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Annexe à la déclaration d’appel : tout sauf annexe

Les chefs de jugement critiqués doivent figurer dans la déclaration d’appel qui est un acte de procédure se suffisant à lui seul. Aussi, l’appelant peut la compléter par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer… mais à la condition de justifier d’un empêchement technique.

L’insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l’annoncer, et rencontre en chemin
L’embuscade d’une Araignée :
Il y rencontre aussi sa fin.

 

En raison du nombre de déclarations d’appel régularisées, depuis des années, au moyen d’une annexe, on aurait pu croire que le danger avait fini par se dissiper. Mais le piège vient de se refermer. Car, comme toujours, à la fin, c’est la Cour de cassation qui a le dernier mot. Le mot de la fin qui justifie les moyens. Un litige relatif à la sécurisation de données financières à la suite d’un virement frauduleux oppose une banque, appelante, à une société intimée devant la cour d’appel de Lyon. L’intimé saisit le conseiller de la mise en état en nullité et irrecevabilité de la déclaration d’appel mais les moyens sont écartés par une ordonnance non déférée, mais repris dans les conclusions au fond reprochant à l’appelant d’avoir établi directement une annexe à la déclaration d’appel aux fins de préciser les chefs de jugement critiqués alors qu’aucune contrainte technique ne l’imposait eu égard à la taille de l’envoi inférieur à 4 080 caractères. Par arrêt du 14 mai 2020, la cour d’appel suit le raisonnement en estimant que l’intimée est fondée à soutenir que la déclaration d’appel est dépourvue d’effet dévolutif et constate donc n’être saisie d’aucune demande. Devant la Cour de cassation, la demanderesse au pourvoi arguait de l’absence de forme imposée pour établir un acte d’appel tandis que l’annexe mentionnait bien les chefs de jugement critiqués. Écartant le moyen, la deuxième chambre civile répond :

« 6. Selon l’article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d’appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.

7. En application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

8. Il en résulte que les mentions prévues par l’article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.

9. Cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

10. Ayant constaté que les chefs critiqués du jugement n’avaient pas été énoncés dans la déclaration d’appel formalisée par la banque, celle-ci s’étant bornée à y joindre un document intitulé “motif déclaration d’appel pdf”, la cour d’appel, devant laquelle la banque n’alléguait pas un empêchement technique à renseigner la déclaration, en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement. »

In cauda venenum

Il faut le dire d’emblée, si l’on devait hiérarchiser les arrêts de la Cour de cassation au regard de leur retentissement depuis l’entrée en vigueur des décrets Magendie et du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, celui-ci prendrait place en haut d’un totem procédural qui n’en finit plus de se dresser. Alors, bien sûr, il ne serait pas seul, mais il ferait bonne figure au côté de ceux qui sont venus définir l’effet dévolutif au regard de l’acte d’appel et des conclusions. On le sait, sauf lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs du jugement critiqués. Aussi, à défaut de mentionner les chefs de jugement critiqués sur l’acte d’appel, l’effet dévolutif n’opère pas, de sorte qu’en l’absence de rectification par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai de trois mois imparti à l’appelant pour conclure, l’appel « total » ou « général » n’emporte pas la critique de l’intégralité des chefs du jugement et ne peut être régularisé par des conclusions notifiées au fond (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 ; ibid. 576, obs. N. Fricero ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry ; ibid. 458, obs. N. Cayrol ; Procédures, n° 4, avr. 2020, comm. H. Croze). Il en est de même d’un acte d’appel qui mentionne les demandes de l’appelant au lieu et place des chefs de jugement critiqués (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-16.954, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero ; Procédures n° 10, oct. 2020, comm. 163, S. Amrani Mekki) ou de l’acte d’appel qui ne sollicite que la réformation (Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 20-12.037, Dalloz actualité, 26 avril 2021, obs. R. laffly ; Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, Anne-Isabelle Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon ). Le décor était planté, très vite agrémenté par le fameux arrêt de la deuxième chambre civile venu préciser qu’à compter du 17 septembre 2020, les cours d’appel ne seront pas saisies par un dispositif de conclusions qui ne sollicitent pas l’infirmation ou l’annulation du jugement (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, note C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046 , note M. Barba ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet ; D. avocats 2020. 448 et les obs. ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, Anne-Isabelle Gregori, Rudy Laher et A. Provansal ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol ; Procédures n° 11, nov. 2020, comm. 190, R. Laffly). Seule nuance : dans la première hypothèse d’un acte d’appel défaillant, la cour d’appel n’aura pas à confirmer ou infirmer la décision puisqu’elle n’est pas saisie, dans le second cas, l’acte d’appel la saisira puisque l’effet dévolutif jouera, mais l’absence d’une formulation d’infirmation ou d’annulation au dispositif des premières conclusions, assimilée à une prétention au fond, conduira nécessairement à une confirmation. Bref, dans tous les cas, la sanction différente… sera identique pour l’appelant. Tous ces arrêts ont été destinés à la plus large publication, et si nous avions qualifié celui du 30 janvier 2020 de bombe à retardement puisque les cours d’appel pouvaient bien sûr relever d’office le moyen d’absence d’effet dévolutif par application de l’article 562, on nommerait volontiers celui du 13 janvier 2022 de bombe à déflagration : le bruit...

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