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Accès à la profession d’avocat

Selon le dernier alinéa de l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, l’avocat ressortissant d’un État ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen, s’il n’est pas titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, doit subir, pour pouvoir s’inscrire à un barreau français, les épreuves d’un examen de contrôle des connaissances en droit français selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

par Gaëlle Deharole 8 juillet 2019

Titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) délivré en Algérie et inscrite au barreau d’Alger, une avocate avait sollicité son inscription au barreau des Hauts-de-Seine sur le fondement, notamment, de l’article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962. Cette demande avait été rejetée par une décision du conseil de l’ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine dont la décision avait été confirmée en appel.

La décision des juges d’appel trouvait ancrage dans la construction jurisprudentielle antérieure. Après avoir considéré qu’un candidat, précédemment inscrit au barreau d’Alger, était dispensé des conditions de diplôme, de possession du CAPA et de stage imposées par les articles 11, 2° et 3°, et 12 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (Civ. 1re, 16 févr. 1994, n° 92-10.397, Ordre des avocats au barreau de Paris c. Aït Kaci, D. 1995. 161 , obs. A. Brunois ; Rev. crit. DIP 1995. 51, note P. Lagarde ; JCP 1994. 1025), la jurisprudence semblait avoir modifié sa position. Plus précisément, la cour d’appel de Versailles avait considéré que l’article 11 de la loi n° 71-1130 « impose à l’avocat ressortissant d’un État non membre de l’Union européenne ou de l’espace économique européen – et donc à un avocat algérien – de subir les épreuves de contrôles des connaissances en droit français s’il n’est pas titulaire du CAPA » (Versailles, 22 déc. 2017, n° 17/05707, Dalloz actualité, 23 janv. 2018, obs. D. Piau isset(node/188746) ? node/188746 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188746).

La question est une nouvelle fois posée à la Cour de cassation en l’espèce (Civ. 1re, 19 juin 2019, n° 18-12.671, D. 2019. 1348 ), à la faveur d’un pourvoi formé contre la décision des juges du fond. La demanderesse arguait de l’équivalence des CAPA et diplômes universitaires français et algérien en raison des accords internationaux de réciprocité (Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962, art. 15, al. 3). Elle soutenait encore que les dispositions de l’article 11 de la loi n° 71-1130 ne mentionnent pas l’exigence d’un « CAPA français » et qu’une telle exigence de la part des institutions ordinales ajoutait une condition non requise par les textes.

La Cour de cassation était ainsi une nouvelle fois saisie de la question de la condition de territorialité du CAPA : celui-ci doit-il avoir été délivré par les autorités françaises pour prétendre à l’inscription au tableau ?

La matière relève de l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Cette disposition prévoit des conditions variables selon que le candidat est français, ressortissant de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ou ressortissant d’un autre pays. La formule introductive est impérative et ne souffre aucune nuance : « nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il ne remplit les conditions » prévues par le texte.

La première de ces conditions renvoie à la nationalité : « être français, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou ressortissant d’un État ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d’exercer sous les mêmes conditions l’activité professionnelle que l’intéressé se propose lui-même d’exercer en France, sous réserve des décisions de Conseil de l’Union européenne relatives à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d’apatride reconnue par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ». Le texte prévoit donc des conditions variables selon la nationalité de l’impétrant. À cet égard, le Conseil constitutionnel avait jugé que ce traitement différencié des candidats selon qu’ils sont ou non ressortissants de l’Union européenne ou selon leur pratique du droit français est conforme à la Constitution (Cons. const. 6 juill. 2016, n° 2016-551 QPC, Dalloz actualité, 7 juill. 2016, art. A. Portmann ; ibid. 2017. 74, obs. T. Wickers ; Constitutions 2016. 529, chron. ). En ce sens, la cour d’appel de Paris avait jugé que l’accès dérogatoire aux magistrats peut être réservé aux magistrats français (Paris, 9 févr. 2017, n° 16/05575, Dalloz jurisprudence). Plus précisément encore, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 26 janvier 2017, avait confirmé le refus d’inscrire un avocat ivoirien au tableau au motif que, si l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 autorise l’inscription au tableau d’une personne de nationalité étrangère ne faisant pas partie de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen sous conditions de réciprocité, les accords entre les deux pays ne prévoyaient pas en l’espèce que les ressortissants de chacun des deux États puissent s’inscrire dans un barreau de l’autre pays (Paris, 26 janv. 2017, n° 16/15764, Dalloz actualité, 10 févr. 2017, art. A. Portmann isset(node/183313) ? node/183313 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>183313).

