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AMP, identité du donneur et filiation adoptive : les réponses du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions du code de la santé publique concernant la communication de l’identité du donneur en assistance médicale à la procréation (AMP) et l’interdiction d’établir la filiation entre le donneur et l’enfant issu du don.

Saisi par le Conseil d’État de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), l’une portant sur l’accès aux données identifiantes du donneur en AMP prévu par l’article L. 2143-6 du code de la santé publique, l’autre sur l’étendue de l’interdiction prévue par l’article 342-9 du code civil d’établir la filiation entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP, le Conseil constitutionnel, par deux décisions du 9 juin 2023, juge les dispositions contestées conformes à la Constitution.

Conformité de l’article L. 2143-6, 6°, du code de la santé publique à la Constitution

Telle est la conclusion de la décision n° 2023-1052 QPC du 9 juin 2023 du Conseil constitutionnel.

En substance, l’article L. 2143-6, 6°, du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 relatif à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur pris en application de l’article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, prévoit la mise en place d’une commission d’accès aux données du tiers donneur. En particulier, le nouveau dispositif modifie le droit antérieur qui garantissait l’anonymat du tiers donneur en cas d’assistance médicale à la procréation (AMP). En effet, les dispositions contestées permettent à une personne majeure née à la suite d’un don de gamètes (ou d’embryons) réalisé avant une date fixée par décret (1er sept. 2022) de saisir la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur d’une demande d’accès à ces informations. Si la commission est saisie, elle contacte le tiers donneur afin de solliciter et de recueillir son consentement à la communication de ses données non identifiantes et de son identité ainsi qu’à la transmission de ces informations à l’Agence de la biomédecine (ABM).

Il était reproché à ce dispositif de méconnaître le droit à la vie privée du donneur ayant effectué un don de gamètes avant le 1er septembre 2022, à une époque où la loi garantissait son anonymat, en permettant d’être contacté par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur afin de recueillir son consentement à la communication de ces données, sans lui assurer de pouvoir refuser préventivement d’être contacté ni de lui éviter d’être exposé à des demandes répétées. Le Conseil d’État, dans sa décision du 7 avril 2023, y avait vu une question nouvelle et sérieuse justifiant un renvoi de QPC devant le Conseil constitutionnel (v. les observations, J.-J. Lemouland, DP santé, Bulletin n° 347, mai 2023). Pouvait-il en être autrement alors que la question de la levée de l’anonymat du don de gamètes a toujours suscité le débat et que la loi du 2 août 2021 a pris le parti de mettre en place un dispositif ne permettant pas seulement de lever cet anonymat pour les dons à venir, mais aussi pour ceux du passé ?

Pour répondre, le Conseil constitutionnel examine la question sous deux angles.

D’abord sous le visa de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce texte proclame que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Sous cet angle, le Conseil constitutionnel rappelle que si le législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, a le pouvoir de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. « En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations...

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