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Aide juridictionnelle : le retour du timbre

Face à l’augmentation du coût de l’aide juridictionnelle, deux députés ont conduit une mission d’information, dont le rapport est présenté ce mardi en commission des lois et publié par Dalloz actualité. Si les propositions sont dans la lignée des précédents rapports, des choix politiques pourraient arriver à l’automne : retour du droit de timbre, utilisation du revenu fiscal de référence et offensive sur les juteux contrats d’assurance juridique.

par Pierre Januelle 23 juillet 2019

L’an dernier, les missions d’inspection avaient rendu un épais rapport sur ce sujet (Dalloz actualité, 13 nov. 2018, art. P. Januel isset(node/193090) ? node/193090 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193090). En introduction, les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR) s’interrogent : « Les rapports de l’Assemblée nationale, du Sénat, de parlementaires en mission, des inspections ministérielles et de la Cour des comptes se sont multipliés ces dix dernières années pour dénoncer les travers du mécanisme d’aide juridictionnelle et faire des propositions pour y remédier. Le présent rapport d’information n’est-il qu’un rapport de plus, qui a vocation à s’ajouter à la liste de ses prédécesseurs ? » (Dalloz actualité, 24 déc. 2015, art. M. Babonneau isset(node/176410) ? node/176410 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>176410). Mais si les députés LREM modifient peu les projets de loi depuis le début de la mandature, plusieurs rapports d’information ont été des leviers de modification législative. Cela pourrait être le cas ici aussi via des modifications législatives cet automne.

Une dépense qui augmente

En loi de finances le budget 2019 de l’aide juridictionnelle dépassait pour la première fois 500 millions d’euros. Le nombre de bénéficiaires, resté stable entre 2006 et 2015 (autour de 900 000), a de nouveau augmenté suite à une baisse des plafonds de ressources, pour atteindre 985 000 en 2017. Avec une moyenne de 5,06 € par habitant consacré à l’aide judiciaire, la France se situe en dessous de la plupart des pays de l’Union européenne (6,50 € en moyenne). Mais elle se situe dans le haut du classement en nombre d’affaires concernées par l’aide : beaucoup de bénéficiaires pour de montants faibles.

Pour autant les députés font plusieurs préconisations qui augmenteraient le coût de l’aide juridictionnelle. Ainsi, ils proposent un nouveau relèvement des plafonds d’admission au niveau du SMIC net ou de garantir une revalorisation régulière de la rétribution des avocats. Ils préconisent également que l’aide juridictionnelle soit de droit pour les victimes de violences conjugales, qui sont souvent des femmes isolées.

Un droit de timbre de 50 €

L’aide juridictionnelle a donc besoin de financements. Proposition phare : les deux députés souhaitent le rétablissement d’un droit de timbre, à l’instar de la contribution pour l’aide juridique en vigueur entre 2011 et 2013. 35 € étaient alors acquittés par tout justiciable introduisant une instance civile ou administrative. Pour les députés, cette proposition à l’avantage de la simplicité, de la lisibilité et d’être un financement durable, tout en dissuadant les recours abusifs.

Ce droit de timbre, mis en place pour les contentieux civils et administratifs, serait de 50 euros, affectés au budget de l’État. Pour la députée Naïma Moutchou, les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle devraient en être totalement exonéré, quand Philippe Gosselin souhaiterait une contribution de 25 €. Le rendement du timbre serait de 93 millions d’euros dans le premier cas.

Autre cible : les contrats d’assurance de protection juridique, un marché en forte expansion. On comptait 7,9 millions de contrat autonome en 2017 (+ 25 % en un an), soit 27 % des ménages. Ces contrats coûtent en moyenne 81 € par an. Mais les charges et sinistres ne représentent que 72 % des primes versées (contre 96 % en moyenne pour l’assurance non-vie) !

Or la subsidiarité ne s’applique que dans 0,4 % des cas de demandes d’aide juridictionnelle en matière administrative ou civile. Les parlementaires souhaitent donc développer le champ des litiges obligatoirement couverts par l’assurance de protection juridique ainsi que les garanties minimales.

Simplifier la procédure d’obtention

Les députés font aussi des propositions organisationnelles. Outre la généralisation des points d’accès au droit dans les tribunaux de grande instance (seuls 97 points des 164 TGI en sont pourvus), les députés rappellent l’enjeu de l’accès aux procédures physiques : 72 % des personnes qui se sont rendues au relais d’accès au droit du tribunal de grande instance de Paris en 2016 ont demandé de l’aide pour remplir leur demande d’aide. Pour simplifier la procédure, les députés proposent aussi la mise en place un dossier unique par justiciable.

Pour la gestion de l’aide, les députés souhaitent un regroupement des bureaux d’aide juridictionnelle au niveau des 36 cours d’appel. Et pour faciliter la gestion des demandes, ils préconisent ce qui était déjà ébauché dans le rapport d’inspection : prendre comme base le revenu fiscal de référence. Si ce critère « n’est pas parfait », il serait source de simplification et d’harmonisation. Toutefois, ce changement de la notion même de revenu étendrait le nombre de ménages pouvant prétendre à l’aide juridictionnelle : la mission d’inspection avait calculé que le nombre de foyers éligibles passerait de 22 % à 31 %.

Enfin, les députés insistent sur le recouvrement défaillant de l’aide juridictionnelle, notamment lorsqu’une personne doit indemniser une partie civile qui a bénéficié de l’aide. Alors que les dépenses recouvrables ont augmenté de 14 % entre 2008 et 2017 (251 millions d’euros), les dépenses mises en recouvrement par le ministère de la Justice ont diminué de 28 % (13,6 millions d’euros). Ce taux a encore baissé en 2018. Outre la formation des greffiers, les députés proposent une forfaitisation du montant à recouvrer. Ils souhaitent également rendre plus incitatif, le mécanisme qui permet à l’avocat de demander à la partie perdante au procès le recouvrement de l’aide (il a eu moins de 900 cas en 2016).