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Affaire Paul Bismuth : régularité des écoutes téléphoniques

La Cour de cassation a validé la transcription des écoutes téléphoniques entre l’ancien président de la République et son avocat mais a déclaré irrégulière la transcription des écoutes entre ce dernier et son bâtonnier ainsi que les saisies effectuées à la Cour de cassation.

par Sébastien Fucinile 24 mars 2016

Par trois arrêts du 22 mars 2016, la chambre criminelle a statué sur le pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant rejeté différents moyens de nullité soulevés par les trois mis en examen dans le cadre de l’affaire Paul Bismuth (Paris, 7 mai 2015, n° 2014/05365, Dalloz actualité, 26 janv. 2016, obs. S. Lavric isset(node/176890) ? node/176890 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>176890). Cette affaire, très médiatisée du fait de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, n’en soulève pas moins des questions intéressantes quant à la régularité des écoutes téléphoniques et de la procédure dans son ensemble, notamment en raison de la qualité d’avocat des deux protagonistes.

1. Faculté de contester la régularité d’actes provenant d’une procédure distincte

Les écoutes téléphoniques ont débuté en septembre 2013, dans le cadre d’une information judiciaire portant sur le financement de la campagne présidentielle de 2007. Diverses lignes de l’ancien président de la République ont été placées sur écoute, y compris une ligne ouverte sous le nom de Paul Bismuth, mais en réalité utilisée par Nicolas Sarkozy pour correspondre avec Thierry Herzog. À l’occasion de ces écoutes, les enquêteurs découvrent des faits nouveaux constituant des indices de recel de secret de l’instruction et de trafic d’influence, et impliquant un ancien premier avocat général près la Cour de cassation, Gilbert Azibert. Ces échanges ont eu lieu entre le 28 janvier et le 5 février 2014 et ont donné lieu à l’ouverture d’une procédure distincte par le procureur financier le 26 février. La première question qui se posait portait sur la possibilité de soulever une requête en nullité concernant des écoutes téléphoniques mises en œuvre dans le cadre d’une première procédure et versées ensuite dans la nouvelle procédure. La chambre de l’instruction avait affirmé qu’elle n’avait pas à se prononcer sur la régularité d’écoutes mises en œuvre dans le cadre d’une procédure distincte. La chambre criminelle, sans approuver cette motivation, rejette le moyen, en affirmant notamment que « les juges ont vérifié la régularité en la forme des commissions rogatoires techniques, lesquelles ne sont légalement soumises à aucune exigence de motivation spéciale, ainsi que celle des interceptions opérées pour leur exécution, notamment le respect des garanties attachées à la qualité d’avocat de M. Sarkozy ».

La Cour de cassation affirme ainsi qu’il appartenait bien à la chambre de l’instruction d’examiner la régularité des interceptions téléphoniques opérées dans le cadre de la première procédure. Sa motivation, dans le présent arrêt, manque de clarté sur ce point : la chambre criminelle, sous l’influence de la jurisprudence européenne, a admis la possibilité d’obtenir la nullité d’un acte provenant d’une procédure distincte (Crim. 7 déc. 2005, n° 05-85.876, Bull. crim. n° 327 ; D. 2006. 253 ; RSC 2006. 343, obs. D. N. Commaret ), mais à la condition que la partie qui soulève la demande d’annulation soit concernée par l’irrégularité (Crim. 14 févr. 2012, n° 11-84.694, Bull. crim. n° 43 ; Dalloz actualité, 16 févr. 2012, obs. E. Allain ; Crim., 14 févr. 2012, n° 11-84.694, D. 2012. 779 , note H. Matsopoulou ; ibid. 775, concl. D. Boccon-Gibod ; ibid. 2118, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2012. 159 , note C. Guéry ; RSC 2012. 394, obs. D. Boccon-Gibod ; Dr. pénal 2012, n° 61, obs. A. Maron et M. Haas ; ibid. Chron. 7, obs. V. Lesclous ; Procédures 2012, n° 127, obs. A.-S. Chavent-Leclère). Il en est ainsi, lors d’une écoute téléphonique ou d’une sonorisation, de la personne faisant l’objet de l’écoute ou de la sonorisation mais aussi des personnes dont les conversations ont été enregistrées (V. Crim. 23 janv. 2013, n° 12-85.059, Dalloz actualité, 11 févr. 2013, obs. S. Fucini ; D. 2013. 1045 , note T. Potaszkin ; AJ pénal 2013. 227, obs. J. Pronier ; 26 juin 2013, n° 13-81.491, Dalloz actualité, 2 oct. 2013, obs. S. Fucini ; RSC 2013. 591, obs. J. Danet ; RTD eur. 2014. 470, obs. B. Thellier de Poncheville ). Il ne fait donc aucun doute que Nicolas Sarkozy, tout comme Thierry Herzog, est recevable à soulever la nullité de ces écoutes, le premier en tant que personne ayant fait l’objet de la mesure, le second en tant que personne dont les conversations avec le premier ont été écoutées.

2. Régularité des écoutes téléphoniques

S’agissant de la...

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