Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Adjudication judiciaire d’un immeuble : péremption de l’ordonnance du juge-commissaire

La sanction de la péremption prévue par les articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution s’applique à l’ordonnance du juge-commissaire ordonnant la vente de l’immeuble d’un débiteur en liquidation judiciaire par adjudication judiciaire. Le juge de l’exécution est compétent pour statuer sur une demande de prorogation des effets d’une telle ordonnance.

par Guillaume Payanle 3 mai 2018

Le succès de la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation, dans le domaine des procédures civiles d’exécution, ne se dément pas (V. dern., Cass., avis, 12 avr. 2018, n° 15008, Dalloz actualité, 3 mai 2018, obs. G. Payan isset(node/190342) ? node/190342 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190342) ! En application des articles L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, cette procédure est de nouveau utilisée afin de clarifier l’articulation des règles définies dans le code des procédures civiles d’exécution avec celles – insérées dans le code de commerce – régissant le droit des entreprises en difficulté.

La question soumise à la chambre commerciale par un juge de l’exécution a pour origine la vente, par voie d’adjudication judiciaire, d’un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire. On le sait, selon les dispositions de l’article L. 642-18 du code de commerce, dans une telle situation, cette vente doit avoir lieu « conformément aux articles L. 322-5 à L. 322-12 du code des procédures civiles d’exécution, à l’exception des articles L. 322-6 et L. 322-9, sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du [code de commerce] ». De même, il entre dans la compétence du juge-commissaire de fixer la mise à prix et, le cas échéant, d’ordonner la vente aux enchères publiques, après avoir précisé les conditions essentielles de cette vente. À ce sujet, l’article R. 642-27 du code de commerce énonce qu’une telle vente par voie d’adjudication judiciaire est « soumise » aux dispositions insérées dans les titres Ier et II du livre III du code des procédures civiles d’exécution (ayant respectivement trait aux « dispositions générales » applicables à la saisie immobilière ainsi qu’à « la saisie et la vente de l’immeuble ») et « dans la mesure où il n’y est pas dérogé » par les dispositions du livre VI – relatif aux « difficultés des entreprises » – du code de commerce.

La Cour de cassation est ici interrogée sur la portée du renvoi que l’article R. 642-27 du code de commerce opère aux dispositions précitées du code des procédures civiles d’exécution. Plus précisément, il lui est demandé si, au regard de ce renvoi, la sanction de la péremption de l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution est applicable à l’ordonnance du juge-commissaire. Cette première interrogation se double d’une question subsidiaire portant sur la compétence éventuelle du juge de l’exécution pour proroger les effets de cette ordonnance.

La Cour de cassation répond par l’affirmative aux questions posées.

Tout d’abord, concernant la sanction de la péremption, il y a lieu de rappeler, qu’en droit commun de la saisie immobilière, le commandement de payer valant saisie cesse – de plein droit – de produire effet lorsque, dans les deux ans de sa publication au fichier immobilier, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement qui constate la vente du bien saisi (C. pr. exéc., art. R. 321-20). De plus, selon l’article R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution, à l’expiration de ce délai et jusqu’à la publication du titre de vente, toute partie intéressée a la possibilité de saisir le juge de l’exécution afin qu’il constate la péremption du commandement et ordonne la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier. Or, dans le contexte du droit des entreprises en difficulté, les effets du commandement visé à l’article R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution sont produits par l’ordonnance du juge-commissaire, laquelle ordonnance est « publiée au fichier immobilier à la diligence du liquidateur ou du créancier poursuivant, dans les conditions prévues pour ledit commandement » (C. com., art. R. 642-23, al. 2). En conséquence, après avoir pris soin de préciser, d’une part, qu’il n’existe pas de « dispositions dérogatoires ou incompatibles [dans le] livre VI du code de commerce » et, d’autre part, que le caractère juridictionnel de cette ordonnance est ici indifférent, les Hauts magistrats répondent à la première branche de la question posée en indiquant que « la sanction de la péremption prévue par les articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution s’applique à l’ordonnance du juge-commissaire ordonnant la vente de l’immeuble d’un débiteur en liquidation judiciaire par adjudication judiciaire ».

Ensuite, concernant la saisine du juge de l’exécution, les Hauts magistrats se fondent là encore sur l’absence de dispositions du code de commerce qui excluraient la compétence de cette juridiction ou qui seraient incompatibles avec cette dernière. Ils en concluent que le juge de l’exécution désigné pour constater la péremption est compétent pour statuer sur une demande de prorogation des effets de l’ordonnance du juge-commissaire, formée sur le fondement de l’article R. 321-22 du code des procédures civiles d’exécution.

La solution retenue emporte l’approbation. En effet, si conformément à l’adage bien connu (specialia generalibus derogant) les lois spéciales dérogent aux lois ayant une portée générale, l’application d’un régime dérogatoire ne saurait cependant être conçue de façon extensive.