La seconde condition est relative au diplôme présenté par le candidat : « Être titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l’application de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ».

La troisième condition renvoie au CAPA : « Être titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2°, ou, dans le cadre de la réciprocité, de l’examen prévu au dernier alinéa du présent article ».

Outre les conditions de probité, l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit encore que l’avocat ressortissant d’un État ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen, s’il n’est pas titulaire du CAPA, doit subir, pour pouvoir s’inscrire à un barreau français, les épreuves d’un examen de contrôle des connaissances en droit français selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

Selon la jurisprudence, en effet, la territorialité apparaît comme une garantie de maîtrise du droit français, qu’il s’agisse d’un diplôme délivré par les autorités françaises, d’une expérience acquise sur le territoire français et impliquant l’application du droit national (Civ. 1re, 4 mai 2016, n° 14-25.800, Dalloz actualité, 11 mai 2016, art. A. Portmann ; ibid. 2017. 74, obs. T. Wickers ), de l’exercice de la profession de magistrat en France (Paris, pôle 2, 1re ch., 9 févr. 2017, n° 16/05575, Dalloz jurisprudence) ou de la réussite à un examen organisé par les autorités françaises (Paris, pôle 1, 1re ch., 31 août 2018, n° 18/17068, Dalloz jurisprudence). Cette condition de territorialité s’applique aux différentes voies d’accès à la profession et a pour finalité d’assurer chez le candidat une connaissance suffisante du droit national (Civ. 1re, 11 mai 2017, n° 16-17.295, Dalloz jurisprudence). C’est la raison pour laquelle la cour d’appel de Paris avait notamment considéré qu’il y avait lieu d’autoriser un candidat à se présenter à l’examen du CAPA sur le fondement de diplômes délivrés au Bénin car, dans une telle hypothèse, c’est le résultat de l’examen et non le diplôme qui garantira la maîtrise du droit français (Paris, pôle 1, 1re ch., 31 août 2018, n° 18/17068, Dalloz jurisprudence).

La question de la territorialité est donc étroitement liée à la garantie de compétence et de maîtrise du droit national et, partant, aux droits de la défense.

Après avoir rappelé les dispositions des articles 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 et 11 de la loi n° 71-1130, aux termes desquelles l’avocat ressortissant d’un État ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen, s’il n’est pas titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, doit subir, pour pouvoir s’inscrire à un barreau français, les épreuves d’un examen de contrôle des connaissances en droit français selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, la Cour de cassation rejette l’argumentation de la demanderesse à la cassation. La décision se décompose en quatre points :

• le droit d’inscription à un barreau français d’un avocat ressortissant d’un État ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen est subordonné à la condition soit d’être titulaire du CAPA, soit, à défaut, de subir les épreuves d’un examen de contrôle des connaissances en droit français ;

• les connaissances en droit français exigées d’un avocat répondant à ces critères, aux fins de son inscription, et destinées à garantir les droits de la défense ainsi qu’une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises ne peuvent être considérées comme acquises que si le CAPA dont celui-ci se prévaut a été délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ;

• la condition édictée par l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971, tenant à la détention d’un CAPA, s’entend d’un titre délivré par les autorités françaises ;

• les programmes portant sur des matières dont les CAPA français et algérien sanctionnent la connaissance ne peuvent être identiques, dès lors que les droits enseignés en vertu de ces programmes sont différents.

Les quatre piliers de la doctrine de la Cour de cassation en la matière sont ainsi clairement réaffirmés. Cette décision tarira-t-elle le contentieux en la matière ? Il est possible d’en douter tant le développement du marché du droit et l’ouverture de la profession à de nouvelles formes de concurrence attirent de nouveaux candidats.