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AJ garantie et décret du 24 juin 2021 : une avancée sécurisée pour l’avocat ?

Un décret n° 2021-810 du 24 juin 2021 portant diverses dispositions en matière d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles a été publié au Journal officiel du 26 juin. Une circulaire du 25 août vient en préciser les contours.

par Patrick Lingibé, Avocatle 15 septembre 2021

La réforme du dispositif de l’aide juridictionnelle est intervenue en deux temps : d’une part, par une réforme législative déclinée dans l’article 243 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et dans l’article 234 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et, d’autre part, par un nouveau cadre réglementaire posé par le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et relatif à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles, qui avec ses 191 articles abroge plusieurs textes dont le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi de 1991 relative à l’aide juridique.

Le décret du 24 juin 2021 sous commentaire tire les conséquences des modifications apportées à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique par l’article 243 de la loi du 29 décembre 2020 précitée sur quatre points. En premier lieu, il comporte des dispositions d’application de la réforme du régime de rétribution à l’aide juridictionnelle des avocats commis d’office, pour les procédures mentionnées à l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée. En deuxième lieu, il élargit les missions dévolues à l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (UNCA) en matière d’aide juridictionnelle. En troisième lieu, ce texte unifie les règles de gestion relatives à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat. Enfin, il procède à quelques ajustements du barème de rétribution des avocats, en particulier en matière pénale, afin de prendre en compte les réformes procédurales introduites par le nouveau code de la justice pénale des mineurs.

Nous limiterons notre commentaire aux seules dispositions concernant le système de l’aide juridictionnelle dite « garantie », à celles touchant l’élargissement des compétences de l’UNCA pour terminer avec les articles intéressant l’outre-mer.

Préalablement, il convient de relever que plus de deux de mois après la prise du décret du 24 juin 2021, la Chancellerie a utilisé un mode opératoire particulier d’information. En effet, elle a recouru à une dépêche signée le 25 août 2021 par sa secrétaire générale pour présenter les nouvelles modalités de rétribution au titre de l’aide juridictionnelle des avocats commis ou désignés d’office dans les procédures listées par l’article 19-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique. Ce document pertinent fait partie des actes relevant de ce que l’on dénomme le droit souple, lesquels peuvent néanmoins poser des contraintes implicites alors que leur fonction première doit être informative et aucunement de normer. Les actes catégorisés droit souple, qui sont en plein développement et prennent des formes variées, sont aujourd’hui contrôlés par le juge administratif. Ils vont notamment de la traditionnelle circulaire (CE 29 janv. 1954, Institution Notre Dame du Kreisker, n° 07134, Lebon ), aux directives (CE 11 déc. 1970, n° 78880, Crédit foncier de France c/ Mlle Gaupillat et Mme Ader, Lebon ), aux communiqués de presse de presse (CE 16 oct. 2019, n° 433069, La Quadrature du net Calopien, Lebon avec les conclusions ; D. 2020. 1262, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; Dalloz IP/IT 2019. 586, chron. C. Crichton ; ibid. 2020. 189, obs. F. Coupez et G. Péronne ; Légipresse 2019. 588 et les obs. ; ibid. 694, étude C. Thiérache et A. Gautron ; RFDA 2019. 1075, concl. A. Lallet ) pour arriver récemment à sanctionner des dispositions du Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) annexé à une circulaire informative prise par le ministre de l’intérieur (CE 10 juin 2021, n° 444849, Syndicat national des journalistes, Lebon ; AJDA 2021. 1239 ; D. 2021. 1190, et les obs. ; Légipresse 2021. 323 et les obs. ; v. P. Lingibé, Ordre public et liberté des journalistes dans le droit souple, Gaz. Pal. 31 août 2021, p. 21). Cette dépêche fixe sur certains aspects des normes interprétatives qui selon nous dépassent la simple information des dispositions du décret du 24 juin 2021.

L’aide juridictionnelle garantie : un dispositif de protection de l’avocat face aux aléas liés à l’impécuniosité apparente du justiciable ?

Principe de l’AJ garantie : c’est quoi ?

