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Accès à la profession d’avocat : interprétation stricte des conditions du bénéfice de la dispense

Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d’un service juridique d’une ou plusieurs entreprises qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l’entreprise des problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci.

par Gaëlle Deharole 8 avril 2019

Le contentieux de l’accès à la profession d’avocat revient une nouvelle fois devant la Cour de cassation à la faveur d’un arrêt publié au Bulletin et dont l’importance ne doit pas être négligée.

Régi par l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et le titre II du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’accès à la profession repose sur des conditions générales de nationalité (v. Dalloz actualité, 20 déc. 2016, art. A. Portmann ; Rev. crit. DIP 1995. 51, obs. P. Lagarde ), l’exercice partiel de la profession (v. Dalloz actualité, 15 févr. 2019, obs. G. Deharo ).

C’est cette dernière voie que la demanderesse entendait emprunter en l’espèce. Ayant exercé une activité de juristes au sein d’une association pendant plus de huit ans, elle avait sollicité son admission au barreau de Bordeaux sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l’article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Selon cette disposition, les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Le conseil de l’ordre avait cependant rejeté sa demande et, sur recours de la demanderesse, sa décision avait été confirmée par la juridiction d’appel. Invoquant la règle d’interprétation stricte classiquement appliquée par la jurisprudence (v. Dalloz actualité, 20 févr. 2019, obs. G. Deharo, préc.), les juges du fond avaient considéré que l’accès dérogatoire à la profession d’avocat est subordonné à une condition d’aptitude tenant à une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise dans une entreprise.

Un pourvoi fut formé contre cette décision. Convoquant son expérience dans des fonctions au sein d’un service spécialisé chargé des problèmes juridiques posés par l’activité des membres de l’association qui l’employait, la demanderesse soutenait que celle-ci constituait une entité exerçant une activité économique appelant la qualification d’entreprise. Elle arguait donc de la réunion des conditions nécessaires pour bénéficier de la dispense. Cette argumentation est cependant rejetée par la première chambre civile.

Par cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation vient donner son interprétation des exigences textuelles à la lumière d’une interprétation stricte. Après avoir rappelé le texte selon lequel « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d’un service juridique d’une ou plusieurs entreprises », la première chambre civile vient préciser, au-delà du texte, l’interprétation stricte, voire restrictive, qu’il faut en retenir : le bénéfice en est réservé à ceux « qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l’entreprise des problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci ». La règle d’interprétation stricte étant posée, la Cour de cassation en contrôle l’application par les juges du fond. Le contrôle lourd ainsi exercé peut être constaté par l’usage de l’expression « c’est à bon droit » utilisée par la première chambre civile pour apprécier l’application de la règle par la juridiction d’appel.