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Appréciation de la motivation d’un avis de la Commission nationale d’équipement commercial

La Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), appelée à se prononcer sur une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale déposée consécutivement au refus d’un précédent projet sur le même terrain, n’est pas tenue de faire explicitement mention, dans sa seconde décision, des motifs et observations critiques qui avaient fondé sa première décision.

Une société avait déposé, au printemps 2018, une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (PCVAEC) pour la création d’un ensemble commercial avec drive, d’une surface de vente totale de 7 540 m2. Avait alors débuté une joute contentieuse longue de cinq ans, finalement tranchée par le Conseil d’État. Sollicitée dans le cadre de la procédure de délivrance du PCVAEC, une Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) avait d’abord formulé un avis favorable à l’été 2018. Plusieurs concurrents avaient intenté un recours devant la CNAC, qui émettait un avis défavorable à l’automne.

Un an plus tard, la société déposait une nouvelle demande pour un projet dont la surface était amputée de 2 500 m2 (soit un tiers de la surface de vente totale). L’avis favorable délivré par la CDAC était derechef contesté devant la CNAC, qui se positionnait cette fois en faveur du projet. Le maire finissait donc par délivrer à la société le précieux sésame … immédiatement contesté devant la Cour administrative d’appel de Marseille. L’arrêt de rejet prenait ensuite la direction de la capitale pour un ultime examen, en cassation.

Le lecteur l’aura compris, l’on se trouve précisément dans le cas où un infortuné pétitionnaire, dont le projet est ballotté entre les commissions départementale et nationale, se voit contraint de se laisser porter par les vents violents de la procédure et où la CNAC, ayant rendu un premier avis défavorable au projet pour un motif de fond, se retrouve sommée de se prononcer une seconde fois sur son projet – projet qui a nécessairement subi quelques modifications (pour ne pas dire amendements) au cours du processus.

En pratique, cette situation n’est pas rare. Elle est même expressément visée par les dispositions du premier alinéa de l’article L. 752-21 du code de commerce, qui prévoient depuis 2014 qu’un pétitionnaire « dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la CNAC ne peut déposer une nouvelle demande d’autorisation sur un même terrain, à moins d’avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l’avis de la CNAC ».

Le débat se situait donc autour de la question de la motivation, c’est-à-dire de l’exposé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l’acte – ce « formalisme utile » et « propre à satisfaire aux exigences de démocratie, de bonne administration et de contrôle de l’administration » pour citer René Chapus (Droit administratif général, 15e éd., LGDJ, coll. « Précis Domat » 2001, p. 904) – de la décision de la CNAC : en l’espèce, les requérants faisaient grief à cette dernière d’avoir, dans son second avis, passé sous silence les raisons ayant présidé à son refus initial, sans même y faire allusion : l’avis favorable de la CNAC ne comportait en effet « pas de référence ou de justification au regard de son (premier) avis défavorable ». La suffisance de la motivation faisant en principe l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond (CE 28 juin 1999, n° 182136, Mme Clauzier, Lebon ), c’était donc sa consistance qui était discutée devant le juge de cassation.

Alors un avis favorable de la CNAC succédant à un premier avis défavorable doit-il explicitement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime que le nouveau projet s’est conformé à ses observations antérieures ? Ou la CNAC peut-elle, le cas échéant, en faire l’économie pour se focaliser exclusivement sur le contrôle classique du projet au regard des dispositions des codes de commerce et de l’urbanisme ?

Répondant par l’affirmative à la seconde question, le Conseil d’État souscrit ici à l’analyse relativement libérale de son rapporteur public, en n’exigeant pas du second acte de la CNAC qu’il fasse « explicitement référence à l’avis défavorable antérieur, ni aux justifications apportées par le pétitionnaire quant à la prise en compte des motifs de cet avis, ni à ces motifs eux-mêmes ». Il doit simplement, comme tout avis rendu par les commissions, comporter les considérations de droit et de fait qui ont conduit la Commission à donner un avis favorable au projet lorsqu’elle estime ce dernier respectueux de la législation d’aménagement commercial.

C’est donc le dénouement d’une pièce en deux actes qui se jouait en juillet au palais Royal : après avoir été consacré de façon prétorienne et s’être retrouvé inscrit dans le code de commerce, le principe de la motivation des actes de la CNAC a fait l’objet d’une double...

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