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Arrêt ASG 2 : une solution douce-amère concernant une action groupée en recouvrement

La Cour de justice de l’Union européenne a été invitée à se prononcer sur la compatibilité avec le principe d’effectivité de l’Union des dispositions d’une réglementation nationale relative à une action groupée en recouvrement, dont l’interprétation par le juge national faisait obstacle à sa mise en œuvre en matière de concurrence. À cet égard, elle considère qu’il appartient au juge national de laisser ces dispositions inappliquées seulement si, à l’issue d’une vérification par ce dernier, il apparaît : d’une part, qu’aucun autre mécanisme d’action collective n’est disponible et, d’autre part, que les conditions de mise en œuvre d’une action individuelle rendent impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à réparation.

Alors que l’Union européenne cherche depuis de nombreuses années à développer le private enforcement, ces actions en dommages et intérêts opposant les victimes de pratiques anticoncurrentielles et leurs auteurs devant les juridictions – en attestent l’arrêt fondateur Courage (CJCE 20 sept. 2001, aff. C-453/99, RTD com. 2002. 398, obs. S. Poillot-Peruzzetto ; RTD eur. 2002. 103, chron. L. Idot ; Rev. UE 2015. 378, étude N. Ereseo ) de la Cour de justice, ainsi que la directive « Dommages » (Dir. 2014/104/UE du Parlement et du Conseil du 26 nov. 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, JO 5 déc.) –, la présente affaire s’inscrit dans cette tendance, la Cour de justice étant invitée à se prononcer de manière inédite sur un mécanisme collectif de cession de créances. L’enjeu était de taille ; en témoigne le fait que l’affaire ait été attribuée à la grande chambre. Car il s’agit d’un moyen de surmonter les difficultés bien connues liées, en ce qui concerne les actions individuelles des victimes, à leur complexité et à leur onérosité, ainsi qu’à l’absence de recours collectifs efficaces, comme l’illustre l’exemple de l’« action de groupe » française, qui n’est en rien comparable aux class actions américaines.

En l’espèce, il était reproché à un Land de s’être entendu, pendant une période allant du 28 juin 2005 au 30 juin 2019, avec d’autres propriétaires forestiers sur les prix de commercialisation de bois rond. L’enquête menée par l’Autorité allemande de concurrence à ce sujet avait abouti à une décision d’engagements en 2009. Trente-deux scieries établies en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg, s’estimant lésées par les prix excessifs auxquels elles avaient acheté du bois rond au Land, ont cédé leurs créances à ASG 2, laquelle a introduit, en son nom et à ses frais, mais pour le compte des cédants, contre honoraires en cas de succès, une action de groupe en dommages et intérêts devant le Tribunal régional de Dortmund (ci-après la juridiction de renvoi) le 31 mars 2020, en vue d’obtenir réparation de leur préjudice concurrentiel.

Or, le Land a contesté la qualité pour agir d’ASG 2 devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir que cette cession de créances, également qualifiée d’« action groupée en recouvrement », ne pouvait être mise en œuvre dans le cadre de la réparation d’un préjudice concurrentiel. En effet, bien qu’une telle action ait été admise par la jurisprudence de la Cour fédérale de justice pour divers types d’actions en dommages et intérêts, tels que la location immobilière ou l’indemnisation des passagers aériens, cette juridiction n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur cette question. Les juridictions inférieures, en revanche, ne l’admettent pas, en particulier dans le cas d’actions en dommages et intérêts dites « stand-alone », ou « autonomes » – c’est-à-dire des actions qui ne font pas suite à une décision définitive et contraignante d’une Autorité de concurrence établissant l’infraction.

Si la juridiction de renvoi estime, pour ces raisons, qu’une telle...

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