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Accompagnement des couples victimes d’interruption spontanée de grossesse : entre faux-semblants et bonnes intentions

La loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse dite fausse couche met en place un certain nombre de mesures, en demi-teintes, dans le champ de la santé, de la protection sociale et du travail.

La proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023 et présentée notamment par la députée Sandrine Josso avait initialement pour objectif de favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche : les débats parlementaires, pourtant contraints par la procédure accélérée, ont permis d’enrichir le texte sur de multiples aspects.

D’un point de vue sémantique d’abord, l’interruption spontanée de grossesse s’impose dans le champ législatif : l’expression est ainsi introduite par la loi du 7 juillet 2023 dans le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale, le code du travail ainsi que le code rural et de la pêche maritime. Pour le gouvernement ainsi que les parlementaires, l’objectif est de reconnaître que les fausses couches peuvent constituer un événement traumatique, sur le plan physique et psychologique, qui nécessite une prise en charge dédiée. Lors des débats, il a été mis en lumière que les arrêts spontanés de grossesses, considérés comme courants et naturels, sont trop souvent banalisés et les femmes mal accompagnées alors qu’une femme sur dix est confrontée à cette épreuve au cours de sa vie. En utilisant l’expression d’arrêt ou d’interruption spontanée de grossesse, préférée par les femmes elles-mêmes à celle de « fausse couche », les parlementaires ont pour objectif de changer le regard de la société et de permettre un meilleur accompagnement des femmes et de leur partenaire. Il s’agit du deuxième apport important des débats parlementaires et dont le titre de la loi, rectifié au Journal officiel du 16 juillet 2023, porte également la trace : l’accompagnement proposé ne vise pas uniquement les femmes mais bien le couple confronté à la perte de la grossesse.

D’un point de vue substantiel enfin, la navette parlementaire, bien que réduite du fait de la procédure accélérée, a conduit à un enrichissement notable du texte : en plus de l’accompagnement psychologique des couples, un parcours médical doit être mis en place par les agences régionales de santé, le délai de carence est supprimé en cas d’arrêt maladie et la protection de la salariée est assurée pendant les 10 semaines qui suivent une interruption spontanée de grossesse après 22 semaines d’aménorrhée (SA). La multiplication de ces mesures ne doit cependant pas masquer leur faible portée et l’absence de réflexion d’ensemble.

Un soutien psychologique des couples en trompe-l’œil

L’article 4 de la loi du 7 juillet 2023 reprend l’essentiel de la proposition de loi de Sandrine Josso en mettant en place un accompagnement psychologique des femmes, victimes d’une interruption spontanée de grossesse. Dans cette perspective, les médecins mais également les sages-femmes peuvent désormais adresser leurs patientes et leur partenaire vers le dispositif MonSoutienPsy (d’abord appelé MonPsy puis MonParcoursPsy) qui permet la prise en charge par l’Assurance maladie de huits séances d’accompagnement réalisées par un psychologue. Ce système de conventionnement entre les organismes locaux d’assurance maladie et les psychologues volontaires, exerçant en libéral, en centre de santé ou en maison de santé, a été créé par la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, non sans des résistances importantes de la part des psychologues. Plusieurs limites importantes ont dès le départ été mises en exergue et semblent se vérifier compte tenu du nombre limité de psychologues ayant accepté ce conventionnement avec l’Assurance maladie. La principale faiblesse du dispositif tient à son format, déterminé sans concertation avec les professionnels,...

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