savent pertinemment qu’ils n’ont pas raison, mais ils viennent nous voir pour pouvoir raconter ensuite qu’on leur a dit que… C’est pour ça qu’on est très prudent. » Vient le tour de Pierre, qui a couru comme un dératé et peine à reprendre son souffle. S’il est ici, c’est parce qu’il est mort. Il l’a appris vers Pâques, par un courrier adressé à sa succession : « Au début, ça m’a fait rire. Et puis, j’ai été radié de la sécurité sociale. Puis de la caisse de retraite. Personne ne comprend d’où ça vient, mais j’aimerais bien descendre de la croix, moi. » Erreur ou malveillance… Vu son parcours de vie rocambolesque, et accessoirement le nombre de ses créanciers, il ne semble pas inenvisageable que Pierre ait pu lui-même chercher à disparaître des radars, avant de retrouver pris à son propre piège. On ne le saura sans doute jamais et, à vrai dire, peu importe. « Tuer quelqu’un, c’est simple, mais le ressusciter, c’est plus compliqué… », philosophe le DDD pendant que le mort-vivant cherche dans son sac à dos le certificat de vie qu’il vient d’aller faire contresigner à la mairie. « L’urgence, c’est la réactivation de votre pension », ajoute le même, « pour que vous puissiez vivre ». « Je ne vous le fais pas dire… », sourit Pierre.

 

* Tous les prénoms et certains détails ont été modifiés.