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Le point de départ du délai de prescription d’une demande en nullité des statuts et de la désignation du conseil d’administration d’une association est la date de la déclaration en préfecture. La cour d’appel n’est pas tenue de répondre à l’argumentation invoquée à l’appui du moyen d’une partie si celle-ci n’est pas formulée à l’appui d’une prétention.
par Romain Lafflyle 28 septembre 2018
La cour d’appel de Paris juge irrecevable comme prescrite l’action en annulation des statuts d’une association adoptés en décembre 2007 en relevant que les statuts étaient connus au plus tard à compter de la déclaration en préfecture le 6 novembre 2008, que ceux-ci n’avaient pas été contestés lors de la première instance mais pour la première fois en appel en juin 2014. Parmi les différents moyens invoqués, deux furent examinés par la deuxième chambre civile. Les demandeurs au pourvoi ont d’abord reproché l’application de la prescription quinquennale alors que la cour d’appel n’avait pas caractérisé leur connaissance effective de la décision et des statuts votés en 2007, laquelle était intervenue seulement par les assignations qui leur avaient été délivrées dans le délai de cinq ans de l’action. Ils faisaient encore grief d’avoir été condamnés conjointement à des dommages et intérêts pour avoir participé au conseil d’administration et à une assemblée générale tandis qu’ils n’étaient plus membres de l’association alors que leurs conclusions invitaient la cour à relever que leur volonté de donner un nouvel élan à l’association était justifiée et exclusive de tout comportement fautif. Par deux attendus riches d’enseignement, la deuxième chambre civile écarte les moyens et rejette le pourvoi.
S’agissant de la prescription extinctive, la cour rappelle les dispositions de l’article 2224 du code civil, tel que modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». L’attendu, pour confirmer que l’action était atteinte par la prescription, est clair : « en application de l’article 5, alinéas 5 et 6, de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, celles-ci sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes modifications apportées à leurs statuts, ces modifications et changements n’étant opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés ; qu’ayant relevé que les décisions du 30 décembre 2007, adoptant de nouveaux statuts et élisant le conseil d’administration, avaient été déclarées en préfecture le 6 novembre 2008, la cour d’appel en a exactement déduit que ces décisions et statuts étaient connus au plus tard à compter de cette déclaration en préfecture ». La demande de nullité des actes, formée pour la première fois devant la cour d’appel en juin 2014, était donc prescrite.
Au regard de l’article 2224 du code civil, si la solution est classique, l’apport n’en est pas moins intéressant. En effet, le fait que le point de départ du délai de prescription puisse se situer à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu les faits lui permettant d’exercer l’action apparaît protecteur pour le créancier de l’obligation. En jurisprudence, celui-ci peut se prévaloir d’une connaissance effective qui peut par exemple consister en une première manifestation du dommage ou en son aggravation, ou bien dépendre du dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire qui fixerait les responsabilités et l’étendue des préjudices, mais aussi de la connaissance d’une décision de justice ou du jour où il a été en mesure d’agir. L’appréciation de cette connaissance effective se fera alors in concreto. Mais il ne faut pas oublier que l’article 2224 précise, aussi, que le point de départ du délai peut également être le jour où le titulaire d’un droit aurait dû connaître les faits. Et c’est généralement le cas lorsqu’une obligation est soumise à publicité, qui conditionne le point de départ de l’opposabilité de l’acte aux tiers, laquelle, pour des raisons évidentes de sécurité juridique, ne saurait dépendre d’une connaissance aléatoire et nécessairement différente selon les tiers. Ainsi, à l’instar des situations dans lesquelles le point de départ du délai de forclusion ou de prescription est conditionné par une publicité rendue obligatoire (RCS, BODACC, etc.), pour une question d’opposabilité aux tiers, il en est de même pour les associations soumises aux mêmes contraintes. C’est finalement la loi sur les associations qui induisait ce point de départ au regard du critère d’opposabilité tandis que les décisions de changements opérés dans l’administration et les statuts avaient bien, en l’espèce, fait l’objet d’une déclaration à la préfecture.
Quant au second moyen, consistant pour la Cour de cassation en un défaut de réponse à conclusions, il est écarté au visa de l’article 954 du code de procédure civile qui précise que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée. Pour la deuxième chambre civile, « l’argumentation figurant dans les conclusions d’appel (des demandeurs au pourvoi) et invoquée à l’appui du moyen, à laquelle la cour d’appel aurait omis de répondre, n’ayant pas été expressément formulée à l’appui de leur prétention au rejet de la demande de dommages et intérêts dirigée à leur encontre, le moyen manque en fait ».
Voilà une application, peu habituelle comme s’intéressant au contenu même des écritures, de l’alinéa 1er de l’article 954 ancien, issu du décret Magendie du 9 décembre 2009. Plus attentifs à la rédaction de leur dispositif puisque nul n’ignore désormais que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, les avocats ne prêtent pas toujours attention aux sanctions possibles nées des obligations qui pèsent sur eux dès la rédaction de la discussion.
En l’espèce, les conclusions soulevaient bien le moyen, développaient une argumentation en rapport avec ce moyen, mais celle-ci n’était pas expressément formulée à l’appui de la prétention de rejet de la demande de dommages et intérêts sollicitée par la partie adverse. Si leurs conclusions invitaient bien la cour à constater que leur volonté de donner un nouvel élan à l’association était justifiée et exclusive de tout comportement fautif, cette argumentation n’était pas rattachée à leur prétention de rejet de la demande tendant à obtenir leur condamnation à payer des dommages et intérêts pour avoir participé au conseil d’administration et à une assemblée générale de l’association alors même qu’ils n’en étaient plus membres.
Certes, il ne sera pas statué sur la prétention non reprise dans le dispositif quand bien même celle-ci aurait été mentionnée dans les conclusions, mais la partie doit aussi prendre garde à développer cette prétention dans le corps de ses conclusions, que sa demande tende à obtenir une condamnation ou, comme ici, à faire échec à celle de son adversaire.
L’avocat devra redoubler d’ailleurs de vigilance puisque l’alinéa 1er de l’article 954 a été modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 qui renforce les obligations procédurales des parties : « Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé ».
Outre l’exposé des prétentions et des moyens de fait et de droit s’ajoute donc une corrélation entre la prétention formulée par le plaideur et la pièce qu’il invoque. Quant à l’alinéa 3 nouveau de l’article 954, celui-ci dispose toujours que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, mais il est immédiatement ajouté que la cour « n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». La boucle est bouclée : si l’omission d’une prétention dans le dispositif n’autorisere pas la cour à statuer, l’omission d’un moyen ou d’une prétention dans la discussion elle-même peut conduire à la même sanction. On aurait presque fini par oublier, tant la rédaction du dispositif mérite, dans tous les sens du terme, un effort de concentration, l’exigence d’articulation des moyens en fait et en droit au regard de la demande contenue dans les conclusions et cet arrêt vient rappeler le degré d’exigence qu’il convient d’avoir dans la rédaction de conclusions qui ne se résument pas à leur dispositif.
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