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Assurance automobile : la clause d’exclusion de garantie pour conduite sans permis désormais inopposable au passager victime

Le fait pour l’assuré d’avoir laissé en connaissance de cause conduire son véhicule par une personne non titulaire du permis de conduire ne peut le priver de la qualité de tiers lésé au sens du droit européen, les clauses d’exclusion de garantie du contrat d’assurance lui étant dès lors inopposables. 

Le revirement tant attendu est enfin arrivé ! Après trente-quatre années d’une jurisprudence solidement initiée par la chambre criminelle, celle-ci, comme un symbole, fait volte-face sous la pression du droit de l’Union européenne. Cet arrêt signe ainsi la fin d’une exclusion de garantie particulièrement inique qui privait d’indemnisation le passager, victime et preneur à l’assurance, qui avait laissé une personne dépourvue du permis conduire son propre véhicule. La présente décision ne manquera donc pas d’interpeller les assureurs.

En l’espèce, un conducteur démuni du permis de conduire a perdu le contrôle du véhicule qu’il conduisait et qui appartenait au passager. Ce dernier a été blessé lors de l’accident. Par jugement du tribunal correctionnel rendu le 2 octobre 2015, le conducteur a été déclaré coupable des chefs de blessures involontaires aggravées, conduite sans permis, défaut de maîtrise et déclaré responsable du préjudice subi par le passager propriétaire du véhicule.

Statuant sur les intérêts civils, le tribunal correctionnel a déclaré recevable l’intervention volontaire du FGAO, accueilli l’exception d’exclusion de garantie opposée par l’assureur du véhicule et condamné le conducteur à payer diverses sommes. Le passager du véhicule a relevé appel de cette décision. Sur appel de ce jugement, la cour d’appel de Rennes confirme la première décision et déclare recevable l’exclusion de garantie de l’assureur du véhicule tout en rejetant la demande du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) d’être mis hors de cause. Les juges rennais considèrent que l’exclusion de garantie est opposable à la victime qui s’est mise elle-même dans une situation exclusive de garantie en confiant le véhicule à un conducteur non titulaire du permis de conduire.

Dans ces circonstances, le FGAO se pourvoit cassation et sollicite sa mise hors de cause sur moyen unique, estimant qu’est « inopposable au souscripteur victime l’exception de non-assurance tirée de ce qu’il aurait pris place volontairement dans le véhicule assuré en sachant que celui-ci était conduit par une personne qui n’était pas titulaire du permis de conduire, de sorte que cette exception n’est pas de nature à exonérer totalement l’assureur de son obligation à l’égard de la victime et qu’elle est en conséquence irrecevable ». Le FGAO estime que le juge d’appel a violé le droit de l’Union européenne en faisant une mauvaise interprétation de l’article R. 211-13 du code des assurances appliqué à la lumière de l’article 3, § 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972, de l’article 2, § 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103/CE du Conseil du 16 septembre 2009, tels qu’interprétés par la Cour de justice dans son arrêt Fidelidade du 20 juillet 2017 (CJUE 20 juill. 2017, aff. C-287-16, RGDA 2017. 552, note J. Landel ; RCA 2017. Étude 13, obs. H. Groutel).

La question centrale portait donc sur l’opposabilité ou non de la clause d’exclusion de garantie au passager victime, souscripteur d’une assurance automobile, s’installant dans son propre véhicule qu’il savait conduit par une personne dépourvue de permis de conduire.

Souscrivant au raisonnement proposé par le pourvoi, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes qui avait donné raison à l’assureur se prévalant de l’opposabilité de la clause d’exclusion. Elle rappelle logiquement dans un premier temps, les articles R. 211-10 et R. 211-13, 4°, du code des assurances, selon lesquels, « les clauses du contrat d’assurance automobile prévoyant une exclusion de garantie lorsque, au moment du sinistre, le conducteur n’a pas l’âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit », puis l’article 385-1 du code de procédure pénale aux termes duquel « les dispositions [étant] d’ordre public, l’exception fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d’assurance et tendant à mettre l’assureur hors de cause n’est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement celui-ci de son obligation de garantie à l’égard des tiers ».

Pour éclairer sa solution, la Haute juridiction revient sur la jurisprudence établie jusqu’alors, selon laquelle « les clauses d’exclusion de garantie sont, par exception, opposables à la victime qui, souscriptrice du contrat d’assurance, a laissé conduire son véhicule par une personne qu’elle savait ne pas être titulaire du permis de conduire et s’est dès lors elle-même placée, en connaissance de cause, dans une situation exclusive de la garantie » (Crim. 8 nov. 1990, n° 88-86.418 P ; Civ. 2e, 20 nov. 1996, n° 94-20.884 P ; Civ. 1re, 6 juin 2001, n° 98-19.023 P, D. 2002. 3176 , obs. H....

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