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Admission d’une créance au passif du débiteur : absence de prise en compte d’évènements postérieurs au jugement d’ouverture

Selon les articles L. 622-24, alinéa 1er et L. 622-25 du code de commerce, le montant de la créance antérieure à admettre est celui existant au jour du jugement d’ouverture. Ainsi, le juge-commissaire, puis la cour d’appel se prononçant sur la contestation d’une créance, doivent-ils se placer à cette date pour statuer sur l’admission de ladite créance, sans tenir compte d’événements postérieurs susceptibles d’influer sur la somme versée lors des opérations de répartition.

La procédure d’admission des créances, qui vient clôturer la détermination du passif du débiteur en procédure collective, est source d’un contentieux foisonnant, signe que l’application des textes n’est pas toujours aisée, même pour les organes de la procédure. Dans une décision du 5 juillet 2023, la Cour de cassation dessine les contours de l’admission d’une créance éventuelle et contestée par un liquidateur judiciaire.

Une société a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 7 juillet 2014 ayant désigné un liquidateur. L’un de ses créanciers, une banque, a déclaré sa créance au titre d’une garantie de parfait achèvement portant sur un ensemble immobilier réalisé par la société débitrice.

Le liquidateur a contesté cette créance au motif que la garantie d’achèvement ne pouvait plus être exercée par les acquéreurs des différents lots, en raison de la vente des immeubles par adjudication et la prescription de l’action susceptible d’être engagée par les acquéreurs des autres lots.

L’admission de la créance de recours anticipé au passif de la société débitrice par la cour d’appel conduit le liquidateur judiciaire à former un pourvoi en cassation et à soumettre la question suivante aux juges du droit : le montant de la créance à admettre peut-il être évalué en prenant en compte des événements postérieurs au jugement d’ouverture ?

La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi par substitution de motifs. Il résulte des articles L. 622-24 et L. 622-25, alinéa 1er qu’au titre des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective, le montant à admettre est celui existant au jour de ce jugement. Dès lors, il revient au juge-commissaire comme à la cour d’appel statuant sur une contestation de créance de se placer à cette date pour statuer sur l’admission de la créance en question, « sans tenir compte d’évènements postérieurs susceptibles d’influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur ». Ainsi, l’admission de la créance de recours anticipé déclarée par la banque au titre de la garantie d’achèvement des travaux, en application de l’ancien article 2309, ne peut être conditionnée à la réalisation ultérieure des immeubles dépendant de l’actif de la procédure collective.

Le régime de la demande d’admission des créances

La décision d’admission des créances est celle par laquelle, dans une procédure collective, le juge-commissaire, statuant au vu des propositions du mandataire judiciaire, admet l’existence et le montant d’une créance régulièrement déclarée. Lors de cette dernière phase d’identification du passif du débiteur, le juge-commissaire tient un rôle clef au regard de l’éventail des décisions qu’il est susceptible de prendre sur le fondement de l’article L. 624-2 du code de commerce : l’admission de la créance, le rejet de la créance, le constat de son incompétence ou d’une instance en cours. Plus particulièrement, les décisions d’admission ou de rejet de la créance commandent « le droit de participer (ou non) au traitement du passif organisé dans le cadre de la procédure collective ». Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, le juge-commissaire doit d’abord s’interroger sur la recevabilité de la demande avant de se prononcer sur le fond, y compris lorsque le juge relève son incompétence (C. com., art. L. 624-2 ; M. Dols-Magneville et S. Atsarias-Dumas, « La vérification et l’admission du passif à la lumière de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, et de son décret d’application, RPC n° 3, mai 2022. Dossier 22).

Le régime de la décision d’admission va dépendre, en réalité, de l’existence ou non d’une contestation portant sur la créance en question (J.-Cl. Com., fasc. 2352 : sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires - Déclaration et admission des créances, par J. Vallansan, § 210). En l’absence de contestation, les décisions d’admission sont matérialisées par l’apposition de la signature du juge-commissaire sur la liste des créances établie par le mandataire judiciaire (Com. 23 nov. 2004, n° 03-14.810, D. 2005. 301, et les obs. ; ibid. 292, obs. P. M. Le Corre et F. X. Lucas ; RTD com. 2005. 173, obs. J.-L. Vallens ; ibid. 595, obs. C. Saint-Alary-Houin ; C. com., art. R. 624-3, al. 1er). En cas de contestation de créance, l’admission de la créance doit résulter d’une ordonnance du juge-commissaire. Ces deux hypothèses ont été rappelées par la jurisprudence (Com. 17 févr. 2021, n° 19-19.598). Enfin, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin (C. com., art. R....

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