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Appel immédiat d’une expertise ordonnée par le juge commis au partage : l’autorisation du premier président reste de mise

Le juge commis pour surveiller les opérations de partage ne vide pas sa saisine en ordonnant une expertise. L’appel immédiat de sa décision reste envisageable à condition d’être autorisé par le premier président et justifié d’un motif grave et légitime. À défaut de respecter ces conditions, la décision ne peut être attaquée qu’avec le jugement sur le fond.

Chacun sait que nul ne peut être contraint à demeurer en indivision. Toutefois, si le partage est un droit, ce n’est pas toujours une partie de plaisir. Cet arrêt de la deuxième chambre civile nous montre une nouvelle fois combien le partage est source de contentieux et combien la procédure est un terrain fertile pour enliser la discorde. En l’espèce, à la discorde successorale s’est ajoutée une discorde procédurale sur les pouvoirs du juge commis pour surveiller les opérations de partage.

Pour rappel, le partage permet d’achever une situation dans laquelle coexistent des droits de même nature sur un même bien. S’il est de principe que le partage soit amiable, la voie du partage judiciaire s’impose fréquemment en cas de discorde entre copartageants. Or, celle-ci est bien plus longue et onéreuse. À cette fin, lorsque la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations (C. pr. civ., art. 1364). L’équilibre du partage judiciaire complexe repose ainsi sur le duo notaire-juge à tel point que si le premier est désigné, le second doit être commis (Civ. 1re, 22 nov. 2023, n° 21-25.833, Dalloz actualité, 13 déc. 2023, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2023. 2085 ; ibid. 2024. 441, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 1974, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; AJ fam. 2024. 108, obs. J. Casey ).

En l’espèce, les opérations de comptes, liquidation et partage de deux successions sont ouvertes par un tribunal de grande instance le 23 novembre 2010. Le tribunal commet un juge pour surveiller ces opérations. Le juge commis ordonne le 30 novembre 2020 une expertise immobilière et une expertise comptable portant sur des biens de la succession. Certains des litigants relèvent appel, par deux fois, de l’ordonnance du 30 novembre 2020. Le premier appel du 15 décembre 2020 est déclaré caduc suivant une ordonnance du 15 juillet 2021. Second appel est interjeté le 31 mars 2021. Le conseiller de la mise en état déclare l’appel irrecevable par une ordonnance du 7 décembre 2021. Ce dernier estime, en application de l’article 911-1 du code de procédure civile, que les parties ne sont plus recevables à former un appel principal contre le même jugement. Surtout, il s’appuie sur les articles 544 et 272 du code de procédure civile pour conclure à l’irrecevabilité du second appel en raison de l’absence d’autorisation du premier président.

L’ordonnance du conseiller est déférée à la Cour d’appel de Bastia. Celle-ci confirme l’irrecevabilité. Pourvoi est formé.

Selon le moyen de cassation soutenu, le juge commis épuise sa saisine en ordonnant une expertise avant tout procès et sa décision peut faire l’objet d’un appel immédiat sans avoir à respecter les exigences de l’article 272 du code de procédure civile qui imposent, pour ce faire, d’obtenir l’autorisation du premier président de la cour d’appel et de justifier d’un motif grave et légitime. Les requérants reprochent ainsi à la cour d’appel d’avoir confirmé l’irrecevabilité de l’appel à raison de l’absence d’une telle autorisation et de considérer que le juge commis n’était pas dessaisi de l’affaire qui pouvait revenir devant lui une fois le rapport d’expertise rendu.

L’enjeu portait ici sur la recevabilité de l’appel de la décision du juge commis ayant ordonné deux expertises. Cette recevabilité dépendait de la question de savoir si le juge commis, en ordonnant une expertise, avait épuisé sa saisine. Dans l’affirmative, l’appel immédiat était recevable sans condition. Dans la négative, l’appel immédiat était recevable à condition de respecter l’article 272 du code de procédure civile.

La Cour de cassation opte pour la négative et balaye d’un revers de main le moyen développé, qui, selon elle, « procède d’un postulat erroné » en ce qu’il tente de tirer profit de l’article 1371, alinéa 3. Rappelant...

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