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Ajournement d’un avocat étranger à l’examen pour intégrer un barreau français : précision procédurale

Le recours exercé devant la cour d’appel par un avocat étranger hors Union européenne contre une décision d’ajournement à l’examen pour intégrer un barreau français suppose la représentation obligatoire d’un avocat.

par Cécile Caseau-Rochele 19 juillet 2021

Procédure avec ou sans représentation obligatoire ? Telle est la question posée à propos d’un recours exercé devant la cour d’appel par un avocat étranger hors Union européenne contre une décision d’ajournement à l’examen pour intégrer un barreau français à laquelle la première chambre civile de la Cour de cassation a répondu dans un arrêt rendu le 30 juin 2021.

En l’espèce, un avocat américain souhaitant s’inscrire au tableau d’un barreau français a passé, conformément à l’article 100 du décret du 27 novembre 1991, un examen de contrôle des connaissances du droit français, mais il a été ajourné. Alors qu’il contestait ce résultat, le président du jury lui a répondu qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’appréciation souveraine du jury. Le candidat a formé un recours devant la cour d’appel de Paris. En se fondant sur l’article 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les juges parisiens ont déclaré le recours irrecevable, considérant qu’il devait être instruit et jugé selon la procédure ordinaire. Au soutien de son pourvoi, l’impétrant arguait que l’article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 prévoit, sans aucune distinction ni restriction, que les recours formés devant la cour d’appel sont instruits et jugés selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi tout en opérant une substitution de motifs. Après avoir précisé (§ 4) que, « selon l’article L. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel connaît, en ce qui concerne les avocats, notamment des recours contre les décisions des centres de formation professionnelle, et aux termes de l’article 277 du décret du 27 novembre 1991, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par ce décret », elle en déduit (§ 5) « qu’en l’absence de disposition spéciale, le recours exercé contre la décision du président du jury devait être formé, instruit et jugé comme un appel en matière civile, de sorte qu’était applicable la procédure avec représentation obligatoire ».

L’arrêt apporte une précision utile sur les modalités de l’appel dans un contentieux qui pourrait se développer au regard du nombre croissant d’avocats migrants. Si la jurisprudence avait déjà admis que les recours contre la délibération du jury relèvent de la compétence judiciaire (Dijon, 15 juin 1999, BICC 15 avr. 2000, n° 491), elle ne s’était pas encore prononcée explicitement sur la procédure applicable. La Cour de cassation avait en effet seulement admis implicitement que celle-ci était orale sans représentation obligatoire à propos d’un recours d’une élève avocate contre une décision du conseil d’administration d’un centre régional de formation professionnelle d’avocats (CRFPA) ayant refusé qu’elle se présente aux épreuves du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) pour avoir interrompu son stage (Civ. 1re, 15 juill. 2017, n° 16-20.826, Dalloz actualité, 24 juill. 2017, obs. M.-H. Yazici ; D. 2017. 1480 ; JCP 2017, chron. avocat, n° 1, obs. S. Bortoluzzi ; Gaz. Pal. 5 déc. 2017, p. 22, note J.-L. Gaineton). Elle vient donc de trancher explicitement dans le sens inverse pour un avocat migrant ajourné. Il faut bien avouer que la solution n’allait pas de soi au regard des règles spécifiques régissant l’accès à la profession ; ces dernières ont finalement été écartées par les juges au bénéfice des règles de droit commun selon un raisonnement rigoureux.

L’arrêt se place uniquement sur le terrain des règles de procédure à observer pour contester la décision d’ajournement à l’examen et ne préfigure en rien des chances de succès d’un tel recours. Celles-ci sont cependant minimes si le candidat ajourné remet uniquement en cause les notes obtenues car il n’appartient pas au juge de contrôler l’appréciation que le jury a faite de la valeur des prestations du candidat (Paris, 29 oct. 2003, Gaz. Pal. 2004. 1. 583). Ce faisant, la décision amène à s’interroger sur les conditions d’ouverture de la profession à l’international dans le contexte inexorable de la mondialisation des échanges. Si le raisonnement juridique est assez universel, il faut bien admettre que les règles de droit restent encore spécifiques à chaque pays. Conditionner en principe la demande d’inscription au barreau à une vérification exigeante des connaissances du droit français – une dispense d’épreuves pouvant être accordée par le Conseil national du barreau (v. Rép. pr. civ, Avocat, par J.-J. Taisne et M. Douchy-Oudot, n° 106) – pour les avocats non ressortissants de l’Union européenne semble opportun tant pour la crédibilité de la profession que pour la sécurité des clients.

Une alternative s’offre néanmoins aux avocats migrants hors Union européenne souhaitant exercer en France. Sous leur titre professionnel d’origine, ils peuvent désormais (ord. n° 2018-310, 27 avr. 2018, JO 28 avr. ; D. Levy, Consultant juridique étranger : statut et modalités d’exercice, Dalloz actualité, 30 mai 2018) pratiquer, selon des modalités strictes, l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger, à l’exclusion de la représentation ou de l’assistance en justice. La mobilité géographique des avocats est-elle en marche ?