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Application de la TVA aux prestations de services dérivées d’un contrat d’assurance : revente d’épaves de véhicules automobiles sinistrés acquises auprès d’assurés

Une opération de revente d’épave de véhicule automobile ne constitue pas une « opération d’assurance », au sens de l’article 135, § 1, sous a), de la directive TVA. Elle ne peut pas non plus être considérée comme liée de façon indissociable au contrat d’assurance relatif au véhicule concerné, ce qui exclut qu’elle soit soumise au même traitement fiscal que ce contrat. Cette activité ne relève pas davantage du champ de l’article 136, sous a), de la directive TVA, qui prévoit l’exonération des livraisons de biens affectés exclusivement à une activité exonérée en vertu, notamment, de l’article 135 de cette directive, si ces biens n’ont pas fait l’objet d’un droit à déduction. Enfin, le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’absence d’exonération des opérations consistant, pour une entreprise d’assurance, à vendre à des tiers des épaves de véhicules automobiles, accidentés à l’occasion de sinistres couverts par cette entreprise, qu’elle a acquises auprès de ses assurés lorsque ces acquisitions n’ont pas donné lieu à un droit à déduction.

On doit l’invention de la TVA à un diplômé de l’École polytechnique (promotion 1936), également Docteur en droit : Maurice Lauré (1917-2001). Inspecteur des finances, il s’aperçoit que la taxe à la production pénalise les entreprises utilisant des machines. En 1951, il développe pour la première fois le concept de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) au cours d’une Commission sur le thème « Productivité et fiscalité ». Malgré les gouvernements successifs et la résistance au changement qu’il rencontre, Maurice Lauré n’abandonne pas son idée. Le 29 mars 1954, l’Assemblée nationale adopte enfin le projet de loi portant réforme fiscale, supprimant la taxe à la production et la remplaçant par « une taxe sur la valeur ajoutée perçue sur les affaires ». Le Conseil de la République (Sénat) suit le 8 avril de la même année. La loi n° 54-404 portant réforme fiscale est promulguée par le président de la République, René Coty, le 10 avril 1954. La TVA est née. Telle qu’on la connaît aujourd’hui, elle est le fruit des travaux des législateurs français et européen depuis presque 70 ans. Les jurisprudences nationales et européennes ne sont pas en reste ; elles interprètent et participent à l’harmonisation de l’application des textes, par petites touches, au gré des affaires rencontrées. La décision commentée en est une nouvelle illustration.

L’affaire

Une entreprise d’assurance établie à Lisbonne, agissant dans le cadre de ses activités, avait acquis des épaves de véhicules automobiles endommagés à l’occasion de sinistres impliquant ses assurés. Elle les avait ensuite revendues à des tiers, sans liquider de TVA sur ces ventes. À la suite d’un contrôle relatif à l’exercice 2007, l’autorité fiscale et douanière portugaise a estimé que les ventes d’épaves de véhicules automobiles effectuées par l’assureur, en tant que transmissions à titre onéreux de biens corporels, étaient soumises au paiement de la TVA en vertu du code de la TVA, sans possibilité d’exonération. Elle a procédé à la liquidation de la TVA sur ces ventes pour un montant de 17 213,70 €, majoré d’intérêts compensatoires. L’assureur a réglé la somme, puis a introduit un recours devant le tribunal fiscal de Lisbonne en soutenant que l’opération était exonérée. Un jugement du 30 décembre 2017 a rejeté le recours. L’assureur a donc interjeté appel. Le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal) a souligné que la question de savoir si une telle opération est exonérée de TVA au titre de l’article 9, point 29 ou 33, du code de la TVA, dispositions qui visent à transposer l’article 13, B, respectivement, sous a) et c), de la sixième directive dans l’ordre juridique portugais, fait l’objet d’une importante controverse doctrinale et jurisprudentielle au Portugal. Pour cette raison, par décision du 16 décembre 2021, la juridiction a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui lui est parvenue le 19 janvier 2022.

Trois questions ont été soulevées devant la CJUE :

« 1) L’article 13, B, […] sous a), de la sixième directive […] et, par conséquent, [l’]article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA doivent-ils être interprétés en ce sens que la notion d’“opérations d’assurance et de réassurance” inclut, aux fins de l’exonération de la TVA, des activités connexes ou complémentaires telles que l’acquisition et la vente d’épaves [de véhicules automobiles] ?
2) L’article 13, B, […] sous c), de la sixième directive […] et, par conséquent, [l’]article 136, sous a), de la directive TVA doivent-ils être interprétés en ce sens que l’acquisition et la vente d’épaves [de véhicules automobiles] sont considérées comme étant affectées exclusivement à une [activité] exonérée, pour autant que ces biens n’aient pas fait l’objet d’un droit à déduction de la TVA ?
3) L’absence d’exonération de la TVA sur la vente des épaves [de véhicules automobiles] par les assureurs, dans les cas où il n’y a pas eu de droit à déduction de la TVA, est-elle contraire au principe de neutralité de la TVA ? »

Sur la première question : à propos de la notion d’activité connexe

Notons, d’abord, que l’assiette de la TVA a...

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