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Aide et assistance d’un parent excédant la piété familiale : la créance au titre de l’action de in rem verso est immédiatement exigible

L’aide et l’assistance apportées par un enfant à ses parents peuvent donner lieu au paiement d’une indemnité au titre de l’action de in rem verso lorsqu’elles ont excédé la piété familiale. La créance qui en résulte est immédiatement exigible : elle se prescrit dans les cinq ans à compter de la date à laquelle celui qui la revendique a connu les faits lui permettant d’exercer son action, et non à partir du décès du débiteur.

Par ailleurs, en matière de partage, les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, de telle sorte que toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse et non une demande nouvelle au sens de l’article 564 du code civil. Elle n’est donc pas irrecevable lorsqu’elle est formée pour la première fois en appel.

Les enfants sont tenus à l’égard de leurs parents d’un devoir de piété filiale, au titre de l’article 371 du code civil. Il en résulte, notamment, que l’enfant même renonçant doit, en principe, supporter la charge des frais d’obsèques de ses parents (Civ. 1re, 14 mai 1992, n° 90-18.967, D. 1993. 247 , note J.-F. Eschylle ; ibid. 224, obs. M. Grimaldi ; RTD civ. 1993. 171, obs. J. Patarin ). L’aide et l’assistance apportées à un parent s’analysent en l’exécution volontaire d’une obligation naturelle qui, par principe, ne peut donner lieu à restitution (C. civ., art. 1302, al. 2). Elles peuvent se traduire, notamment, par l’accueil des parents sous son toit pour lui éviter un placement en maison de retraite et la renonciation à toute activité professionnelle pour se dévouer entièrement aux soins accordés à ces derniers, avec de véritables sacrifices pour l’enfant au regard de sa vie sociale, affective et professionnelle.

Ce devoir comporte toutefois des limites, au nom de l’équité (R. Savatier, note ss. TGI Avesnes, 23 janv. 1962, Defrénois 1963, art. 28419 et 28420 ; M. Tchendjou, D. 1995. 623 ). Dans un arrêt du 12 juillet 1994, la Cour de cassation a, pour la première fois, énoncé que l’aide et l’assistance apportées par un enfant à ses parents peuvent donner lieu à indemnité au profit du premier lorsqu’elles ont « excédé les exigences de la piété filiale » et ont « réalisé à la fois un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif des parents » (Civ. 1re, 12 juill. 1994, n° 92-18.639, D. 1995. 623 , note M. Tchendjou ; RDSS 1995. 215, obs. F. Kessler ; RTD civ. 1994. 843, obs. J. Hauser ; ibid. 1995. 373, obs. J. Mestre ; ibid. 407, obs. J. Patarin ). L’enfant peut tirer un bénéfice de cette situation et, dans ce cas, l’appauvrissement n’est pas caractérisé : l’aide sera considérée comme constituant la contrepartie de l’avantage retiré par l’enfant (v. pour un ex., Civ. 1re, 23 janv. 2001, n° 98-22.937, D. 2001. 2940 , obs. B. Vareille ; RDSS 2002. 119, obs. F. Monéger ; RTD civ. 2001. 349, obs. J. Hauser ). Il peut également aider et assister ses parents dans une intention libérale (M. Tchendjou, préc. ; J. Patarin, RTD civ. 1995. 407 ). L’action de in rem verso ne pourra donc aboutir qu’en l’absence de contrepartie suffisante et en présence de prestations dépassant les exigences de la piété familiale, selon une appréciation in concreto et souveraine des juges du fond (Civ. 1re, 4 déc. 2013, n° 12-20.260).

Des difficultés peuvent apparaître lorsque le parent qui a bénéficié de cette aide et de cette assistance est décédé. La dette à laquelle il était tenu envers son enfant est transmise à ses héritiers, mais la créance dont bénéficie l’enfant à l’égard de ses cohéritiers naît-elle au moment du décès du parent ou lors de l’exécution des prestations ? L’enjeu est central, puisque la réponse à cette question détermine le point de départ du délai de prescription de la créance. Par un arrêt du 30 avril 2025, la Cour de cassation affirme l’exigibilité immédiate de la créance : le délai de prescription court à compter de la réalisation des prestations en cause.

En l’espèce, à la suite du décès de leur mère, deux enfants ont demandé la condamnation de leur sœur au paiement d’une indemnité d’occupation du domicile familial, bien successoral, au profit de l’indivision. Cette demande a été jugée irrecevable par la cour d’appel, car formée pour la première fois en appel. Le pourvoi qu’elles ont formé s’appuient sur l’argument...

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