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Article
Appel au boycott des produits israéliens : le juge du fond, protecteur de la liberté d’expression
Appel au boycott des produits israéliens : le juge du fond, protecteur de la liberté d’expression
Par un arrêt du 5 mai 2022, la cour d’appel de Lyon a relaxé une militante du mouvement BDS poursuivie pour avoir dénoncé l’implication de l’entreprise pharmaceutique TEVA dans la politique israélienne à l’égard des Palestiniens. Cet arrêt confirme le rôle joué par le juge du fond pour protéger, dans le cadre de la liberté d’expression, les appels au boycott des produits israéliens.
par Ghislain Poissonnier, Magistratle 3 juin 2022
Lyon, 4ech. corr., 5 mai 2022, MP c. J. Z., n° 21/01449
Lancé en 2005 par la société civile palestinienne, le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) s’est fixé trois objectifs ancrés dans le droit international : la fin de l’occupation de la Palestine et de la colonisation israélienne ; l’égalité des droits entre Israéliens et Palestiniens ; la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens.
Pour obtenir de l’État d’Israël le respect de ces objectifs, le mouvement BDS appelle au désinvestissement, à savoir au retrait des entreprises étrangères du territoire israélien, et à des sanctions prises par les États et les Nations unies contre Israël et ses institutions. Son volet « boycott » consiste, quant à lui, à demander aux citoyens et aux institutions de ne pas acheter de produits israéliens et de rompre les liens avec les institutions académiques, culturelles, sportives, syndicales et associatives qui sont financées par ou liées à l’État israélien.
Une cinquantaine d’associations françaises a rejoint le mouvement BDS en 2009. Elles organisent sur le territoire français des opérations d’appel au boycott, au cours desquels les consommateurs sont invités, via différents supports (ports de t-shirts imprimés, pancartes brandies, banderoles déployées, slogans scandés, chansons entonnées, discours prononcés, théâtre de rue, discussions avec la clientèle ou le personnel des magasins, tracts, cartes postales et autocollants distribués, pétitions et signatures collectées, lettres envoyées à des professionnels, vidéos d’actions, interviews et textes mis en ligne), à ne pas acheter les produits israéliens vendus dans les magasins ou les supermarchés. Dans le cadre de ces opérations, les produits de l’entreprise pharmaceutique TEVA, dont le siège est implanté à Tel-Aviv, en Israël, sont visés.
Le 16 décembre 2016, TEVA a porté plainte contre l’éditrice d’un site militant ayant, d’une part, écrit « TEVA, on n’en veut pas », car « une partie de ses bénéfices renfloue l’armée israélienne » et, d’autre part, diffusé des vidéos de rassemblements ayant eu lieu les 19 et 20 novembre 2016 devant les pharmacies de la région lyonnaise appelant les clients à ne pas acheter des médicaments TEVA. La plainte pour appel à la discrimination a donné lieu à une information judiciaire puis à des poursuites pénales. Le 18 mai 2021, le tribunal de Lyon a relaxé l’éditrice (TJ Lyon, 6e ch. corr., 18 mai 2021, n° 17333000031, MP c. J. Z.). Le ministère public a fait appel de la décision. Par un arrêt du 5 mai 2022 (Lyon, 4e ch. corr., 5 mai 2022, n° 21/01449, MP c. J. Z.), la cour d’appel de Lyon a confirmé la relaxe initiale, estimant que les écrits publiés et les vidéos relayées sont couverts par la liberté d’expression. Cet arrêt solidement motivé signe-t-il la fin d’une politique de poursuites pénales initiée par la chancellerie ?
En 2010 et 2012, le ministère de la Justice a adopté deux circulaires demandant aux procureurs d’engager des poursuites contre les personnes qui appellent au boycott des produits israéliens, en considérant que ces faits sont susceptibles de constituer une infraction de « provocation publique à la discrimination » (circ. CRIM-AP n° 09-900-A4, 12 févr. 2010 et CRIM-AP n° 2012-0034-A4, 15 mai 2012).
En pratique, les procureurs n’ont pas fait une application zélée des circulaires et plusieurs procédures relevées contre les « boycotteurs » ont été classées sans suite. Cependant, dans un certain nombre de cas, des poursuites ont été engagées par les parquets et soutenues par des plaintes déposées par des associations françaises de soutien à Israël (association France-Israël, Avocats sans frontières, chambre de commerce France-Israël, Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, Union des étudiants juifs de France, etc.).
Comment le juge pénal a-t-il appréhendé cette situation ? Comment a-t-il concilié interdiction de l’appel à la discrimination, libre choix de consommation et liberté d’expression ?
