Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Assurance de perte d’exploitation et épidémie : le devoir de conseil en assurance est encore mal mobilisé par l’assuré privé d’indemnité assurantielle

Clarté des principes juridiques, délicate application à la réalité. Bien évidemment : la garantie d’assurance de perte d’exploitation n’est pas délivrée lorsque les circonstances du dommage ne sont pas celles prévues par le contrat. Cette garantie est également exclue lorsque les critères d’exclusion s’appliquent. Pourtant, dans une même affaire, deux tribunaux jugent successivement, de manières diamétralement opposées, une même situation factuelle. Maladroitement convoqué, le devoir de conseil du distributeur d’assurance (ici : le seul assureur) n’offre aucun secours à l’assuré. Or, ce devoir de conseil se différencie des autres obligations qui comportent, également, la communication d’informations par le professionnel de l’assurance. Il soulève la question, fondamentale, de l’intérêt d’un contrat d’assurance qui, in fine, prive l’assuré de toute indemnité lorsque l’aléa s’inscrit dans certaines configurations factuelles. L’intérêt du devoir de conseil en assurance, en contentieux, demeure encore mal exploité.

par Laurent Denis, Avocatle 2 avril 2025

Une fois l’aléa survenu, la rencontre entre la garantie du contrat d’assurance et l’assuré n’est pas toujours enchantée. Car il a fermé ; c’était un restaurant asiatique bien modeste et fort prisé des abords les moins encombrés du parc du château. Paralysé par le gel économique répandu à flot en réponse à la pandémie de 2019-2020, cet assuré sollicite initialement avec succès, la garantie de son contrat d’assurance couvrant les pertes d’exploitation. Finalement : en vain. En appel (Versailles), la cour analyse les mesures gouvernementales comme des restrictions d’accès et non comme une interdiction d’accès. De surcroît, elle juge claire la clause d’exclusion de garantie. Elle n’observe aucun défaut de conseil dans la demande maladroite de l’assuré.

En mars 2020, le gouvernement fait interdiction aux restaurants et aux débits de boissons de recevoir du public à table. Un restaurant, selon la définition du dictionnaire Larousse rappelée par le demandeur, est « un établissement commercial où l’on sert des repas contre paiement. » Un restaurant qui a fermé durant dix mois, met en demeure (janv. 2021) l’entreprise d’assurance de garantir les pertes d’exploitation qui résultent de cette mesure, à hauteur de 180 000 €. L’assureur refuse, invoquant que les conditions de mobilisation de la garantie des pertes d’exploitation ne sont pas remplies et que les dommages causés par des virus sont visées par une clause d’exclusion de toute indemnisation. Le Tribunal judiciaire (Versailles) condamne l’assureur au paiement d’une somme indemnitaire, soit 55 000 € à titre provisionnel. Au contraire, en appel, l’assureur est exempté de toute indemnisation. Cette décision montre la mobilisation encore maladroite de l’obligation de conseil en assurance dans le contentieux ; en particulier, en raison de sa confusion regrettable avec les obligations voisines, qui nécessitent également des remises d’informations à l’assuré.

La qualification de restriction d’accès s’oppose à celle d’interdiction, donc à la mobilisation de la garantie relative aux pertes d’exploitation

La clause de garantie est ainsi rédigée : « Nous garantissons les pertes pécuniaires que vous pouvez subir du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité résultant soit : (…) - d’une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prise à la suite d’un événement extérieur à votre activité et aux locaux dans lesquels vous l’exercez (…) ».

Pour contredire les premiers juges, la cour d’appel juge que les mesures gouvernementales présentent la nature d’une restriction et non celle d’une interdiction d’accès. En effet, la mesure administrative enjoint aux établissements concernés de ne « […] plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020 » « sauf » s’agissant des « restaurants et débits de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :