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Apprentissage : pas d’obligation de reclassement en cas d’inaptitude médicale de l’apprenti

Compte tenu de la finalité de l’apprentissage, l’employeur n’est pas tenu de procéder au reclassement de l’apprenti présentant une inaptitude de nature médicale. Les dispositions des articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail n’étant pas applicables au contrat d’apprentissage, l’employeur n’a pas à reprendre le versement des salaires à l’apprenti au-delà du mois suivant le constat de l’inaptitude.

par Loïc Malfettesle 21 mai 2019

Le régime de l’inaptitude, qu’elle soit d’origine professionnelle ou non, assure au salarié une certaine protection. Il est en effet prévu que si le salarié inapte n’est pas reclassé dans le délai d’un mois suivant l’examen médical de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de lui verser – à l’expiration de cette période – le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat (C. trav., art. L. 1226-4 et L. 1226-11). Cette obligation courrant à compter du second examen médical venant constater l’inaptitude (Soc. 25 mars 2009, n° 07-44.748 P, D. 2009. 1092, obs. S. Maillard ; ibid. 2009. Pan. 2128, obs. I. Desbarats  ; RDT 2009. 389, obs. I. Odoul-Asorey  ; RJS 2009. 455, n° 507). Ces dispositions s’appliquent au contrat de travail à durée indéterminée, ainsi qu’aux contrats à durée déterminée, sauf dispositions légales contraires. Mais la question de savoir si cette obligation peut être étendue aux contrats ayant une finalité de formation, tels que le contrat d’apprentissage, pouvait légitimement se poser. Et c’est précisément sur ce point que l’arrêt du 9 mai 2019 vient apporter des précisions.

En l’espèce, un salarié avait été recruté en apprentissage dans une enseigne de grande distribution pour une durée de douze mois. Il a ensuite été placé en arrêt de travail, puis déclaré inapte à son poste d’apprenti par le médecin du travail à l’issue de deux examens. L’intéressé a alors saisi les juridictions prud’homales en sollicitant le paiement des salaires jusqu’au terme du contrat et des dommages-intérêts pour absence de paiement de la rémunération.

Les juges du fond ont rejeté sa demande, considérant que les articles L. 1226-4 et L. 1226-11 ne s’appliquaient pas à la situation de l’apprenti, dès lors que ce dernier n’avait pas exécuté sa prestation de travail, l’employeur n’était pas tenu de lui verser de salaire. L’intéressé va alors former un pourvoi contre la décision.

Saisie de la question, la chambre sociale rejette le pourvoi et valide le raisonnement des juges du fond. Elle affirme que, compte tenu de la finalité de l’apprentissage, l’employeur n’est pas tenu de procéder au reclassement de l’apprenti présentant une inaptitude de nature médicale. Et les éminents magistrats d’en conclure que les dispositions des articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail ne sont pas applicables au contrat d’apprentissage.

Ce faisant, ils apportent une précision importante quant au champ d’application de l’article L. 1226-4 du code du travail qui dispose que, lorsqu’à l’issue « d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».

Les articles L. 1226-4-2 (inaptitude d’origine non professionnelle) et L. 1226-20 (inaptitude d’origine professionnelle) précisent que ces dispositions sont applicables aux salariés bénéficiant d’un contrat à durée déterminée. Il n’était dès lors pas totalement déraisonnable de penser pouvoir étendre l’application de ces dispositions aux contrats d’apprentissage, qui sont une autre forme de contrats dérogatoires au droit commun. C’est toutefois sans compter sur l’article L. 1241-1 du code du travail, qui prévoit expressément que les dispositions applicables au contrat à durée déterminée (CDD) ne s’appliquent pas au contrat d’apprentissage ni au contrat de mission conclu avec une entreprise de travail temporaire.

Toutefois, le statut particulier de l’apprenti répond pour partie à la finalité pédagogique du contrat d’apprentissage, même s’il bénéficie de l’ensemble de la législation du travail, des conventions collectives applicables à l’entreprise et de la protection sociale.

Aussi, sans recourir à l’article L. 1241-1, c’est sur cette finalité particulière que la chambre sociale s’appuie pour évincer l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude dans la situation de l’apprenti, et ce quelle que soit l’origine de l’inaptitude. La cohérence du raisonnement tient au fait que l’objet du contrat est d’assurer la formation du salarié par le travail et par sa présence dans l’entreprise. Dès lors qu’est constatée son inaptitude au poste pour lequel il est censé acquérir les compétences professionnelles, il peut en effet paraître antinomique de chercher à le reclasser sur un autre poste au sein de l’entreprise, qui ne lui permettrait pas d’accomplir l’objectif de formation initialement défini.

La Cour de cassation lie par ailleurs dans son raisonnement l’application de l’obligation de reclassement à celle de reprise du paiement des salaires au-delà d’un mois après le constat de l’inaptitude. Dès lors que le reclassement n’a pas lieu d’être pour l’apprenti, le dispositif incitant l’employeur à procéder à un reclassement rapidement ne se justifie plus.

C’est alors le droit commun qui vient à s’appliquer : à défaut d’exécution de la prestation de travail, l’employeur n’est pas tenu de verser le salaire.

Cette importante précision jurisprudentielle concernant l’apprentissage ne surprend donc pas. Elle se révèle salutaire pour l’employeur recourant à des apprentis et préserve le caractère attractif de ce régime particulier.