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Affaire Thaler : confirmation de l’absence de protection par le copyright américain d’une œuvre présentée comme générée uniquement par l’intelligence artificielle

Dans une décision claire et motivée du 18 mars 2025, la United States Court of Appeals for the District of Columbia Circuit (ci-après la « Cour ») a confirmé la décision du U.S. Copyright Office (ci-après le « Copyright Office ») de refuser l’enregistrement d’un copyright pour une œuvre présentée comme créée uniquement par une intelligence artificielle. Le droit d’auteur français aurait-il permis la protection d’une telle œuvre ?

Le Dr. Thaler a sollicité l’enregistrement d’un copyright pour une image intitulée A Recent Entrance to Paradise, générée par une intelligence artificielle (ci-après « IA ») qu’il a créée et dénommée Machine de créativité. Dans sa demande d’enregistrement, le Dr. Thaler désignait sa machine comme unique auteur de l’image, précisait que la machine avait créé l’image de manière autonome et se déclarait titulaire des droits.

Le Copyright Office a rejeté cette demande sur la base de l’exigence de paternité humaine qui requiert qu’une œuvre ait été créée en premier lieu par un être humain pour être éligible à l’enregistrement d’un copyright.

Le Dr. Thaler a engagé plusieurs recours, tant administratifs que judiciaires contre cette décision (Registration Program, Review Board et United States District Court for the District of Columbia). Tous ont confirmé la position de l’Office. Le Dr. Thaler a ensuite porté l’affaire devant la Cour dont la décision ici commentée, reprend la même position.

La Cour américaine confirme le refus d’enregistrement d’un copyright pour une création générée uniquement par une IA

En premier lieu, la Cour commence par rappeler que le copyright appartient initialement aux auteurs et que la protection qu’il offre ne subsiste que dans les œuvres originales des auteurs. Elle précise ensuite que le Copyright Act ne définit pas le mot « auteur » mais qu’il ressort de ses dispositions que :

  • l’auteur est une personne physique. La Cour relève notamment sa capacité à être propriétaire – l’auteur bénéficiant de droits exclusifs sur son œuvre dès sa création –, à avoir une intention, des enfants, une veuve ou un veuf. A contrario, faire de l’auteur une machine nécessiterait de faire entrer « des carrés dans des ronds » ;
  • les machines sont des outils utilisés par des humains dans leur processus créatif plutôt que des auteurs.

La Cour ajoute, laissant entendre que le cadre juridique est clair et stable, que :

  • le Copyright Office a notamment pour rôle d’édicter les règles d’application du Copyright Act et que celles-ci exigent depuis fort longtemps une paternité humaine pour obtenir l’enregistrement d’un copyright ;
  • l’interprétation du terme auteur comme désignant une personne physique et non une machine était déjà bien établie à l’époque où le Copyright Act a été adopté, et en infère que le législateur l’a adoptée.

En deuxième lieu, la Cour s’attache à réfuter l’argumentation du Dr. Thaler qui avançait notamment que :

  • le terme « auteur » désigne « celui qui est à l’origine de ou qui crée quelque chose […] ». Elle rappelle à cet égard ce qui a été indiqué supra ;
  • les dispositions du « work made for hire », c’est-à-dire du travail fait pour le compte d’autrui, changeraient cette lecture. Or, ces dispositions prévoient que l’employeur ou la personne pour laquelle l’œuvre a été préparée « est considérée » comme l’auteur et non que celle-ci est directement auteur. Selon la Cour, si la volonté du législateur avait été de rendre l’employeur directement auteur de l’œuvre, le terme « considérée » n’aurait pas été employé ;
  • ce serait à tort que l’exigence de paternité humaine empêche la protection par le Copyright Act d’œuvres réalisées par une intelligence artificielle. La Cour met alors en avant que :
    • le copyright est destiné à bénéficier au public en encourageant la création d’œuvres originales afin que le public puisse en bénéficier, la récompense de l’auteur est secondaire. La Cour ajoute – et c’est d’importance – que « l’exigence de paternité humaine n’interdit pas la protection des œuvres créées par ou avec l’assistance de l’IA. La règle exige seulement que l’auteur de cette œuvre soit un être humain – la personne qui a créé, fait fonctionner ou utilisé l’intelligence artificielle – et non la machine elle-même. ». La Cour renvoie aux lignes directrices du Copyright Office, rappelle qu’il a pris certaines décisions sur le sujet puis écarte pour des raisons procédurales, la question du rôle que doit jouer l’IA pour que l’œuvre soit protégée ;
    • il n’est pas démontré que l’interdiction de qualifier des machines comme auteur résulterait en une diminution du nombre de création d’œuvres originales. Elle avance que cette interdiction incite les êtres humains « à créer et rechercher des droits exclusifs sur les créations qu’ils réalisent avec l’assistance de l’IA » et qu’à ce jour les machines ne répondent à une incitation économique ;
    • « le choix du Congrès de ne pas modifier la loi depuis 1976 pour...

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