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Affaire de l’éthylène : le Tribunal de l’Union européenne précise les contours de son contrôle juridictionnel sur une décision de transaction de la Commission européenne contestée par l’entreprise concernée

Le Tribunal de l’Union européenne (ci-après « le Tribunal ») a rappelé dans l’arrêt Clariant qu’une entreprise pouvait contester devant lui une décision de transaction convenue avec la Commission européenne (ci-après « la Commission »). Si cet arrêt rappelle la Commission à ses obligations envers une entreprise, le Tribunal n’exclut pas qu’un tel recours puisse avoir des conséquences pécuniaires pour l’entreprise qui se risque à attaquer une décision de transaction.

Le Tribunal, réuni en chambre élargie, a rendu le 18 octobre 2023 un arrêt attendu en ce qui concerne le recours engagé contre une décision de transaction de la Commission par l’entreprise qui a transigé avec elle. Si la contestation d’une décision de transaction reste dans les faits très rare, avec trois affaires seulement recensées à notre connaissance, les arrêts rendus par le juge de l’Union à ce titre sont toujours attendus.

L’arrêt Clariant, prononcé dans l’affaire de l’éthylène, ne fait pas exception et répond à certaines attentes même si tous les enjeux relatifs à la contestation d’une décision de transaction ne sont pas abordés (Sur la procédure de transaction, v. M.-A. Frison-Roche et J.-C. Roda, Droit de la concurrence, 2e éd., Dalloz, coll. « Précis » 2022, pts 231 s.).

Pour comprendre les difficultés et la portée des solutions du cas d’espèce, il importe préalablement de revenir sur la procédure et la méthode de calcul de la décision attaquée avant d’examiner les moyens d’annulation et de réformation de cette amende.

L’adoption de la décision de transaction attaquée

Le 29 juin 2016, l’une des quatre entreprises ayant participé à des contacts collusoires liés aux achats d’éthylène a demandé l’immunité d’amendes à la Commission européenne en vertu de la communication sur la clémence de 2006 (JOUE 2006, C 298, p. 17).

Ultérieurement, les trois autres entreprises ayant participé à cette entente ont également demandé à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la clémence.

Par ailleurs et sur initiative de la Commission, les quatre entreprises et notamment Clariant ont confirmé à la Commission, par une lettre du 23 juillet 2018, leur volonté d’entamer des discussions en vue de parvenir à une transaction. Concernant l’entreprise Clariant, cette dernière a indiqué le montant maximal de l’amende qu’elle accepterait dans ce cadre transactionnel, à savoir 159 663 000 €.

La Commission, après avoir considéré que l’entreprise Clariant (composée d’une société mère Clariant AG et d’une société filiale Clariant International AG) avait pris part à une entente sur les prix à l’achat, a prononcé le 14 juillet 2020 une amende à son encontre d’un montant de 155 769 000 € (Comm. UE, 14 juill. 2020, Éthylène, JOUE 2021, C 24, p. 9), conformément à ses lignes directrices sur les amendes de 2006 (JOUE 2006, C 210, p. 2).

Premièrement, la Commission a tenu compte dans sa décision, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, de la valeur des achats de l’éthylène acquis au cours de la période couvrant la dernière année complète de participation des requérantes à l’infraction, à savoir 2016. Le gendarme européen de la concurrence a ensuite procédé à la détermination du montant de base de l’amende en tenant compte de la gravité de l’infraction et de la durée de celle-ci (pts 22 à 25 de l’arrêt commenté).

Deuxièmement, la Commission a individualisé l’amende infligée à la requérante en procédant à deux ajustements du montant de base de l’amende.

D’une part, la Commission a majoré de 50 %, en application du point 28 des lignes directrices de 2006 sur les amendes, le montant de base de l’amende infligée à Clariant, au motif que les requérantes étaient en...

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