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Accès à la profession : le CAPA algérien ne saurait être assimilé au CAPA français

Pour être inscrit auprès d’un barreau français, l’avocat ressortissant d’un Etat non membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen - et donc un avocat algérien -  doit subir les épreuves d’un examen de contrôle des connaissances en droit français, s’il n’est pas titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). 

par Dominique Piaule 23 janvier 2018

Curieuse affaire que celle qui a donné lieu à l’arrêt de la cour de Versailles du 22 décembre 2017, dans laquelle un avocat algérien, qui avait initialement pris le bon chemin pour obtenir son inscription auprès d’un barreau français, a ensuite fait volteface pour s’engager dans une impasse.

En l’occurrence, l’impétrant de nationalité algérienne, titulaire d’une licence en droit décernée par la faculté d’Alger et d’un CAPA délivré en Algérie, inscrit au grand tableau des avocats du barreau d’Alger depuis 2007, souhaitait s’inscrire auprès d’un barreau français.

Or l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 subordonne l’inscription au tableau d’un barreau français, notamment, à l’obtention du CAPA (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 11), et ce, sous réserve des dispositions particulières prévues, d’une part, pour les ressortissants de l’Union européenne (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 11), d’autre part, pour les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France (Décr. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 97 et 98 ; v. H. Ader et A. Damien, in S. Bortoluzzi, D. Piau et T. Wickers (dir.), Règles de la profession d’avocat, 15e éd., Dalloz, 2016, nos 112.11 s.) et, enfin, pour les avocats ressortissant d’un État ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen.

Dans ce dernier cas, l’avocat inscrit auprès d’un barreau étranger, s’il n’est pas titulaire du CAPA, doit, dès lors qu’est préalablement vérifiée la condition de réciprocité qui accorde aux Français la faculté d’exercer sous les mêmes conditions la profession d’avocat dans son pays d’origine, subir un examen de contrôle des connaissances en droit français (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 11 in fine). Le Conseil national des barreaux (CNB) peut, toutefois, au vu des travaux universitaires ou scientifiques du candidat, dispenser celui-ci de certaines épreuves (Décr. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 100 ; v. H. Ader, A. Damien, préc., nos 112.141 s.).

L’impétrant avait d’ailleurs, initialement, sollicité et obtenu du CNB l’autorisation de se présenter à l’examen de contrôle des connaissances prévu par l’article 100 du décret du 27 novembre 1991. Mais il n’avait pas passé cet examen et avait ensuite fait une demande directe d’inscription auprès d’un barreau en se fondant sur l’article 15, alinéa 3, du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 au motif qu’il conférerait de plein droit aux avocats français et algériens ayant acquis cette qualité dans leur pays d’origine de solliciter leur inscription à un barreau de l’autre pays (Décr. n° 62-1020, 29 août 1962, portant publication des protocoles, conventions et accords signés le 28 août 1962 entre le gouvernement de la République française et l’exécutif provisoire algérien).

Or cet article 15, alinéa 3, dispose, précisément, qu’« à titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l’autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l’inscription est demandée » (Décr. du 29 août 1962, préc., art. 15).

Ainsi, si ce même protocole dispense l’impétrant de démontrer que la condition de réciprocité est remplie (Paris, 29 juin 1992, n° 1992/50-51 ; 29 juin 1994, n° 1994/23743), il ne lui en impose pas moins de « satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription » en France, c’est-à-dire celles prévues à l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971, et notamment d’être titulaire du CAPA ou, à défaut, de passer l’examen de contrôle des connaissances dans les conditions prévues à l’article 100 du décret du 27 novembre 1991.

Vainement, l’impétrant faisait-il valoir que son CAPA obtenu en Algérie serait équivalent au CAPA exigé par l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971, lequel ne peut s’entendre que du CAPA obtenu en France dans le cadre du cursus prévu à cet effet dans un centre régional de formation professionnelle des avocats (v. H. Ader, A. Damien, préc., nos 111.11 s.).

À cet égard, comme le relève la cour d’appel de Versailles dans son arrêt, ni l’article 5 de la Déclaration de principe relative à la coopération culturelle intégrée dans les accords d’Evian (art. 5, JO 20 mars 1962, p. 3028) qui prévoit que « les grades et diplômes d’enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d’examens sont valables de plein droit dans les deux pays », alors même que les programmes ne sont pas identiques, dès lors que le droit enseigné dans les deux pays est différent, ni l’alinéa 2 de ce même article (v. art. 5, JO 20 mars 1962, p. 3028) en tant qu’il prévoit que « des équivalences entre les grades et diplômes d’enseignement délivrés en Algérie et en France, dans des conditions différentes de programme, de scolarité et d’examens seront établies par voie d’accords particuliers », alors même qu’aucun accord particulier n’est intervenu s’agissant du CAPA, ni la Convention sur la reconnaissance des études, des diplômes et des grades de l’enseignement supérieur dans les États arabes et les États européens riverains conclue le 17 décembre 1976 (Conv. 17 déc. 1976, art. 1er, 1 a) qui prévoit l’assimilation des diplômes délivrés en en Algérie à un diplôme de l’État en français mais, ici encore, en fonction de la portée donnée à cette assimilation par le droit interne, ne saurait permettre de conclure à l’existence d’une quelconque reconnaissance ou d’une équivalence du CAPA obtenu en Algérie avec le CAPA délivré en France.

L’arrêt de la cour d’appel de Versailles ne peut être qu’approuvé dès lors les accords internationaux ne sauraient produire plus d’effets que leurs propres prescriptions, notamment, comme c’était le cas en l’espèce, lorsqu’ils renvoient au droit interne pour déterminer les conditions d’équivalence.