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Article

Accouchement sous X : le droit français est conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
Accouchement sous X : le droit français est conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
La France n’a pas violé la Convention européenne des droits de l’homme en refusant de dévoiler à une personne née sous X l’identité de sa mère biologique.
par Jean-Jacques Lemouland, Professeur des universités, CERFAPS, Université de Bordeauxle 6 février 2024

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Vingt ans après l’affaire Odièvre, cet arrêt est important parce qu’il donne à la Cour européenne des droits de l’homme l’occasion de préciser où se situe, selon elle, dans un conflit direct entre la mère et l’enfant, le point d’équilibre entre le droit pour la mère de préserver le secret de son identité, et le droit pour l’enfant de connaître ses origines. La Cour ne remet pas en cause la possibilité pour les États concernés de prévoir la faculté pour les femmes d’accoucher dans l’anonymat, mais elle juge nécessaire qu’ils organisent, en présence d’un tel système d’anonymat, une procédure permettant de solliciter la réversibilité du secret de l’identité de la mère, sous réserve de l’accord de celle-ci, et de demander des informations non identifiantes sur ses origines. La Cour valide ainsi la finalité poursuivie par le droit français, à savoir la réalisation d’un compromis entre les droits et intérêts en jeu par le biais d’une procédure de conciliation visant à faciliter l’accès aux origines sans pour autant renier l’expression de la volonté et du consentement de la mère.
Depuis vingt ans le contexte a changé
Abandonnée par sa mère à sa naissance en 1952 et adoptée peu de temps après, la requérante n’a découvert que bien plus tard les circonstances de sa naissance, en 2008, au décès du deuxième de ses parents adoptifs. Cette même année, elle a adressé au Conseil national de l’accès aux origines personnelles (CNAOP) une demande visant à connaître l’identité de ses parents biologiques et elle a formulé également plusieurs questions concernant la nationalité de sa mère, les antécédents médicaux de sa famille et l’existence de frères ou sœurs biologiques. Le CNAOP parvint à localiser la mère, qui confirma l’identité du père et répondit aux questions précitées posées par la requérante, mais exprima, comme l’y autorise l’article L. 147-6 du code de l’action sociale et des familles, sa volonté de préserver le secret de son identité, « maintenant et après son décès ». Malgré son insistance, la requérante ne put obtenir davantage, le CNAOP lui indiquant qu’il ne pouvait passer outre le refus de sa mère de lever le secret de son identité. Elle obtint cependant de la part de l’association Entraide des femmes françaises, un dossier anonymisé lui apportant des éléments sur ses parents de naissance et les circonstances de son abandon, mais occultant tout renseignement identifiant.
Son recours contre la décision du CNAOP fut rejeté successivement par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et la Cour administrative d’appel de Paris. Le Conseil d’État rejeta également son pourvoi en cassation, considérant que les dispositions légales « organisent la possibilité de lever le secret de l’identité de la mère de naissance, en permettant de solliciter la réversibilité du secret de son identité sous réserve de l’accord de celle-ci, et définissent ainsi un équilibre entre le respect dû au droit à l’anonymat garanti à la mère lorsqu’elle a accouché et le souhait légitime de l’enfant né dans ces conditions de connaître ses origines » (CE 16 oct. 2019, n° 420230, Dalloz actualité, 22 oct. 2019, obs. E. Maupin ; Lebon ; AJDA 2019. 2085
; D. 2019. 2299, obs. L. Carayon
; AJ fam. 2019. 654, obs. M. Saulier
; ibid. 615, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RDSS 2019. 1101, note F. Monéger
; RTD civ. 2020. 75, obs. A.-M. Leroyer
).
La requérante a saisi la Cour européenne des droits de l’homme en soutenant que le refus opposé à sa demande méconnaissait son droit d’accès aux origines garanti par l’article 8 de la Convention. Plus précisément, elle a invoqué la situation minoritaire de la législation française relative à l’accouchement sous X et l’existence d’un large consensus européen en faveur d’un droit à l’identité. Elle a insisté sur l’évolution du contexte depuis l’arrêt Odièvre (CEDH, gr. ch., Odièvre c/ France, 13 févr. 2003, n° 42326/98, AJDA 2003. 603, chron. J.-F. Flauss ; D. 2003. 739, et les obs.
; ibid. 1240, chron. B. Mallet-Bricout
; RDSS 2003. 219, note F. Monéger
; RTD civ. 2003. 276, obs. J. Hauser
; ibid. 375, obs. J.-P. Marguénaud
; JCP 2003. II. 10049, note A. Gouttenoire et F. Sudre ; Dr. fam. 2003, n° 58, obs. P. Murat) et a soutenu que la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État ne ménageait pas un juste équilibre entre les intérêts en cause, car elle subordonne « le droit d’accès aux origines à la décision unique de la mère ».
Rappel des arrêts antérieurs
Le Cour rappelle que l’article 8 de la Convention européenne protège le droit à l’identité et, à ce titre, le droit d’obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l’identité de son géniteur. Elle rappelle également l’application qu’elle a faite de ces principes dans les précédents arrêts Odièvre (préc.) et Godelli (CEDH 25 sept. 2012, n° 33783/09, D. 2012. 2309, et les obs. ; ibid. 2013. 798, obs. M. Douchy-Oudot
; ibid. 1235, obs. REGINE
; ibid. 1436, obs. F. Granet-Lambrechts
; AJ fam. 2012. 554, obs. F. Chénedé
; RTD civ. 2013. 104, obs. J. Hauser
). Dans l’arrêt Odièvre, elle a considéré que la législation française tentait d’atteindre « un équilibre et une proportionnalité suffisante entre les intérêts en cause » et a conclu à la...
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