C’est l’article 234 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 qui a créé l’article 19-1 dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique, lequel institue une garantie de paiement des rétributions de l’avocat face aux aléas causés par le comportement insoucieux du demandeur à l’aide juridictionnelle face à l’avocat qui intervient dans l’urgence pour sa défense. En effet, par exception aux règles d’attribution de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat, « (…) l’avocat commis ou désigné d’office a droit à une rétribution, y compris si la personne assistée ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat, s’il intervient dans les procédures (…), en première instance ou appel ». C’est donc un dispositif totalement dérogatoire qui a été adopté en faveur de l’avocat car par principe la commission ou la désignation d’office ne préjuge aucunement de l’application des règles d’attribution de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat. Il faut rendre à César ce qui est à César : ce dispositif dérogatoire est issu d’une proposition qui provient directement de la commission d’accès au droit du Conseil national des barreaux (pour information cette commission comprend, outre les membres du CNB, des membres et experts extérieurs de la Conférence des Bâtonniers, du barreau de Paris et de l’UNCA produisant des travaux de réflexion particulièrement pertinents) que la Chancellerie a retenu, à la suite de nombreux échanges et discussions.

Avec ce dispositif, lorsque l’avocat est commis ou désigné d’office dans le cadre des 11 procédures répertoriées il peut percevoir la contribution due par l’État sans la contrainte de déposer un dossier de demande d’aide juridictionnelle. Comme le rappelle la dépêche ministérielle, la Caisse autonome des règlements pécuniaires (CARPA) procédera au versement de la rétribution due sans que l’avocat bénéficiaire ait à fournir la décision d’admission pour le justiciable qu’il a assisté. L’Union nationale des CARPA (UNCA), organisme technique de la profession d’avocat dont la grande compétence est reconnue, a adressé aux CARPA une remarquable circulaire sur le dispositif de l’AJ garantie et les modalités pratiques transitoires de rétribution des avocats (circ. 21.0701/16), dans l’attente du déploiement prochainement de solutions informatiques innovantes et adaptées. Il n’y a donc plus d’intervention du bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) comme auparavant et dès lors plus d’examen d’éligibilité du demandeur en amont : tout le contrôle sera effectué a posteriori et par un recouvrement des sommes exposées par l’Etat dans le cas où le bénéficiaire ne relevait pas de l’aide juridictionnelle.

Quelles sont les procédures exclues du dispositif de l’AJ garantie ?

Il convient de préciser que toutes les autres procédures qui ne relèvent pas des 11 matières mentionnées par l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée précitée, relèvent du régime traditionnel de la commission ou la désignation d’office avec l’intervention du bureau d’aide juridictionnel.

De même, ce dispositif ne s’applique pas lorsque l’avocat qui intervient dans l’une des onze procédures précitées est choisi librement par le client justiciable.

Quelles sont les procédures juridictionnelles couvertes par l’AJ garantie ?

Il y a dix procédures qui sont éligibles au dispositif de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée au titre de l’AJ garantie :

1° Procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques ;
2° Assistance d’une personne demandant ou contestant la délivrance d’une ordonnance de protection prévue à l’article 515-9 du code civil ;
3° Comparution immédiate ;
4° Comparution à délai différé ;
5° Déferrement devant le juge d’instruction ;
6° Débat contradictoire relatif au placement ou au maintien en détention provisoire ;
7° Assistance d’un mineur dans la cadre d’une procédure d’assistance éducative, d’une audition libre, d’un interrogatoire de première comparution, d’une instruction ou d’une audience de jugement. Attention, cette disposition sera actualisée lors de l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs fixée au 30 septembre 2021 en application de l’article 5 de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, laquelle sera la rédaction suivante : « 7° Assistance d’un mineur dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, d’une procédure devant le juge des enfants en matière pénale ou libre, le tribunal pour enfants, d’une audition libre, d’un interrogatoire de première comparution ou d’une instruction. » ;
8° Assistance d’un accusé devant la cour d’assises, la cour criminelle départementale, la cour d’assises des mineurs ou le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle ;
9° Procédures devant le juge des libertés et de la détention relatives à l’entrée et au séjour des étrangers ;
10° Procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté.

