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Action de concert tendant à faire obstacle à un retrait obligatoire : le Conseil d’État précise la notion de « politique commune »

Dans un arrêt du 29 mai 2024, le Conseil d’État rejette le recours formé contre une décision de la Commission des sanctions de l’AMF du 11 juillet 2022 en affirmant qu’une action de concert, au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, peut être retenue lorsque les intéressés ont manifesté la volonté commune de gérer au mieux leurs participations dans une société cotée et de renforcer leur valorisation en faisant obstacle au retrait obligatoire visant cette société, avec une incidence certaine sur sa gestion, sans que les circonstances que leur accord soit conclu temporairement, ou intègre un projet de cession ultérieur des titres détenus, ne fasse par elles-mêmes obstacle à la qualification d’action de concert.

L’application de la notion d’action de concert, prévue par les articles L. 233-10 et L. 233-10-1 du code de commerce, suscite régulièrement des difficultés en raison des incertitudes affectant ses composantes, et notamment l’existence d’une politique commune vis-à-vis de la société qui est l’une des finalités de l’action concertée (v. D. Schmidt et N. Rontchevsky, Action de concert, Base Lextenso, avr. 2024, n° 130). Par un arrêt du 29 mai 2024, le Conseil d’État apporte une clarification à ce sujet en affirmant qu’une action de concert au sens de l’article L. 233-10, I, du code de commerce (visant « un accord en vue d’acquérir, de céder ou d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société»), peut être retenue lorsque des personnes se mettent d’accord pour acquérir des actions d’une société cotée dans le but commun de faire obstacle au retrait obligatoire (C. mon. fin., art. L. 433-4, II) envisagé par l’initiateur d’une offre publique d’acquisition visant les actions de cette société.

En l’occurrence, en 2019, une société de capital investissement (CVC) a lancé une offre publique d’acquisition sur les titres du courtier d’assurance April (société cotée), avec l’intention d’atteindre le seuil de 90 % du capital ou des droits de vote afin de lancer ensuite une procédure de retrait obligatoire. Cette stratégie a été tenue en échec en raison d’acquisitions de titres April réalisées, dès le début de la période de pré-offre, par diverses entités d’un même groupe (AFI-ESCA), contrôlées par la même personne physique, qui estimait que le prix proposé par CVC ne valorisait pas suffisamment le titre April. Ce groupe a ainsi pu céder ultérieurement ses titres April à CVC à un prix plus élevé que celui proposé dans le cadre de l’offre publique.

À l’issue d’une enquête, le collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a estimé que la personne physique et les entités qu’elle contrôle avaient manqué aux obligations déclaratives prévues par l’article L. 233-7 du code de commerce (déclaration de franchissement de seuils) et par les articles 231-46 et 231-47 du règlement général de l’AMF (obligations déclaratives spécifiques en période d’offre publique), qui s’imposaient à elles, selon le régulateur, en raison de leur action de concert et de son effet agrégatif de leurs participations respectives. Par une décision du 11 juillet 2022 (SAN-2022-09, JCP E 2023, nos 17-18, p. 1135 ; BJB sept. 2022, n° BJB200w5, note D. Schmidt ; Dr. sociétés 2022, n° 109, note O. de Bailliencourt ; RTDF 3/2022. 13, étude C. Goyet), la Commission des sanctions de l’AMF (la Commission) a retenu l’existence d’une action de concert entre les mis en cause et un manquement à leurs obligations déclaratives et leur a infligé en conséquence des sanctions pécuniaires. La Commission a considéré que, dans le cadre d’une offre publique d’acquisition, l’article L. 233-10-1 du code de commerce prévoit un cas particulier d’action de concert s’agissant des accords conclus par un investisseur avec l’initiateur d’une offre ou la société cible mais n’exclut pas que d’autres situations ou accords puissent caractériser une action de concert au sens de l’article L. 233-10 du même code. Elle a estimé que « tel est notamment le cas d’un accord entre plusieurs personnes prévoyant une stratégie destinée à faire obstacle...

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