L’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 5 mai 2022 met en lumière le rôle joué par le juge du fond pour protéger, dans le cadre de la liberté d’expression, les appels au boycott des produits israéliens. En dépit d’une position favorable de la Cour de cassation à une restriction de la liberté d’expression, position finalement sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), les juges du fond ne sont, dans leur très grande majorité, pas entrés en voie de condamnation à l’encontre des militants BDS poursuivis. Pour bien comprendre la solution retenue par le juge d’appel lyonnais, il est nécessaire de rappeler dans quel contexte juridique elle se situe et d’évoquer l’appréciation traditionnellement portée par le juge du fond sur le sujet.
Interdiction de la discrimination versus liberté d’expression
L’arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d’appel de Lyon s’inscrit dans un contexte juridique particulier dans lequel la priorité a été donnée, dans un premier temps, à la lutte contre les appels à la discrimination, puis, dans un second temps, au respect de la liberté d’expression.
L’appel au boycott des produits israéliens perçu comme discriminatoire
La Cour de cassation a jugé que l’appel citoyen au boycott des produits israéliens est susceptible de constituer une infraction pénale de provocation à la discrimination fondée sur l’appartenance à une nation, prévue et réprimée par l’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse (art. 24, al. 8, avant la L. n° 2014-1353 du 13 nov. 2014 qui a abrogé les dispositions incriminant la provocation et l’apologie du terrorisme, alors objet de l’alinéa 6 de l’article 24). La position de la chambre criminelle s’est forgée en deux temps.
La Cour de cassation a été saisie d’une première affaire en 2012. Une action de militants BDS avait eu lieu dans un magasin Carrefour de Mérignac (Gironde) le 30 mai 2009. Une des militantes a été poursuivie par le parquet de Bordeaux pour avoir collé des autocollants appelant au boycott sur une caisse du supermarché et sur un produit d’origine israélienne (une bouteille de jus d’orange). Le tribunal de Bordeaux a déclaré la militante coupable de l’infraction de provocation à la discrimination fondée sur l’appartenance à une nation, tout en indiquant que les faits constituaient une entrave à l’exercice normal d’une activité économique (TGI Bordeaux, 5e ch. corr., 10 févr. 2010, n° 09218000215). La cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement sans lever la confusion créée sur la nature exacte de l’infraction commise (Bordeaux, 22 oct. 2010, n° 10/00286, D. 2011. 931 , note G. Poissonnier ). Un pourvoi a été formé et la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet, dans lequel elle a considéré que l’infraction de provocation à la discrimination pouvait être valablement retenue et n’a pas estimé que l’invocation surabondante par le juge du fond de l’infraction d’entrave constituait un motif suffisant de cassation (Crim. 22 mai 2012, n° 10-88.315, Dalloz actualité, 22 juin 2012, obs. C. Fleuriot ; D. 2012. 1405 ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2012. 592 , note G. Poissonnier et F. Dubuisson ; RSC 2012. 610, obs. J. Francillon ; Gaz. Pal. 28 juill. 2012, p. 22, obs. S. Detraz ; D. 2013. 457, obs. E. Dreyer ; RSC 2012, 610, obs. J. Francillon ; CCE 2012, n° 100, obs. A. Lepage ; JCP 2012. 1318, n° 4, obs. B. de Lamy).
Il était cependant difficile d’accorder trop d’importance à cet arrêt de 2012, car les faits à l’origine de l’affaire semblaient moins relever de la liberté d’expression que d’une éventuelle entrave à l’exercice normal d’une activité économique (C. pén., art. 225-2, 2°) ou d’une possible dégradation légère d’un bien, l’autocollant placé sur la bouteille de jus d’orange ne pouvant se décoller et ayant rendu le produit impropre à la vente, ce qui avait entraîné un dépôt de plainte de la part de Carrefour (La répression de l’appel au boycott des produits israéliens est-elle conforme au droit à la liberté d’expression ?, RBDI 2012. 177, obs. F. Dubuisson).
C’est à l’occasion d’une seconde affaire que la Cour de cassation s’est, en 2015, prononcée clairement sur la légalité de l’appel au boycott des produits israéliens. Les faits à l’origine de l’affaire ont donné lieu à deux jugements de relaxe prononcés par le tribunal de Mulhouse (TGI Mulhouse 15 déc. 2011, nos 3309/2011 et 3310/2011, D. 2012. 439, obs. G. Poissonnier ; Gaz. Pal. 16 févr. 2012, p. 9, note G. Poissonnier). Cependant, le parquet a fait appel. Infirmant les deux jugements, la cour d’appel de Colmar a rendu deux arrêts condamnant les militants BDS à l’origine de...
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