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Adaptation du cadre juridique des fusions, scissions et apports partiels d’actifs domestiques

Une ordonnance du 24 mai 2023 et un décret du 2 juin 2023 simplifient, complètent et modernisent les règles applicables aux fusions, scissions et apports partiels d’actifs « domestiques », au regard de celles applicables aux opérations transfrontalières. La scission partielle est introduite en droit interne. Dans sa chronique, Paul Delpech, associé fondateur de Lawderis Avocats, revient sur les avancées fondamentales opérées par ces textes.

Le 24 mai 2023, le gouvernement a adopté, en application de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 (art. 13), une ordonnance réformant le régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales. Elle a été complétée par un décret du 2 juin 2023, qui en précise les modalités d’application.

Cette réforme transpose la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières.

Elle a pour objet de modifier le cadre juridique des fusions, scissions et apports partiels d’actifs aux fins de faciliter la réalisation de ces opérations au sein de l’espace européen. À ce titre, elle introduit notamment en droit national les procédures de scissions transfrontalières et transpose les nouvelles dispositions relatives aux fusions transfrontalières prévues par les textes européens.

Au-delà des dispositions propres aux opérations transfrontalières, cette réforme vise également à simplifier, compléter et moderniser les règles applicables aux fusions, scissions et apports partiels d’actifs « domestiques », au regard de celles applicables aux opérations transfrontalières. Il en résulte des aménagements significatifs du régime des opérations de restructuration entre sociétés de droit français, présentés ci-dessous.

Les dispositions de l’ordonnance et du décret s’appliqueront aux opérations dont le projet sera déposé au greffe du tribunal de commerce à compter du 1er juillet 2023 (Ord., art. 13 ; Décr., art. 10).

Fusion, scission ou APA : à chaque opération sa section au sein du code de commerce

L’ordonnance procède à un redécoupage du chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce, désormais intitulé « De la fusion, de la scission et de l’apport partiel d’actifs » et divisé de la manière suivante :

  • une section 1 consacrée à la seule opération de fusion (C. com., art. L. 236-1 à L. 236-17), elle-même divisée en deux sous-sections : l’une consacrée aux dispositions générales applicables aux fusions entre sociétés commerciales, l’autre aux dispositions particulières applicables aux fusions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL ;
  • une section 2 consacrée à la seule opération de scission (C. com., art. L. 236-18 à L. 236-26), elle-même divisée en deux sous-sections : l’une consacrée aux dispositions générales applicables aux scissions entre sociétés commerciales, l’autre aux dispositions particulières applicables aux scissions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL ;
  • une section 3 consacrée à la seule opération de l’apport partiel d’actifs (C. com., art. L. 236-27 à L. 236-30) ;
  • une section 4 consacrée aux seules opérations transfrontalières (v. remarque introductive).

Le décret adopte le même redécoupage pour le chapitre VI du titre III du livre II de la partie réglementaire du code de commerce.

En individualisant chacune des opérations, la réforme contribue à améliorer la lecture et la compréhension du régime juridique auquel celles-ci sont respectivement soumises.

Nouveau cas de dispense d’échange de titres en cas de fusion ou de scission

En cas de fusion ou de scission, les associés de la société absorbée ou scindée doivent, en principe, échanger leurs titres contre ceux de la société absorbante ou bénéficiaire afin de devenir associés de celle-ci (C. com., art. L. 236-3, I, mod., sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.).

Toutefois, la loi prévoit une dispense d’échange de titres dans les cas suivants : absorption ou scission d’une filiale à 100 % (C. com., art. L. 236-3, II, 1°, sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.), fusion ou scission entre sociétés sœurs détenues chacune à 100 % par la même société mère (C. com., art. L. 236-3, II, 3°, sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.) et enfin, autodétention de ses propres titres par la société absorbée ou scindée (C. com., art. L. 236-3, II, 2° sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.).

L’ordonnance ajoute un nouveau cas de dispense d’échange de titres dans l’hypothèse où les titres sont détenus par les associés des sociétés qui fusionnent dans les mêmes proportions dans toutes ces sociétés, lorsque ces proportions sont conservées à l’issue de l’opération (C. com., art. L. 236-3, II, 4°, nouv.). Cette nouveauté a pour objet de simplifier les opérations de fusion dans lesquelles l’actionnariat des sociétés participantes est identique avant la fusion concernée et reste inchangé après la réalisation de l’opération. Elle ne dispense pas, par ailleurs, de soumettre l’opération au régime de droit commun des fusions (intervention d’un commissaire à la fusion, approbation de l’opération par l’AGE ou la collectivité des associés des sociétés participantes, etc.).

Ce nouveau cas de dispense est également applicable en cas de scission (C. com., art. L. 236-3, II, 4°, nouv., sur renvoi de l’art. L. 236-19, nouv.).

Précisions sur le projet de fusion, de scission ou d’APA

Publication du projet au registre du commerce et des sociétés (RCS)

L’article L. 236-6, al. 2 du code de commerce prévoit désormais que le projet de fusion doit être annexé au RCS (C. com., art. L. 236-6, al. 2, mod.) afin d’être « mis à la disposition du public » au sens des textes européens (Rapp. Président de la République, p. 3).

Cette obligation est également applicable au projet de scission (C. com., art. L. 236-6, al. 2, mod., sur renvoi de l’art. L. 236-19, nouv.) et au projet d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions (C. com., art. L. 236-6, al. 2, mod. sur renvoi des art. L. 236-19, nouv. et L. 236-27, al. 1er, nouv.).

Modalités de publication du projet sur le site internet des sociétés participantes

Concernant la publication sur le site internet du projet de fusion (qui dispense de l’insertion d’un avis au BODACC et, le cas échéant, au BALO), il était jusqu’à présent nécessaire que chaque société participante soit dotée de son propre site internet, même si celles-ci appartenaient au même groupe (en ce sens, Lettre de la Direction des affaires civiles et du sceau à l’ANSA, 25 nov. 2011, ANSA, 2011-V, n° 11-055).

Cette publication peut désormais intervenir sur le site internet « principal » de chacune des sociétés participantes (C. com., art. R. 236-3, al. 1er, mod.), ce qui devrait permettre, en cas de fusion intervenant entre sociétés d’un même groupe, de considérer qu’une publicité sur le site internet du groupe vaut pour l’ensemble des sociétés parties à l’opération.

Cette précision s’applique également aux scissions (C. com., art. R. 236-3, al. 1er, nouv., sur renvoi de l’art. R. 236-17, nouv.) et aux apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions (C. com., art. R. 236-3, al. 1er, nouv., sur renvoi des art. R. 236-17, nouv. et L. 236-27, al. 1er, nouv.).

Le décret supprime par...

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