Il convient de relever qu’en matière pénale, ces procédures concernent aussi bien l’avocat qui assiste une personne poursuivie que celui qui assiste une partie civile.

Quelles sont les procédures non juridictionnelles couvertes par l’AJ garantie ?

Elles sont spécialement visées au 11° de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée. Elles visent plus précisément les trois procédures mentionnées aux 2° à 4° de l’article 11-2 de cette même loi :

En premier lieu, le 2° de l’article 11-2 a trait à la garde à vue, à la retenue, à la rétention, à la confrontation dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, la retenue douanière dans les conditions prévues par le code des douanes, la retenue d’un étranger aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour dans les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

En deuxième lieu, le 3° de l’article 11-2 est relative au déferrement devant le procureur de la République en application de l’article 393 du code de procédure pénale.

Enfin, en troisième lieu, le 4° de l’article 11-2 concerne les mesures ordonnées par le procureur de la République et prévues au 5° de l’article 41-1 et aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale et par l’article 12-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Cette ordonnance étant appelée à disparaitre avec l’entrée du code de la justice pénale des mineurs. En conséquence, à compter du 30 septembre 2021 et en application de l’article 5 de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, la nouvelle rédaction du 4° de l’article 19-1 sera la suivante : « 4° Mesures prévues au 5° de l’article 41-1 et aux articles 41-2 et 41-3 du même code ou au 2° de l’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs ordonnées par le procureur de la République. »

Deux précisions importantes sont apportées par la dépêche ministérielle.

D’une part, dans la mesure où le déferrement devant le procureur de la République en application de l’article 393 du code de procédure pénale lorsque l’avocat est commis d’office est mentionné parmi les procédures listées par l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, si le procureur de la République décide de recourir à la procédure de Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) à l’égard de la personne déférée devant lui en application de l’article 393 du code de procédure pénale, l’audience d’homologation dont elle est indissociable relève également du champ d’application de l’article 19-1 de ladite loi par effet induit. Attention cependant, il convient de préciser qu’hors de l’hypothèse ci-dessus qui doit rester une exception, toutes les phases de la procédure de CRPC ne relèvent aucunement du périmètre de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée et du dispositif de l’AJ garantie mis en place.

D’autre part, de manière symétrique, dans la mesure où l’assistance d’un prévenu devant le juge des libertés et de la détention en application du 3e alinéa de l’article 394 du code de procédure pénale intervient à la suite d’un déferrement devant le procureur de la République en application de l’article 393 du code de procédure pénale et en est indissociable, cette procédure relève également du champ de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée.

Autre cas particulier relevé par la Chancellerie qu’il convient de signaler. En matière civile, lorsqu’il est nécessaire de procéder à la désignation d’un autre professionnel du droit, comme un notaire par exemple, le dépôt d’un dossier de demande d’aide juridictionnelle par l’avocat commis d’office est exigé dans la mesure où le dispositif de l’aide juridictionnelle garantie ne concerne que les avocats stricto sensu et ne s’étend aucunement aux autres auxiliaires de justice. Dans un tel cas, l’avocat devra mentionner que sa demande ne porte que sur la prise en charge, au titre de l’aide juridictionnelle, des frais d’intervention de l’autre auxiliaire de justice non-avocat ainsi que sa désignation dans le cas où ce dernier n’a pas été choisi par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ou l’avocat intervenant.

Enfin, il convient de préciser que les ordonnances de protection prévues notamment par les articles 515-9 et 515-13 du code civil rentrent dans le cas de cette particularité dans la mesure où elles imposent l’intervention d’un huissier pour la signification de la décision.

Le dispositif de l’AJ garantie : un droit ou une obligation ?

La garantie de rétribution de l’avocat intervenant dans l’une des onze procédures listées par l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée est une simple faculté.

