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Ainsi naquit la contribution pour la justice économique

À compter du 1er janvier 2025, les parties prenant l’initiative d’un procès devant un tribunal des activités économiques sont susceptibles d’être redevables de la contribution pour la justice économique instaurée à titre expérimental par le décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024.

Au 1er janvier 2025, douze tribunaux de commerce sont devenus des tribunaux des activités économiques (TAE) à titre expérimental en application de la loi n° 2023-1059 de programmation de la justice du 20 novembre 2023 (Arr. du 5 juill. 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques ; Arr. du 25 juill. 2024 fixant le nombre d’assesseurs exploitants agricoles par TAE ; Décr. n° 2024-674 du 3 juill. 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques ; v. sur l’ensemble, K. Lemercier, Mise en place de l’expérimentation des tribunaux des activités économiques, Dalloz actualité, 12 sept. 2024).

L’idée est, on le rappelle, de disposer d’une juridiction d’exception à la compétence élargie en droit des entreprises en difficulté (v. not., J. Jourdan-Marques, Le tribunal des activités économiques : une chimère ?, D. 2024. 735 ; G. Teboul, Chronique de droit des entreprises en difficulté : l’instauration d’un tribunal des activités économiques, Dalloz actualité, 19 sept. 2023 ; G. Teboul, Chronique de droit des entreprises en difficulté : les tribunaux des activités économiques à l’honneur, Dalloz actualité, 10 sept. 2024 ; C. Liaud et S. Roset, Les regards croisés des magistrats sur l’expérimentation du tribunal des activités économiques, Loyers et copr. 2024. 17 ; M.-B. Salgado et B. Denée, Le tribunal des activités économiques : attention, travaux en cours !, JCP E 2024. 1286).

L’avenir dira la fortune de cette expérimentation (v., outre les auteurs préc., F. Kendérian, Le transfert au tribunal des activités économiques du contentieux du bail commercial en lien avec les procédures collectives : une fausse bonne idée, D. 2024. 130 ; V. Martineau-Bourgninaud, Le TAE ou l’extension de compétence d’attribution des tribunaux de commerce : la grande illusion !, Dr. sociétés 2025. Étude 1), même si l’expérience montre que les expérimentations législatives de ce type sont souvent entérinées : l’expérimentation a plutôt une vocation d’acclimatation destinée à faciliter l’insertion de l’institution expérimentée dans l’échiquier juridictionnel français ; elle n’a, peut-on croire, d’expérimentation que le nom du point de vue des autorités, déjà convaincues de leur pertinence de principe.

Quoi qu’il en soit, le fait est là : fût-ce à titre officiellement expérimental, le tribunal des activités économiques naquit à la première heure du premier jour de l’année 2025 et, à moins d’une abrogation anticipée, il vivra jusqu’à la dernière heure du premier jour de l’année 2029.

Il sera cependant question ici d’une autre expérimentation, étroitement liée, qui figurait aussi dans la loi de programmation de la justice de 2023 : celle d’une « contribution pour la justice économique » (CJE ; sur laquelle, v. déjà, les observations minutieuses et judicieuses sous l’angle de l’attractivité de la justice commerciale étatique, J. Jourdan-Marques, Attractivité et justice commerciale, à paraître).

Revenons rapidement sur la teneur de la loi à l’égard de la CJE, avant de nous pencher plus longuement sur le décret du 30 décembre 2024 pris en son application.

La loi de programmation de la justice du 20 novembre 2023

L’article 27 de la loi de programmation, validée sous cet aspect par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 16 nov. 2023, n° 2023-855 DC, spéc. §§ 101 s., Dalloz actualité, 28 nov. 2023, obs. F. Kieffer ; AJDA 2024. 397 , note M. Verpeaux ; ibid. 2023. 2144 ; D. 2024. 1250, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; ibid. 1301, obs. A. Leborgne et J.-D. Pellier ; RTD com. 2023. 833, obs. E. Claudel ), constitue l’acte de naissance de la CJE. Non seulement le principe y est-il arrêté mais également les premières et principales modalités.

Tout d’abord, le principe de gratuité de la justice, figurant au frontispice du code de l’organisation judiciaire (COJ, art. L. 111-2, al. 2 ; sur ce principe, v. J. Jourdan-Marques, Attractivité et justice commerciale, préc.), est battu en brèche au profit – le terme est adapté – d’une « contribution pour la justice économique », c’est-à-dire une taxe suivant le régime des dépens – nous y reviendrons. Cette taxe n’est cependant due que par la « partie demanderesse » et, d’emblée, le terme a pu déranger : le demandeur initial est certainement assujetti mais qu’en est-il du demandeur incident ? On peut douter qu’il y soit assujetti, le texte évoquant une « instance introduite » devant un tribunal des activités économiques. Mais l’hésitation est permise.

Du reste, toujours selon la loi de programmation, certains justiciables sont exemptés : tout d’abord, le demandeur à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective, pour des raisons aisément concevables ; ensuite, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, essentiellement pour éviter un jeu à somme nulle ; enfin, les personnes physiques ou morales de droit privé employant moins de 250 salariés, pour ne pas affaiblir le tissu économique modeste et intermédiaire.

Quant au montant de la contribution, la loi fixe des maxima (5 % du montant des demandes cumulées au stade de l’introduction de l’instance, sans pouvoir dépasser 100 000 €). Quant à la barémisation proprement dite, il appartient à un décret en Conseil d’État de la préciser – la loi donnant néanmoins quelques directives en invitant à tenir compte de différents facteurs (montant des demandes initiales, nature du litige, capacité contributive du justiciable contribuable, etc.).

Il est par ailleurs prévu par la loi que la contribution est remboursée dans deux hypothèses, qui posent d’ores et déjà question : d’une part, le recours à un mode amiable de règlement des différends emportant extinction de l’instance ou de l’action ; d’autre part, le désistement. Il y a assurément là un nouvel incitatif à l’amiable peu surprenant en soi (J. Jourdan-Marques, Attractivité et justice commerciale, préc.), même si on soulignera qu’il s’accompagne d’un second incitatif autrement plus inhabituel au désistement. Il est rare que la loi incite à ce point à abdiquer ce qui peut apparaître comme un droit fondamental, celui d’accéder à un juge pour qu’il se prononce sur le bien-fondé d’une prétention. Il est permis de s’en inquiéter.

Quoi qu’il en soit, la loi de programmation appelait donc un décret en Conseil d’État pour préciser les modalités de la contribution pour la justice économique. Ce décret est paru au Journal officiel le 31 décembre 2024.

Le décret relatif à la contribution pour la justice économique du 30 décembre 2024

Le décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l’expérimentation de la contribution pour la...

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