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Assurabilité des sanctions administratives : l’ACPR s’invite, maladroitement, dans le débat

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) vient de publier un très court communiqué de presse par lequel elle « rappelle » que la prise en charge par un assureur d’une sanction pécuniaire prononcée par une autorité administrative est contraire à l’ordre public. Si l’on comprend parfaitement la position de l’Autorité, il est possible de discuter la solidité technique de l’argumentation retenue comme le fait qu’il ne s’agirait que d’un rappel de l’état du droit positif. Le débat, à notre connaissance, n’a jamais été tranché ni par la Cour de cassation, ni par le Conseil d’État.

L’assurabilité des sanctions administratives en question

Bien loin est le temps où l’on pouvait considérer que les sanctions administratives étaient « une anomalie » dans un État de droit (M. Guyomar, Les sanctions administratives, LGDJ, 2014), s’étonner que l’on puisse « punir sans juger » (M. Delmas-Marty et C. Teitgen-Colly, Punir sans juger ? De la répression administrative au droit administratif pénal, Economica, 1992) et considérer que « le mode d’exécution habituel et normal des actes de la puissance publique [était] la sanction pénale confiée à la juridiction répressive » (concl. du commissaire du gouvernement Romieu sur T. confl. 2 déc. 1902, n° 0543, Lebon 713 ). Depuis leur validation officielle par une fameuse décision du Conseil constitutionnel de 1989 (Cons. const. 17 janv. 1989, Liberté de communication, n° 88-248 DC), la massification des sanctions administratives est un phénomène incontestable. « Aujourd’hui, les textes parlent d’eux-mêmes et les faits s’imposent à tout observateur : de nombreuses décisions administratives ont pour objet d’infliger une sanction » (B. Plessix, Droit administratif général, 5e éd., LexisNexis, 2024, p. 1259-1260, n° 887). Tous les secteurs sont touchés, notamment économiques. En effet, au-delà du mouvement général de « dépénalisation de la vie des affaires » (du nom du rapport rédigé sous l’égide de J.-M. Coulon et publié en janv. 2008) qui aura été accompagné d’un accroissement du pouvoir répressif des autorités administratives, la multiplication des sanctions administratives tient en réalité « beaucoup au rôle que l’État, en France, a toujours souhaité jouer à l’égard du secteur économique et professionnel, souhaitant tantôt le diriger (…) tantôt le surveiller (…), ce qui aboutit à l’instauration de nombreuses sanctions dans le prolongement des textes réglementant des professions ou prévoyant d’autoriser l’exercice d’activités » (B. Plessix, op. cit., p. 1261, n° 887). D’où l’intérêt, sous l’angle du droit des assurances, de savoir si les entreprises peuvent se couvrir contre les conséquences pécuniaires des sanctions administratives dont elles pourraient faire l’objet. Si on sait de longue date que cette voie est fermée lorsqu’il s’agit de garantir les conséquences pécuniaires d’une sanction pénale (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 5e éd., LGDJ,  2024), « le problème de l’assurance des amendes administratives est (…) plus délicat » (J. Bigot et al., Le contrat d’assurance, t. 3, 2e éd., LGDJ, 2014, p. 802, n° 1634). Pourtant, de manière quasi sibylline, l’ACPR vient, à l’occasion d’un très court communiqué de presse – dont on ne sait d’ailleurs rien sur les raisons de la publication –, de présenter comme une certitude acquise le fait que « la prise en charge par un assureur d’une sanction pécuniaire prononcée par une autorité administrative (…) serait contraire à l’ordre public ». On se permettra d’être un peu plus circonspect dans le cadre de l’exégèse à suivre des quelques lignes du communiqué de l’Autorité.

« Comme tout contrat, un contrat d’assurance ne peut être contraire à l’ordre public »

La première phrase du communiqué de l’ACPR ne fait guère débat. Tous les contrats sont en effet soumis à l’article 6 du code civil dont on se contentera de rappeler que, n’ayant pas été retouché par la réforme de 2016, il continue à caractériser l’illicéité d’une convention par référence à l’ordre public et aux bonnes mœurs alors que la référence à ces dernières n’a pas été expressément reprise à l’article 1162 du même code. Quant au contrat d’assurance, la doctrine s’accorde à penser que, étant soumis au droit commun des contrats, il est bien concerné, comme tout contrat, par ce même article 6 du code civil (J. Bigot, op. cit., p. 800 mais, défendant la position inverse, J. Kullmann, Amendes pénales et amendes administratives infligées au dirigeant : pour...

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