En effet, si au cours de la procédure, l’avocat intervenant constate que le montant des ressources du justiciable lui apparaît manifestement supérieur aux plafonds d’éligibilité à l’aide juridictionnelle, il peut parfaitement préférer demander des honoraires à son client et donc renoncer finalement à percevoir la rétribution fixée et plafonnée au titre de l’aide juridictionnelle.

Cependant, il risque de se poser néanmoins à terme la question du quantum de tels honoraires demandés au client par l’avocat dans la mesure où aucun accord n’est intervenu en amont sur ce point, l’état de fortune du justiciable étant connue après coup. Il y a lieu de relever que la dépêche du 25 août 2021 utilise l’acception de « rétribution » qui serait demandée dans ce cas par l’avocat, laissant ainsi sous-entendre que l’honoraire qui serait réclamé par l’avocat correspondrait au montant de la rétribution qui serait prévue ainsi par le barème de l’AJ, ce qui à notre sens est inexact. Si l’avocat décide au regard de la situation patrimoniale de la personne qu’il a assisté de renoncer à la rétribution AJ, il fixera et facturera des honoraires au regard des diligences accomplies qui seront le plus souvent supérieurs à ladite rétribution (les avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle reçoivent une rétribution qui est sans commune mesure avec l’investissement et les diligences qui sont accomplis par ces avocats. Une remarquable étude sur les coûts horaire et la rétribution effective des avocats a été conduite à la demande de la Conférence des Bâtonniers par KPMG auprès de la profession et présentée lors de l’assemblée générale en mars 2021). En cas de désaccord sur les honoraires facturés, il reviendra sur saisine de l’une des parties, ici ce sera le plus souvent l’avocat, au bâtonnier dont relève l’avocat commis ou désigné de fixer les honoraires dus en application des dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (l’avocat agissant ici dans un cadre contraint, le troisième alinéa de l’article 10 trouverait application s’agissant de l’absence de convention d’honoraires préalable : « Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. »).

Pour résumer, le dispositif de l’aide juridictionnelle garantie peut être mis en œuvre par l’avocat qui réunit les quatre conditions cumulatives : – être commis d’office – être intervenu dans le cadre des onze missions fléchées – avoir effectué la mission pour laquelle il a été commis ou désigné – n’avoir pu obtenir le règlement d’honoraires.

L’exigence d’une attestation sur l’honneur informative du justiciable : quelle valeur probante pour l’avocat ?

L’article 105 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et relatif à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles a été modifié par le décret n° 2021-810 du 24 juin 2021. Il fixe la liste des documents que l’avocat doit transmettre obligatoirement à la CARPA de traitement afin de pouvoir percevoir sa rétribution lorsqu’il est intervenu dans le cadre d’une des onze procédures relevant de l’aide juridictionnelle garantie prévue par l’article 19-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique.

Cet article désormais modifié dispose que l’avocat doit fournir à la CARPA « une attestation sur l’honneur d’avoir informé la personne ayant bénéficié de son intervention que, dans l’hypothèse où elle s’avèrerait non éligible à l’aide juridictionnelle ou à l’aide à l’intervention de l’avocat, les sommes perçues au titre de sa mission d’assistance seront recouvrées à son endroit par l’État, et mentionnant, le cas échéant, le montant des honoraires versés au titre de l’aide juridictionnelle. Ce document est signé par l’autorité ayant procédé à la désignation ou à la commission d’office de l’avocat. »

Ce dispositif informatif est totalement exclu à destination des justiciables suivants :

  • - les personnes mineures, étant précisé que l’âge de minorité s’apprécie au moment de l’accomplissement de la mission de l’avocat ou lorsque la personne assistée fait l’objet de poursuites pénales au moment de la commission des faits ;
  • - les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique des majeurs ;
  • - les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement ;
  • - les personnes qui ne sont pas présentes à l’audience où elles sont jugées.

