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Action en responsabilité de l’assuré mal conseillé : la chambre commerciale fixe le point de départ du délai de prescription

Le délai de prescription de l’action en indemnisation de la perte de chance subie par l’assuré mal conseillé lors du choix des unités de compte de son contrat d’assurance vie court à compter, non de la date de l’investissement, mais de la date du rachat du contrat.

Par deux arrêts rendus le même jour et qui auront les honneurs d’une publication au Bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation poursuit son œuvre de construction du régime de l’action en responsabilité que peut engager l’assuré qui a souscrit un contrat d’assurance vie en unités de compte (UC), lorsque le professionnel qui l’a accompagné l’a mal conseillé.

Dans les deux espèces, des épargnants avaient souscrit des contrats d’assurance vie. En 2010, ils avaient investi une partie des primes sur une UC avant de procéder à un arbitrage au profit d’une autre UC en 2014, chaque opération étant réalisée sur les conseils d’une même société en gestion de patrimoine. Constatant de fortes moins-values, les assurés assignèrent la société en responsabilité.

La Cour d’appel de Grenoble estima chaque fois les demandes prescrites au motif que dès la conclusion des contrats, les épargnants savaient que les supports conseillés comportaient des risques de perte en capital, si bien que la prescription avait commencé de courir à ce moment-là.

Ses arrêts sont cassés au terme d’une motivation identique. Rappelant en effet que le préjudice subi dans ce genre de circonstances est une de perte de chance, la chambre commerciale en déduit que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité doit être fixé au jour du rachat, à la différence, semble-t-il, de ce que paraît retenir la deuxième chambre civile dans des circonstances analogues. Les deux arrêts commentés sont ainsi placés sous le double sceau de la cohérence et de la divergence.

Cohérence

Certains des rappels sur le préjudice de perte de chance n’étant pas indispensables pour répondre au pourvoi, la chambre commerciale entend manifestement consolider sa jurisprudence et bien asseoir la conséquence qui en résulte, s’agissant du point de départ du délai de prescription.

Consolidation

En premier lieu, reprenant au mot près la formule d’un précédent arrêt (Com. 10 mars 2021, n° 19-16.302 P, Dalloz actualité, 31 mars 2021, obs. V. Roulet ; D. 2021. 574 ; Gaz. Pal. 8 juin 2021, n° 21, note B. Bury ; RDBF 2021. Comm. 63, note N. Leblond), les arrêts énoncent que le préjudice subi par l’épargnant s’analyse en une perte de chance d’éviter la réalisation des pertes associées à un support d’investissement.

En dépit de sa permanence, cette formule peut ne pas emporter pleinement la conviction, la perte de chance d’avoir effectué une meilleure allocation des primes pouvant sembler préférable. En effet, sauf à choisir un fonds garanti, il y a toujours un risque de moins-value. Le défaut de conseil ne modifie en rien ce risque, il en altère seulement la perception par l’épargnant. De plus, l’analyse menée par la chambre commerciale revient à isoler chaque UC, alors que le contrat d’assurance vie forme un...

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