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La réforme qui crée l’Institut du service public devrait être mise en œuvre dès 2022.
par Marie-Christine de Monteclerle 13 avril 2021

Finalement, l’établissement de formation de la haute fonction publique qui remplacera l’École nationale d’administration (ENA) ne devrait pas s’appeler École d’administration publique, comme l’avait préconisé le rapport Thiriez, mais Institut du service public (ISP). Pour autant, le plan de réforme que le président de la République a présenté à six cents cadres supérieurs de l’État au cours d’une « convention managériale » organisée en ligne, le 8 avril, ressemble beaucoup aux préconisations du rapport de l’ancien président de la Ligue de football professionnel (AJDA 2020. 372 ). Une réforme qui se concrétisera par une ordonnance, prise d’ici début juin, et devrait être mise en œuvre dès 2022.
A été retenue l’idée d’un établissement gérant à la fois les formations initiale et continue des hauts fonctionnaires et incluant, en cours de carrière, un cursus inspiré du modèle de l’École de guerre pour sélectionner, former et accompagner les cadres ayant vocation à exercer les plus hautes responsabilités. S’agissant de la formation initiale, l’ISP hébergera un tronc commun pour les élèves, non pas de sept, mais de treize grandes écoles de service public. Le gouvernement prévoit en effet de faire passer par ce tronc commun non seulement les administrateurs de l’État et territoriaux, les futurs directeurs d’hôpital et les futurs magistrats, comme le proposait le Frédéric Thiriez, mais aussi les grands corps techniques.
Emmanuel Macron souhaite que l’ISP soit ouvert au monde de la recherche et à l’université et noue des partenariats en France et à l’international. L’établissement devra proposer, a-t-il insisté, « des formations aux meilleurs standards internationaux, des diplômes aussi reconnus à l’échelle européenne et internationale ».
Deux maladies : corporatisme et déterminisme
S’agissant de l’encadrement administratif supérieur de l’État, la « révolution » – l’Élysée revendique le mot – concerne la sortie de l’ISP. Le classement serait conservé et pourrait être pris en compte pour la première affectation, mais il n’influencerait plus le reste de la carrière. Car, pour Emmanuel Macron, « il y a dans notre fonction publique deux maladies que nous devons régler : déterminisme et corporatisme ». Il ne faut plus sceller « des destins à vingt-cinq ans, pour le meilleur et quelquefois pour le pire ».
Donc, à leur sortie de l’ISP, les jeunes hauts fonctionnaires intégreront un corps unique, celui des administrateurs de l’État, qui remplacera celui des administrateurs civils mais avec une véritable interministérialité, insiste l’entourage du chef de l’État. Ils seront affectés à des missions opérationnelles, en priorité dans les services déconcentrés. Et ceux qui atterriront dans les administrations centrales devront y travailler sur les priorités du gouvernement. Si le classement survit, finie donc « la botte » ou au moins ses effets immédiats. Emmanuel Macron a martelé sa conviction que « pour conseiller, juger, contrôler, […] mieux vaut avoir fait ses preuves ». L’accès au Conseil d’État, à la Cour des comptes ou aux inspections générales ne se fera donc plus à la sortie de l’école mais « après s’être distingué par des résultats concrets, c’est-à-dire après plusieurs années d’expérience comme administrateur d’État et un processus de sélection que je veux méritocratique, ouvert et transparent ».
La fin des auditeurs au Conseil d’État
C’est évidemment un échec pour le Conseil d’État qui, depuis le lancement de la réforme, à sa manière habituelle, discrète mais insistante, a fait savoir l’importance qu’il attachait à la possibilité de recruter des jeunes. La réforme sonnera donc le glas des auditeurs au Palais-Royal. En revanche, selon les informations dont disposent les syndicats de magistrats administratifs (v. ci-dessous), les tribunaux et les cours pourraient conserver la possibilité de recruter dès la sortie de l’ISP. Il en irait de même pour les chambres régionales des comptes. Le concours de recrutement direct des magistrats serait également conservé, contrairement aux préconisations du rapport Thiriez.
Pour les autres hauts fonctionnaires, Emmanuel Macron affiche l’ambition d’une « gestion renforcée et personnalisée, véritablement interministérielle ». À cet effet sera créée une délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, qui devra accompagner chacun dans « l’écriture de sa carrière ». Il a également annoncé que tous les postes d’encadrement seront fonctionnalisés, y compris dans les corps techniques. Aux hauts fonctionnaires que ces perspectives n’enthousiasmeraient pas, le chef de l’État promet davantage de mobilité entre les ministères, la formation tout au long de la vie, des secondes parties de carrière plus attractives. Et veut même « construire des rémunérations attractives »…
« On oublie que nous sommes des juges »
« Les auteurs de la réforme n’ont pas tenu compte de la spécificité du corps des magistrats administratifs », déplore Robin Mulot ; « On oublie que nous sommes des juges », regrette Emmanuel Laforêt. Les premières réactions des présidents du Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et de l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) sont très similaires. Tous deux attendent le projet de texte pour en avoir confirmation, mais sont a priori soulagés de voir maintenu le concours de recrutement direct et la possibilité de rejoindre directement le corps à la sortie du futur ISP. « Le corps a trouvé un équilibre satisfaisant dans ses voies de recrutement et on souhaite le conserver », dit Robin Mulot.
Mais ce qui inquiète les deux syndicats est le projet de double obligation de mobilité (une au grade de conseiller, une seconde à celui de premier conseiller), qui, en outre, ne pourrait plus se faire dans une cour administrative d’appel. Trouver un point de chute pour ces mobilités risque d’être « extrêmement compliqué » pour les magistrats affectés en province ou outre-mer, craint Emmanuel Laforêt. Un avis partagé par son homologue du SJA qui souligne que les incompatibilités imposées aux magistrats administratifs compliquent l’exercice. Robin Mulot fait également part de sa « grande vigilance » sur le « rendez-vous de carrière » sur le modèle de l’École de guerre prévu par la réforme. Pour lui, il est « impensable » que cela s’applique à la sélection des chefs de juridiction. Le principe d’indépendance et le rôle du conseil supérieur des tribunaux et des cours doivent y faire totalement obstacle.
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