En dehors de ces quatre cas précités, l’attestation sur l’honneur doit obligatoirement être jointe à l’attestation de service délivré par le greffier et transmise avec celle-ci à la CARPA après validation par l’autorité ayant commis ou désigné l’avocat intervenant (bâtonnier ou président de la juridiction). Il convient d’indiquer que sur tous les documents qui attestent le service doivent figurer certaines informations impératives sur l’identité et les coordonnées postales précises de la personne assistée. En cas d’impossibilité de disposer de ces éléments informatifs, l’autorité doit expressément la mentionner sur le document délivré. À noter que le numéro de procédure doit être impérativement être indiqué dans l’attestation (ce numéro a a priori entraîné un certain retard au niveau de certains greffes en raison de l’impossibilité matérielle pour eux de pouvoir utiliser les nouveaux formulaires modifiés en raison du décret du 24 juin 2021, lesquels n’étaient pas utilisables au 1er juill. 2021, date d’entrée en vigueur dudit décret).

Pour rappel, l’avocat est tenu d’une obligation particulière d’information et de conseil vis-à-vis de son client et qu’il lui importe de prouver qu’il a exécuté cette obligation en application de l’article 1315 du code civil comme l’a notamment rappelé la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 avril 1997 (Civ. 1re, 29 avr. 1997, n° 94-21.217, D. 1997. 130 ; RTD civ. 1997. 924, obs. J. Mestre ).

L’attestation sur l’honneur informative que remplit le seul avocat intervenant nous parait incomplète dans la mesure où il est certifié par son auteur que le justiciable a bien eu l’information concernant les risques de recouvrement de l’AJ s’il ne réunissait pas les conditions pour obtenir celle-ci. Il est clair que ce contrôle a posteriori ne se fera que très tardivement, voire des années après. La preuve de l’exécution d’une obligation informative ne peut reposer, par sécurité, sur la seule déclaration émanant uniquement du débiteur de cette obligation, même si la Cour de cassation a jugé que le principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » est inapplicable à la preuve de faits juridiques (Civ. 2e, 6 mars 2014, n° 13-14.295, D. 2014. 1722, chron. L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2478, obs. J.-D. Bretzner, A. Aynès et I. Darret-Courgeon ; RTD civ. 2014. 438, obs. R. Perrot ). Nous pensons qu’il serait judicieux pour sécuriser cette obligation d’information et éviter toute contestation par celui qui la reçoit, que l’attestation sur l’honneur exigée de l’avocat soit également signée par le client relevant de l’AJ. Cette simple formalité non obligatoire aura l’avantage d’évacuer la question qui risquera parfois de se poser sur l’effectivité de la communication cette obligation informative, surtout si le bénéficiaire démasqué niait pour se défendre avoir reçu une telle information de la part de son avocat commis ou désigné d’office. Autant donc être prudent, même si ce risque peut paraître marginal et relatif.

Quelle est la date du fait générateur ?

Par exception au principe général selon lequel la date devant être prise en compte est la date de décision, le dispositif prévoit que pour les procédures juridictionnelles relevant de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le fait générateur permettant de déterminer le montant et le nombre d’unités de valeur (UV) à verser à l’avocat ne sera pas la décision d’aide juridictionnelle qui n’existe pas en la circonstance mais la date d’accomplissement de la mission, laquelle sera généralement la date de l’audience de l’affaire.

Ce dispositif est applicable également aux procédures non juridictionnelles mentionnées au 11° de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée.

Par ailleurs, l’avocat doit obligatoirement déclarer à sa CARPA le montant des honoraires qu’il a perçus le cas échéant. Pour rappel, en matière juridictionnelle, ces honoraires viennent en déduction de la part versée par l’État. En revanche, en matière non juridictionnelle, toute perception d’honoraires exclut d’office tout versement de la rétribution.

De même, il est précisé que l’avocat a l’obligation de rembourser à la CARPA la rétribution versée si des honoraires ont été perçus postérieurement à la perception de l’AJ garantie.

Quelle est la justification prouvant l’effectivité de l’intervention de l’avocat ?

