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Appel d’une ordonnance de saisie spéciale et examen des conditions de l’immunité pénale

La chambre de l’instruction, saisie de l’appel formé contre une ordonnance de saisie spéciale rendue dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée pour un crime commis à l’étranger et dont les éventuelles poursuites sont conditionnées par la résidence en France de la seule personne mise en cause, est tenue, nonobstant la règle de l’unique objet, d’examiner les éléments que celle-ci lui soumet en invoquant l’immunité pénale liée aux fonctions qu’elle occupait à la date des faits et à la nature des actes qui lui sont reprochés.

Contexte de l’affaire

Dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée en France des chefs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et complicité relatifs à des faits qui auraient été commis en Côte d’Ivoire mettant en cause un individu, M. [B], qui revendiquait avoir exercé les fonctions de Premier ministre durant la période incriminée, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie pénale d’une somme détenue sur un contrat d’assurance-vie. Ayant fait l’objet d’appel, l’ordonnance de saisie pénale est confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris qui, sur la base de la règle de l’unique objet de l’appel, écarte la possibilité d’examiner l’exception d’immunité invoquée par M. [B]. Était alors formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction portant confirmation de l’ordonnance de saisie pénale en arguant que la règle de l’unique objet ne peut être opposée à la personne qui fonde son appel contre une telle ordonnance sur l’exception tirée de l’immunité de juridiction de l’État étranger. La Cour de cassation exclue à juste titre l’application de ladite règle de l’unique objet, bien que – dans le cas d’espèce – il n’est pas encouru la censure de l’arrêt.

Le rappel par la chambre criminelle du principe de la règle de l’unique objet de l’appel

La chambre criminelle affirme au paragraphe 4 que la personne dont le bien fait l’objet d’une saisie pénale au cours d’une enquête préliminaire ne saurait, à l’occasion de son appel contre l’ordonnance de saisie, invoquer des exceptions ou formuler des demandes étrangères à l’unique objet de l’appel. Ainsi, comme fréquemment dans ses arrêts, la chambre criminelle rappelle la règle jurisprudentielle de l’unique objet de l’appel qui est vouée à empêcher à une partie privée de profiter de la technique procédurale de l’appel pour faire juger autre chose que l’objet du recours et oblige la chambre de l’instruction à écarter toutes demandes annexes. Cette règle trouve son fondement dans le caractère dévolutif de l’appel qui n’a pas d’autre effet que de faire trancher à la juridiction d’appel d’autres litiges que ceux qui sont soumis par le biais de l’appel lui-même (C. Guéry, Droit et pratique de l’instruction préparatoire - Principes de la saisine de la chambre de l’instruction, 11e éd., Dalloz Action, n° 721.31-32). Le droit d’appel est « un droit exceptionnel, qui ne comporte aucune extension et dont [… les parties] ne sauraient s’autoriser pour faire juger des questions et des fins de non-recevoir étrangères à son unique objet » (Crim. 6 janv. 1961, D. 1961. 581). Ainsi, la règle permet d’éviter que la chambre de l’instruction ne statue sur des actes insusceptibles d’appel, sur une question pouvant faire l’objet d’une saisine spécifique (Crim. 18 mars 2015, n° 14-86.680, Dalloz actualité, 9 avr. 2015, obs. L. Priou-Alibert ; AJ pénal 2015. 557, obs. G....

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