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Appel-annulation et conclusions subsidiaires sur le fond

L’appelant qui demande l’annulation du jugement, pour un motif autre que celui tiré de l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, doit conclure subsidiairement au fond. À défaut, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Le présent arrêt du 7 mars 2024 ne fera sans doute pas date, éclipsé qu’il sera par les arrêts du même jour portant sur la péremption (Civ. 2e, 7 mars 2024, n° 21-19.475, n° 21-19.761, n° 21-20.719 et n° 21-23.230 ; v. M. Barba, Revirement sur la péremption : un beau moment de justice, Dalloz actualité, 20 mars 2024) et l’annexe à la déclaration d’appel (Civ. 2e, 7 mars 2024, n° 22-20.035 et n° 22-23.522). Il n’en contribue pas moins humblement à la consolidation du droit de l’appel en matière civile.

Appel d’un jugement est relevé. Dans ses premières conclusions déposées dans les délais Magendie, l’appelant sollicite l’annulation du jugement mais ne conclut pas sur le fond du litige à titre principal ou subsidiaire. Il demande seulement et pour l’essentiel l’annulation du jugement, la révocation de la clôture et la réouverture des débats, étant précisé que l’annulation n’est pas sollicitée au regard d’une défectuosité atteignant l’acte introductif d’instance, circonstance qui a son importance (v. infra). La cour d’appel repousse la demande d’annulation puis confirme le jugement, non sans avoir statué à nouveau au fond mais uniquement sur une prétention formulée par l’intimé sur son propre appel incident.

L’appelant principal déçu se pourvoit en cassation. Selon lui, lorsque l’appelant saisit la cour d’appel d’une demande d’annulation du jugement, l’effet dévolutif joue pour le tout. Dès lors, l’ensemble des chefs du jugement est soumis à la cour d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit sans que l’appelant ait à solliciter à titre subsidiaire la réformation de tels ou tels chefs de ce jugement. Au fond, le requérant reproche à la cour d’appel de ne s’être estimée subsidiairement saisie que de la réformation du chef de jugement identifié par l’intimé sur son propre appel incident et, en conséquence, de n’avoir statué à nouveau que sur ce point. Selon le requérant, la cour d’appel aurait dû statuer à nouveau en fait et en droit sur le fond de l’entier litige.

Par un arrêt à motivation légèrement développée, la Cour de cassation juge, sur le fondement des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, que l’appelant qui demande l’annulation du jugement pour un motif autre que celui tiré de l’irrégularité de l’acte introductif d’instance doit conclure subsidiairement au fond ; à défaut, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement au cas, naturellement, où elle repousse la demande d’annulation du jugement formulée à titre principal.

C’est bien jugé. La deuxième chambre civile précise d’un seul souffle le régime des prétentions sur le jugement et sur le litige en cas d’appel-annulation.

Prétentions sur le jugement

Nul n’ignore, au moins depuis un célèbre arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, Revue pratique du recouvrement - EJT 2020. 15, chron. I. Faivre, A.-I. Gregori, R. Laher et A. Provansal ; D. 2020. 2046 , note M. Barba ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet ; D. avocats 2020. 448 et les obs. ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol ), qu’il y a en cause d’appel les prétentions sur le jugement et les prétentions sur le litige. Cet arrêt a imposé à l’appelant de préciser au dispositif de ses premières conclusions la finalité de l’appel – l’annulation ou la réformation – avec la liberté d’articuler un principal et un subsidiaire (rappr., Civ. 2e, 8 juin 2023, n° 21-22.263, D. 2023. 1179 ; AJ fam. 2023. 361, obs. F. Eudier ).

L’appel-annulation et l’appel-réformation ne suivent pas le même régime, en particulier sous l’angle de l’effet dévolutif : l’appel-réformation remet la chose jugée en question sur les chefs de jugement identifiés par l’appelant dans sa déclaration d’appel, cependant que l’appel-annulation remet structurellement la chose jugée en question sur tous les chefs de jugement. C’est pourquoi l’appelant sollicitant l’annulation du jugement entrepris n’a jamais à indiquer les chefs de jugement critiqués sur l’acte d’appel ; il peut le faire mais n’en a pas le devoir (s’il le fait et vise tous les chefs, il lui est loisible de changer son fusil d’épaule et de demander dans ses conclusions la réformation ou l’annulation, Civ. 2e, 14 sept. 2023, n° 20-18.169, D. 2023. 1653 ; ibid. 2024. 613, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2023. 480, obs. F. Eudier ; rappr., Civ. 2e, 25 mai 2023, n° 21-15.842 ; v. M. Barba et R. Laffly, Objet de l’appel : pas de sujet ?, Dalloz actualité, 26 juin 2023).

En cas d’appel-annulation, l’effet dévolutif est total ; il joue pour le tout, selon l’expression consacrée. C’est vrai en droit positif (C. pr. civ., art. 562, visé par la Cour, et 901, 4°) comme dans le droit issu du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 applicable au 1er septembre 2024 (C....

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