L’article 105 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 dispose que l’avocat doit fournir à la CARPA un document justifiant de l’effectivité de son intervention, lequel sera selon la procédure concernée :

  • - l’attestation de mission délivrée par le procureur de la République pour les missions accomplies en matière de médiation et de composition pénales, de mesures au titre de l’article 12-1 de l’ordonnance de 1945 modifiée ;
  • - l’attestation de mission délivrée par le procurer de la République dans le cadre de la procédure de déferrement relevant de l’article 393 du code de procédure pénale ;
  • - le formulaire Cerfa délivré par l’officier de police judiciaire, l’agent de police judiciaire ou l’agent des douanes pour attester de l’intervention de l’avocat pour assister une personne entendue librement ou une victime lors de confrontation avec la personne entendue librement ;
  • - le formulaire Cerfa délivré par l’officier de police judiciaire, l’agent de police judiciaire ou l’agent des douanes pour attester des interventions de l’avocat au cours d’une mesure de garde à vue ou autres retenues ;
  • - le document justifiant de son intervention dans une procédure juridictionnelle, telle l’attestation de fin de mission ou encore l’ordonnance rendue.

La dépêche de la Chancellerie produit en annexe 4 les nouveaux modèles d’attestation de fin de mission qui sont disponibles sur le site intranet du secrétariat général à usage des personnels de justice

Que recouvre le principe de continuité interventionnelle de l’avocat ?

La réforme de l’aide juridictionnelle et celle qui a présidé à la formalisation des Conventions locales relatives à l’aide juridique (CLAJ) pose une corrélation très étroite entre d’une part, la commission d’office de l’avocat dans les onze procédures relevant de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée et, d’autre part, le principe de la continuité de l’intervention de l’avocat auprès de la personne assistée.

Ce principe de continuité précité a été d’ailleurs marbré par l’article L. 12-4 du code de la justice pénale des mineurs qui dispose que « lorsqu’un avocat a été désigné d’office, dans la mesure du possible, le mineur est assisté par le même avocat à chaque étape de la procédure ».

En clair, les permanences de commission d’office doivent permettre aux avocats de permanence d’assister les personnes concernées à toutes les étapes de la procédure. Ce dispositif semble difficile à mettre en œuvre au niveau des barreaux, les permanences étant organisées par nature de procédure. Ainsi, l’avocat de permanence pour la garde à vue ne sera pas généralement celui qui assistera la même personne lors de sa comparution immédiate devant le tribunal correctionnel.

Quel recouvrement avec l’arrivée du SIAJ ?

La réforme de l’aide juridictionnelle repose également sur le nouveau système d’information pour l’aide juridictionnelle (SIAJ) qui permettra, à partir d’une corrélation et de l’analyse de plusieurs données combinées, la vérification de la situation de fortune d’une personne et donc son éligibilité à l’aide juridictionnelle. Le contrôle se fait toujours a posteriori.

Pour l’heure, ce SIAJ n’est pas encore opérationnel et donc le contrôle a posteriori se révèle, en l’état, impossible techniquement.

Cependant, lorsqu’il sera mis en place à moyen terme, un contrôle rétroactif sera vraisemblablement effectué sur des personnes ayant bénéficié de l’AJ alors qu’elles ne le pouvaient.

Ces personnes peuvent faire l’objet d’un recouvrement forcé de la part de l’administration, laquelle faut-il le rappeler pourra recouvrer ces sommes dans les quatre années à compter de la date d’accomplissement de la mission. Sur ce point, l’article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a modifié le régime juridique du recouvrement des frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle, le recouvrement étant désormais effectué selon les règles relatives aux créances étrangères à l’impôt et au domaine. L’article 124 du décret du 28 décembre 2020 dispose que le recouvrement des sommes avancées par l’État au titre de l’aide juridictionnelle est effectué par le comptable de la direction générale des finances publiques au vu d’un titre de perception établi et rendu exécutoire par l’ordonnateur compétent, ce titre étant notifié à la personne débitrice des sommes à recouvrer par les comptables publics.

L’élargissement des missions dévolues à l’UNCA : un transfert de compétences régaliennes ?

Il convient de rappeler que l’article 81, V, de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a supprimé le troisième aliéna de l’article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, lequel donnait au Conseil national des barreaux la compétence pour l’affectation du complément de financement tiré des ressources extrabudgétaires pour l’aide juridique.

