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Actualités assurance chômage : censure par le Conseil d’État et prolongation d’indemnisation

Le Conseil d’État censure le règlement d’assurance chômage issu du décret du 26 juillet 2019. Sont en particulier annulés le dispositif du bonus-malus ainsi que les dispositions relatives au calcul du salaire journalier de référence. L’ordonnance n° 2020-1412 du 25 novembre 2020 vient prolonger dans le même temps l’indemnisation des chômeurs en fin de droit.

par Loïc Malfettesle 1 décembre 2020

Un bonus-malus censuré sur la forme

Le premier point litigieux relevé par le Conseil d’État dans sa décision du 25 novembre 2020 tient en effet aux modalités du bonus-malus dont l’entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2021, qui ne pouvaient selon l’éminente juridiction pas être fixées par arrêté.

Ce mécanisme instaurant un bonus-malus sur la cotisation patronale d’assurance chômage des entreprises d’au moins onze salariés en fonction du « taux de séparation de l’entreprise » est issu du règlement d’assurance chômage publié par le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 (règl., annexe A, art. 50-2 à 51). Or, pour détailler les modalités d’application du bonus-malus, le décret a renvoyé à des arrêtés ministériels. Le juge administratif voit dans cette pratique « une subdélégation illégale », dans la mesure où il aurait fallu fixer ces règles par décret.

C’est en particulier le taux de séparation moyen au-delà duquel un secteur d’activité est soumis au bonus-malus et les secteurs d’activité concernés qui, parce qu’ils « sont des éléments déterminants de la modulation du taux de contribution de chaque employeur », n’auraient pas dû être fixés par simple arrêté et auraient dû corrélativement être définis avec davantage de précision dans le décret.

Celui-ci se bornait en effet à imposer que le taux de séparation moyen soit fixé en fonction de l’écart entre les taux de séparation moyen des différents secteurs d’activité et à exiger que les secteurs d’activité concernés soient identifiés par référence à la nomenclature des activités françaises (régl., art. 50-3). Ce point n’étant pas divisible du reste des dispositions relatives au bonus-malus, c’est assez classiquement que la juridiction administrative remettra en cause l’ensemble du dispositif de bonus-malus prévu par le décret.

Et c’est consécutivement à ce premier constat que l’arrêté du 27 novembre 2019, fixant à 150 % ce taux de séparation moyen et listant les sept secteurs d’activité soumis au bonus-malus, est déclaré illégal.

Ce premier chef de censure relève essentiellement d’une question de compétence formelle et n’augure pas à notre sens de modification substantielle – sur le fond – dans la version qui sera prochainement revue par le gouvernement. Notons que, cette annulation ne prenant effet qu’à compter du 1er janvier 2021 (date à partir de laquelle l’entrée en vigueur de la modulation de la contribution des employeurs devait s’appliquer, avec effet pour les périodes courant à compter du 1er mars 2021), cela laisse le temps au gouvernement d’adapter le mécanisme afin de le rendre conforme. Le ministère du Travail avait du reste envisagé d’en différer l’entrée en vigueur à compter de 2023, à l’occasion d’une réunion avec les partenaires sociaux du 12 novembre 2020.

En sus du bonus-malus, c’est aussi le calcul du salaire journalier de référence (SJR) qui se voit censuré par l’éminente juridiction.

Le calcul du salaire journalier de référence censuré sur le fond

Le Conseil d’État va en effet également annuler, en raison d’une violation du principe d’égalité, les règles de détermination du SJR, entrant dans le calcul de l’allocation d’assurance chômage. Il y est prévu que le SJR est égal au salaire de référence divisé par le nombre de jours calendaires de la période de référence (régl., art. 13).

Les nouvelles règles prennent en compte les jours travaillés et les jours non travaillés pour le calcul du SJR, là où seuls les jours travaillés pendant la période étant antérieurement considérés.

Si le juge administratif y voit un objectif légitime (contrer l’effet pervers du recours à des contrats courts fractionnés qui permettait, pour un même nombre d’heures de travail, d’avoir un SJR plus élevé que le salarié en CDI à temps partiel sur la même période), il relève dans le même temps que les nouvelles règles conduisent à des variations du SJR allant du « simple au quadruple » pour un même nombre d’heures de travail. En pénalisant fortement les allocataires travaillant de manière discontinue, le nouveau mode de calcul apparaît ainsi, à l’appréciation du Conseil d’État, opérer « une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi », de sorte qu’il y a lieu d’annuler non seulement les dispositions de l’article 13, mais aussi celles relatives à la durée d’indemnisation et celles relatives au salaire de référence, desquelles elles ne sont pas divisibles.

Fort heureusement, cette annulation n’aura aucune conséquence sur les allocataires, comme l’a indiqué le ministère dans un communiqué du 25 novembre 2020, rappelant qu’il « n’y aura d’interruption de droits à l’assurance chômage pour aucun allocataire », les règles nouvelles ayant été reportées au 1er avril 2021 du fait de la crise sanitaire de la covid-19 et le gouvernement prévoyant de corriger le tir en proposant des adaptations « conformes à la décision du juge » en concertation avec les partenaires sociaux d’ici là.

Le gouvernement avait en effet en tout état de cause annoncé, lors de la conférence du dialogue social du 26 octobre 2020, un nouveau report de la réforme de l’assurance chômage au 1er avril 2021, intégrant des ajustements d’ores et déjà identifiés par les partenaires sociaux et toujours avec l’ambition du « plein respect de la philosophie de la réforme ».

C’est enfin dans cette même logique de délai supplémentaire que s’inscrit la dernière ordonnance du 25 novembre 2020.

Prolongation possible de l’indemnisation des chômeurs en fin de droit

L’ordonnance n° 2020-1412 du 25 novembre, prise en application de l’article 10 de la loi du 14 novembre 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire, vient en effet fixer des dispositions spécifiques en matière de durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi dans le contexte économique et social fragilisé par la crise sanitaire.

Ainsi, les demandeurs d’emploi épuisant leurs droits à compter du 30 octobre 2020 à l’allocation de retour à l’emploi, à l’allocation de solidarité spécifique ou à l’allocation d’assurance dont la charge est assurée par certains employeurs publics pourront bénéficier d’une prolongation de leurs droits pendant une durée ayant vocation à être fixée par arrêté et qui ne pourra excéder le dernier jour du mois civil au cours duquel intervient la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit à ce jour le 28 février 2021). Un décret en Conseil d’État est par ailleurs attendu pour en préciser les modalités.

Cette mesure, intervenant au profit des demandeurs d’emploi arrivant en fin de droit durant le second confinement, remobilise ainsi le même « filet de sécurité sociale » qui fut déployé en mars dernier lors du premier confinement.