Le décret n° 2021-810 du 24 juin 2021 a procédé à une extension des missions de l’UNCA. Il tire donc les conséquences des dispositions introduites par la loi de finances pour 2021 qui ont modifié la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il concerne principalement le mécanisme dit de « l’AJ garantie ». Le texte modifie deux décrets : d’une part, le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 et d’autre part, le décret n° 96-887 du 10 octobre 1996.

En réalité, seul le décret n° 96-887 du 10 octobre 1996 modifié portant règlement type relatif aux règles de gestion financière et comptable des fonds versés par l’État aux caisses des règlements pécuniaires des avocats pour les missions d’aide juridictionnelle et pour l’aide à l’intervention de l’avocat prévue par les dispositions de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991 concerne l’UNCA. Il adapte le règlement-type que chaque barreau doit introduire en annexe dans son règlement intérieur, au regard des nouvelles dispositions législatives concernant les flux de dotation. En effet, depuis le 1er janvier 2021, l’UNCA reçoit les crédits d’État et les reverse aux CARPA en application des dispositions de l’article 29 de la loi du 10 juillet 1991 modifié par l’article 234 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

Il convient donc que le règlement intérieur soit en ce sens modifié, l’UNCA agissant désormais pour le compte de l’État pour ce qui concerne le versement des dotations sur la base d’une allocation prévue par arrêté ministériel. Il s’agit donc ici d’une délégation spéciale de l’État à une personne de droit privé, l’UNCA étant une association loi 1901 au même titre que le sont les CARPA qui existent dans les barreaux et sont créées par les conseils de l’ordre.

Le décret n° 96-887 du 10 octobre 1996 modifié précité mentionne à l’article 1er de son annexe intitulé Règlement type pris pour l’article de l’article 29 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « (…) la caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) reçoit de l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats, agissant pour le compte de l’État, une dotation annuelle correspondant à la contribution de ce dernier à la contribution de ce dernier à la rétribution des avocats inscrits au barreau (…) ».

L’outre-mer : bis repetita du traitement à géométrie variable ?

Il convient de rappeler que le décret du 28 décembre 2020 avait procédé, à travers ses articles respectifs 149 à 177, à un regroupement en un titre unique des dispositions éparses en matière d’aide juridique applicables aux cinq collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte), aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution que sont Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie française.

Nous constatons que l’article 18 du décret du 24 juin 2021 revient à un principe de réalité de terrain en modifiant notamment l’article 165 du décret du 10 juillet 1991 dans la prise en compte des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit à l’aide juridictionnelle au regard des plafonds fixées par la loi, à savoir en l’espèce la moyenne mensuelle des ressources de la dernière année civile, après abattement de 10 %.

L’article 17 du décret du 24 juin 2021 procède également à une modification de l’article 151 du décret du 10 juillet 1991 pour les collectivités de Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et pour la Polynésie française qui précisent que les ressources mensuelles imposables s’entendent des ressources imposables seulement localement (suivant une étude de l’INSEE de 2017 portant sur le taux de pauvreté et l’indication d’inégalités en 2017 en outre-mer. Le taux de pauvreté était de 77 % à Mayotte, de 53 % en Guyane, de 42 % à La Réunion, de 34 % en Guadeloupe et de 33 % en Martinique alors que ce taux était de 14 % dans l’hexagone. L’indicateur d’inégalités S80/S20 était > 80 à Mayotte, 10,5 en Guyane, 5,9 en Guadeloupe, 5,7 en Martinique et 5,4 à La Réunion alors que cet indicateur était de 4 en France hexagonale).

Pour l’outre-mer donc, nous regrettons que le décret du 24 juin 2021 ait limité une application différenciée à certains territoires alors que l’ensemble des territoires ultramarins souffre de façon endémique d’une pauvreté qui conduit à mettre à mal l’accès au principe d’égalité auquel est corrélé celui relatif à la dignité humaine.

Une grande réforme de l’aide juridictionnelle en outre-mer s’impose donc pour tenir compte de la mosaïque des réalités des territoires non prise en compte au niveau de l’État.